Les hôpitaux publics sous la menace d’une nouvelle vague d’endettement

lundi 30 octobre 2023, par Bruno Benque

La crise financière que connaît l’hôpital public depuis la fin de la crise sanitaire est le résultat de plusieurs facteurs concomitants. Dans un Rapport récent, la Cour des comptes cible en effet la pénurie de soignants, le renoncement aux soins ou la concurrence accrue du secteur privé. Mais elle constate aussi une utilisation opaque et peu responsable des nombreuses aides gouvernementales et institutionnelles qui ont été débloquées depuis et qui risquent d’engendrer une nouvelle dérive de l’endettement des hôpitaux publics.

La crise de l’hôpital public n’est, semble-t-il, pas prête de se terminer si l’on en croit les dernières études réalisées à ce sujet. Elle se manifeste par des problèmes structurels, de ressources humaines ou financiers, l’ensemble de ces items étant étroitement liés lorsque l’on évoque ce secteur.

Un tiers des hôpitaux publics français ne connait pas la crise financière

L’une de ces études a été menée récemment par la Cour des comptes, qui a analysé la situation financière des hôpitaux publics après la crise sanitaire due au COVID-19. La Cour rappelle en préambule que la situation financière globale des hôpitaux publics apparaissait dégradée, les deux plans d’investissement, Hôpital 2007 et Hôpital 2012, ayant notamment entraîné un triplement de l’endettement financier à hauteur de 30 Md€ en 2019, soit 36 % des produits. Elle constate toutefois qu’un tiers environ des hôpitaux est dans une situation financière satisfaisante, alors que les autres rencontrent des difficultés limitées ou sont en crise profonde.

Une situation fortement dégradée après la crise sanitaire

Durant la crise sanitaire, le « Quoi qu’il en coûte » gouvernemental avait permis aux ressources des hôpitaux publics d’évoluer à la hausse, en parallèle à celles de leurs charges pour la période. Mais la situation s’est en revanche fortement dégradée en 2022, avec la sortie progressive des dispositifs de crise et de fortes augmentations des dépenses d’exploitation. Si bien que les hôpitaux publics, contrairement aux établissements privés, ont connu une baisse de leur nombre de séjours de 1,7% par rapport à 2019), consécutive à un renoncement aux soins de certains patients en raison de la crise sanitaire, de concurrence accrue du secteur privé et du manque de personnel soignant.

Une spirale négative créée par la pénurie de soignants

Cette pénurie semble conditionner la spirale négative dans laquelle les hôpitaux publics sont engagés car, malgré une hausse des effectifs salariés de 2,7 % entre 2018 et 2021, les difficultés de fonctionnement se sont accrues en raison, d’après la Cour des comptes, « de contraintes de recrutement sur certaines fonctions, de l’augmentation du taux d’absentéisme et de la réticence croissante des personnels à assurer des gardes de nuit ou de week-ends au regard des conséquences sur leur vie privée ». Il en résulte une baisse de la capacité d’accueil des patients, et par conséquent, une activité en décroissance, ce qui pèse sur les recettes d’exploitation et la couverture des charges fixes des établissements de Santé.

De multiples aides institutionnelles aux conditions d’attribution opaques

Pourtant, des aides gouvernementales ont été octroyées au secteur public hospitalier, à hauteur de 15,5 Md€ au total. D’où viennent ces aides ? De la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) à hauteur de 13 Md€ non reconductibles, ainsi que du plan France Relance, refinancé par l’Union européenne, à hauteur de 2,5 Md€, une aide intégrée à l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam). Ajoutez à cela des aides à la restauration des capacités financières des hôpitaux publics et des Espic, soit 6,5 Md€ financés par la Cades d’ici à 2029. Malgré ces coups de pouce, la situation ne s’améliore pas, bien au contraire. La Cour des comptes cible ici un manque de sélectivité pour l’attribution de ces aides (près de 80 % des hôpitaux publics en ont bénéficié) et une absence contreparties relatives à l’efficience des sommes engagées. Ainsi, si le nombre d’hôpitaux publics surendettés a peu décru en 2021, il a recommencé à croître en 2022.

Un Ségur de l’investissement qui risque d’entrainer une nouvelle dérive de l’endettement

Citons enfin le Ségur de l’investissement, qui a prévu des aides aux investissements hospitaliers courants à hauteur de 1,5 Md€, financées par l’Union européenne sur la période 2021-2023 ou les aides à l’investissement structurant (7,5 Md€ d’ici à 2029, dont 6,5 Md€ financés par la Cades pour les hôpitaux publics et les Espic et 1 Md€ par l’Union européenne pour l’ensemble des établissements de santé, y compris les cliniques privées à but lucratif). Les agences régionales de santé (ARS), missionnées pour les distribuer sur leur territoire, ont, selon la Cour des comptes, sélectionné trop de projets d’investissement, notamment structurant, sur la période 2021-2029, ce qui réduit les taux d’aide et pourrait entrainer une nouvelle dérive de l’endettement des hôpitaux publics.

Un système archaïque tout entier responsable de la situation

Comment peut-on laisser l’argent public se gaspiller par manque de responsabilité de ses gestionnaires ? Combien de temps cela peut-il encore durer sans que le système ne s’effondre ? Qui est responsable ? Les cabinets ministériels, qui suivent les actions de communication gouvernementales à coups de milliards, les ARS, qui n’ont pas la capacité à évaluer les besoins précis des établissements de Santé de leur territoire, ou les gouvernants hospitaliers qui assurent leur position politique en n’attribuant pas les sommes engagées avec pertinence ? Nous n’avons pas la réponse, et nous doutons que quiconque puisse en donner, sinon de dénoncer le système tout entier et ses fondements archaïques.

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@gpsante.fr
@bbenk34.


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