lundi 29 juillet 2024, par
La Cour des comptes a récemment oublié un rapport sur les dérives observées dans le cadre de l’emploi intérimaire médical, une notion comprise dans le terme général d’emploi temporaire. Outre les rémunérations souvent non réglementaires, un grand nombre d’heures supplémentaires est observé dans ce document et ces dérives font peser une lourde charge aux budgets hospitaliers. La Cour des comptes édite des recommandations qui semblent bien dérisoires étant donnée la gravité de la situation.
La pénurie médicale qui sévit en France depuis quelques années génère de graves problèmes, notamment budgétaires, pour les établissements de Santé. C’est dans ce contexte que la Cour des comptes a élaboré, en début d’année 2024, un rapport sur le sujet.
L’intérim médical pour définir le terme général d’emploi temporaire
Ce document annonce d’emblée que, afin de compléter les effectifs médicaux des services, outre les intérimaires, les hôpitaux recrutent directement des médecins contractuels avec des montants de rémunération non réglementaire. Les dépenses d’intérim médical des hôpitaux publics s’élevaient ainsi à 147,5 M€ en 2022, en progression de 25 % par rapport à 2017, soit 2 % des dépenses totales de personnel médical.
Il est à noter que le terme d’intérim médical est souvent utilisé pour désigner de façon indifférenciée tous les médecins intervenant à l’hôpital pour compléter les plannings des services, qu’ils soient médecins intérimaires ou contractuels. Ce rapport utilise le terme général « d’emploi temporaire » pour désigner de manière indifférenciée l’intérim au sens strict et les contrats, même si les emplois ainsi occupés correspondent à des postes permanents dans l’organisation hospitalière.
Un grand nombre d’heures supplémentaires et des rémunérations non réglementaires
La pénurie médicale entraine également une croissance forte des « heures supplémentaires », ce qui constitue l’un des premiers leviers activés pour compléter les plannings de présence, complétés par les assistants, les praticiens à diplôme hors union européenne (les PADHUE), et les étudiants en fin de formation, en particulier les internes et les « docteurs juniors ».
Selon la taille de l’établissement et sa catégorie juridique, les organisations ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre pour assurer la rémunération des médecins intérimaires. Les tarifs exigés par les médecins varient d’un service à l’autre au sein d’un même établissement, en fonction de la période travaillée (jour, nuit, période de fêtes), de la taille de l’établissement et de sa situation géographique.
Des dérives qui font peser une lourde charge aux budgets hospitaliers
La cour des comptes évalue, en 2022, la permanence des soins à hauteur de 10 % des dépenses de rémunération des médecins des hôpitaux publics, proportion qui reste assez stable depuis 2017, une statistique confirmée par plus d’une quinzaine de rapports de CRTC publiés en 2022 et 2023 qui détaillent, en outre, des irrégularités. En 2021, ces dépenses supplémentaires représentent 18 % des rémunérations du personnel médical contractuel et cliniciens hospitaliers (10 % en 2017) et 2,2 % de la rémunération totale du personnel médical en 2021 (1,6 % en 2017), sans compter les avantages en nature d’hébergement, de transports ou de repas.
Cette situation crée d’autres problèmes relatifs aux conditions de travail, les jeunes praticiens épouvant le besoin de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle, de ne pas se projeter dans la durée sur un même poste, ce qui les pousse à ne pas choisir d’emblée le statut de praticiens hospitaliers. La Haute Autorité de Santé (HAS) cible ainsi, dans les établissements ayant régulièrement recours à des emplois temporaires, des difficultés à intégrer les démarches qualité et la gestion des risques de long terme ou des épisodes plus nombreux éd’vènements indésirables graves associés aux soins (EIGS).
Des recommandations de la Cour des comptes qui semblent bien dérisoires
En plus de l’arsenal législatif mis en place depuis 2021 pour contre-carrer ces dérives, la Cour des comptes énumère, dans son rapport, quelques recommandations qui semblent bien dérisoires, tout d’abord à l’attention de la DGOS et de la HAS afin qu’elles définissent une méthodologie visant à étudier l’effet sur la sécurité des soins du recours aux emplois temporaires et qu’elles éditent de manière plus restrictive les règles de recours à certains contrats temporaires.
Elle souhaite par ailleurs faire dépendre la revalorisation des indemnités de sujétion des gardes et astreintes de la mutualisation des ressources médicales au sein du territoire et organiser un double recueil obligatoire du taux de recours aux emplois temporaires notamment.
Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@gpsante.fr
@bbenk34.