Est-il temps de changer de stratégie face au COVID ? (PART.2)

Après quasiment dix-huit mois de contraintes en tous genres liées à la pandémie de COVID-19, il est temps de faire un premier bilan des mesures prises par le Gouvernement français pour protéger la Santé des populations. Ce bilan est mitigé, selon un collectif de chercheurs en Santé publique et en sociologie qui, dans un article publié dans le web magazine « The Conversation », décrit la politique de « stop and go » adoptée comme non pertinente à moyen et long terme. Après avoir décrit les effets néfastes de cette politique et la prise en compte partielle du rapport bénéfice-risques, les chercheurs nous éclairent sur les mesures qu’il est impératif de mettre en place et celles qu’il faut faire perdurer pour aboutir à une immunité collective effective.

La Covid-19 est d’abord une « syndémie » dont la gravité est liée à des déterminants notamment sociaux et des comorbidités préexistants. La gestion de l’épidémie se doit de prendre en compte cette perspective. Mais comment ?

Poursuivre certains efforts : vacciner massivement

La vaccination reste à ce jour l’unique moyen d’envisager la diminution de l’impact du virus en termes de mortalité et de morbidité et, à terme éventuellement, la fin de la pandémie dans sa forme actuelle. L’acceptation vaccinale se gagnera par une communication basée sur l’intérêt d’une immunité collective pour sortir des contraintes à répétition.

La santé publique doit par ailleurs prendre en considération simultanément les effets attendus des mesures, leurs impacts négatifs et leur seuil d’acceptabilité.

Une mesure non acceptée est rejetée et contournée, et elle altère la confiance dans les autorités, rendant encore moins acceptables les suivantes (quelle que soit leur pertinence). De plus, une mesure qui ne protège qu’une fraction de la population, mais rend malade une autre fraction (les jeunes, par exemple, ou les personnes les plus pauvres), voire une part plus importante de la population, n’est pas acceptable – du moins sans un débat public clair sur les priorités que doivent poursuivre les décideurs.

Un tel débat doit s’appuyer notamment sur la balance bénéfice-risque de chaque mesure à l’échelle de la population, comme cela est préconisé dans les derniers guides de l’Organisation mondiale de la santé/Unicef, par l’analyse permanente de leur impact positif et négatif sur le moyen et long termes. Pour le moment, les principales mesures de restriction mobilisées ont été peu évaluées sur le moyen terme, notamment au regard des inégalités, ou montrent des limites, comme le confinement généralisé et la fermeture des écoles.

A contrario, de nombreuses études soulignent que la restauration collective est le principal lieu de contamination en milieu de travail ou que la contamination en extérieur est infime, tandis que celle dans les commerces et lieux culturels n’est à ce jour pas établie. Si une telle contamination est plus difficile à prouver que dans d’autres lieux, les enquêtes en population montrent que leur fréquentation n’est pas un facteur de risque. Autant d’éléments qui devraient guider l’action publique.

Privilégier l’extérieur et aérer en intérieur

La plus forte contamination est de nature aérosol. De ce fait, les principaux lieux de contamination sont les espaces clos, mal ventilés, avec des participants nombreux, ne respectant pas les gestes barrières et notamment le port du masque.

Il faut donc permettre à la population de rester à l’extérieur le plus possible (y compris en terrasse, avec respect des gestes barrières), et conditionner l’ouverture des lieux accueillant du public à l’aération, l’installation d’un dispositif de mesure en continu de la concentration en dioxyde de carbone (CO2) dans l’air (valeur guide de 1000 ppm) et à l’usage de dispositifs d’aération ou de ventilation.

Enfin, les établissements de santé et les Ehpad représentaient en octobre 2020 un quart des clusters. Il est donc impératif de tester (par autotest) les professionnels libéraux et de ces établissements deux fois par semaine et les vacciner en priorité et sans condition en organisant cette vaccination sur la base de leviers incitatifs probants : choix du vaccin, vaccination sur place, sans délai, par les pairs.

Se tester et s’isoler massivement

La stratégie tester/tracer/isoler est la plus efficace. Or, les patients s’isolent trop tard et ne protègent donc pas les autres. Dans son avis n° 2021.0015/AC/SEAP du 15 mars 2021, la Haute Autorité de Santé valide l’utilisation des autotests à prélèvement nasal.

La France peut désormais appliquer massivement cette stratégie sur la population : équipement des pharmacies, distribution par la poste, communication massive. Enfin, il est nécessaire de renforcer au niveau local les stratégies du type « aller vers » afin de favoriser l’autotest, l’auto-isolement, la vaccination et les gestes barrières.

Médiateurs en santé, associations, réseaux d’aide à domicile, doivent être mobilisés et déployés massivement pour sensibiliser les plus vulnérables, qu’ils le soient par leur condition physique (personnes âgées, malades), sociale (précarité économique, quartiers), linguistique (migrants), lieu de vie (gens du voyage, SDF, etc.), etc.

Aucune mesure ne peut à elle seule éviter la diffusion de l’épidémie. C’est leur combinaison qu’il faut viser, dans une stratégie de réduction des risques qui maintient des conditions acceptables de vie en attendant la vaccination de la population. En effet, la santé publique ne consiste pas seulement à estimer les vies sauvées grâce aux efforts pour limiter la propagation des virus, mais également à évaluer le nombre total de vies sauvées et perdues en raison de l’épidémie et des réponses à cette dernière.

The Conversation

Linda Cambon, Enseignant chercheur, Université de Bordeaux ; François Alla, Professeur de santé publique, Université de Bordeaux ; Henri Bergeron, Directeur de recherche au CNRS, sociologue au CSO (Centre de sociologie des organisations), Sciences Po  ; Olivier Borraz, Directeur de recherche CNRS - Centre de Sociologie des Organisations, Sciences Po et Patrick Castel, Sociologue, Directeur de recherche, Sciences Po

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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