L’Europe peut-elle agir sur la pénurie de professions de Santé ?

jeudi 8 décembre 2022, par Bruno Benque

La pénurie de professions de Santé est globale et certains pays souffrent plus que la France dans ce domaine. Dès lors, peut-être qu’une coopération européenne pour redonner de l’attractivité à ces métiers de la Santé et soulager les professionnels sur le terrain. Quelques propositions relative à leur formation, à leurs conditions de travail ou à leur préparation psychologique sont avancées. La stratégie européenne existe, mais en pratique, que se passe-t-il ?...

Nous le constatons tous les jours sur le terrain, la pénurie de professionnels de Santé est de plus en plus préjudiciable pour la population, à l’hôpital comme en ville, sur le champ médical et paramédical. La France n’est pas, loin de là, la seule touchée, car ce phénomène est global et engendré par toutes sortes de facteurs.

Une pénurie de soignants qui perdure dans toute l’Europe

Les causes sont connues et agissent sur le système de Santé depuis plus de vingt ans sans que les tutelles en aient anticipé les ravages que l’on connaît aujourd’hui. Les conditions de travail, les risques professionnels importants, les rémunérations encore trop pénalisantes malgré les décisions du Ségur de la Santé, les horaires de travail de nuit ou de weekend, sont autant de freins à l’attractivité pour ces métiers. Ajoutez à cela un manque de reconnaissance professionnelle par rapport à d’autres disciplines très médiatisées et une crise sanitaire qui, bien qu’ayant donné un coup de projecteur, a fortement éprouvé la résilience de celles et ceux qui l’ont combattue au quotidien, et vous obtenez un cocktail très peu engageant pour les jeunes générations.

Un appel à la coopération au niveau continental

Nous le disions en préambule, le problème est global et toute l’Europe notamment est touchée. Le Royaume-Uni en particulier où, pendant la période COVID-19, une grande partie du personnel soignant n’a pas pris de vacances annuelles ou de jours de congé réguliers pendant plus d’un an et où les opportunités de formation continue sont très limitées aujourd’hui. Nos gouvernants, au niveau européen, peuvent-ils agir de concert pour limiter les effets de cette crise ? Pour Michael Seraskeris, Directeur de l’organisation sanitaire en Grèce, les gouvernements européens doivent reconnaître la priorité de la question afin de la traiter sur le long terme et redonner un statut concurrentiel nécessitant la coopération des ministères de la santé, du travail et de l’éducation de tous les pays européens. Il a fait, dans ce cadre, quelques propositions qu’il a énumérées dans un article paru dans healthmanagement.org.

Agir sur l’attractivité, la formation ou la préparation psychologique des étudiants

Il incite ainsi les pays développés à reprioriser les professions de la santé et à reconnaître les personnels paramédicaux comme des « agents de l’humanité », et non pas seulement comme des « techniciens » de la santé, étant donné leur rôle des plus critiques pour la vie des populations. Il appelle à créer toutes sortes d’incitations, financières notamment, pour rendre ces métiers compétitifs avec d’autres secteurs. Sur un plan plus général, il souhaite que les soignants soient plus au clair avec l’organisation du système de Santé et puissent disposer de cours d’économie, de gestion, de droit de la santé, etc. afin qu’ils acquièrent un sens scientifique plus large de leur domaine professionnel et se sentent moins isolés pour prendre des décisions. D’autre part, pour éviter l’exode des soignants, il suggère de mieux préparer les étudiants sur le plan psychologique afin qu’ils soient aguerris aux conditions réelles de travail.

Un rôle important à jouer pour le grand public

Mais ses propositions concernent également le grand public, qui est invité à agir et non à réagir face à la maladie ou la crise sanitaire. Cela passe évidemment par la prévention, aux moyens d’agendas précis et de formation de la population générale à suivre les calendriers de maintien de la santé. À cet égard, il reconnaît qu’il s’agit là d’une réduction des libertés individuelles mais que « les prestataires de santé ne peuvent pas garantir le bien-être, ils ne font que le faciliter ! » D’autre part, il engage une réflexion sur la pertinence de garder les paramédicaux chercheurs sur le terrain, au lieu de les placer, comme cela est souvent le cas à l’étranger, dans un poste académique pour qu’ils échappent à la pression du travail. « Les organisations de santé sont par définition des environnements d’apprentissage », souligne-t-il.

La stratégie européenne existe, mais en pratique ?...

Il appelle enfin, et surtout, à réduire le ratio patient-professionnel de la santé au sein des hôpitaux, en renforçant les moyens, financiers et humains, des prestataires de soins primaires. Il s’agit en effet d’un problème majeur et récurrent, que nous mettons souvent en lumière dans nos colonnes, et qui est le prérequis de base pour desserrer l’étreinte autour des soignants hospitaliers. La coopération européenne saura-t-elle se mobiliser pour répondre à toutes ces problématiques et nous faire espérer un futur proche en Santé ? Ou chaque pays sera-t-il enclin à balayer devant sa porte ? La nouvelle « EU Global Health Strategy » qui vient d’être publiée par la Commission européenne en a, en tout cas, la volonté. Mais que se passe-t-il en pratique ? Là est la question...

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@gpsante.fr
@bbenk34.


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