Arguments en faveur d’une meilleure prise en compte des professions de Santé

lundi 26 décembre 2022, par Bruno Benque

Dans un texte publié sur la plateforme du Think tank Lisa, Stéphane Le Bouler envisage les réformes engagées dans le secteur de la Santé de manière systémique. Mais il regrette le manque d’efficience des processus de maturation et de déploiement de ces réformes, ainsi que le manque de cohérence dans les modèles de financement et de valorisation des compétences. Mais n’oublions pas un critère majeur de réussite de toute réforme : l’acculturation des populations pour une meilleure appropriation du sens de ces réformes.

La crise que traversent les professions de Santé, tant médicales que paramédicales, a des origines diverses qui doivent être considérées sur un plan systémique. Les acteurs de ce système ont tendance à la considérer uniquement sous le prisme de leur idéologie disciplinaire, ce qui fausse leur perception et favorise les actions de lobbying.

Des réformes qui n’agissent pas de manière systémique sur le secteur de la santé

Le législateur, ainsi que les organismes de tutelle qui tentent de mettre en pratique les dispositions qu’il prend, a plutôt un regard global – trop éloigné du terrain pour certains -, en cohérence donc avec la prise en compte systémique du problème. C’est en substance le propos que tient Stéphane Le Bouler dans un article récent publié sur la plateforme du Think Tank Lisa. Il remarque en effet que, prises individuellement, les réformes mises en œuvre sur ce champ sont jugées comme pertinentes, sans toutefois engendrer des transformations du système ou des carrières des agents. Il cible ici les dispositifs de promotion professionnelle ou de validation des acquis, d’extension des compétences des professionnels en poste - pratique avancée ou spécialisation – ou de conditions de travail et de pénibilité.

Il remarque, pour étayer son raisonnement, que ces initiatives « ne font pas suffisamment sens et n’ont pas produit les impacts attendus sur l’organisation du système de santé et sur la situation vécue par les professionnels », ce à quoi nous souscrivons volontiers. Mais quels sont les thématiques à traiter en priorité pour donner plus de consistance à ces réformes et pour en tirer un meilleur bénéfice ?

Des processus de maturation et de déploiement peu propices à l’efficience

Il avance tout d’abord les temps de maturation ou de déploiement de ces réformes, qu’il qualifie de longs et susceptibles de diluer le sens de l’action entreprise. Il est vrai que le processus de décision, qui ne dépend pas que du seul Ministère de la Santé et de la Prévention, a tendance à se perdre dans les méandres ministériels lorsque les sujets à traiter touchent aux finances publiques, au code du travail, voire au développement durable notamment. À cet égard, il serait peut-être pertinent de placer des instances comme la DGOS sous une tutelle multiple afin de gagner en efficience et d’accélérer la mise en œuvre des réformes.

L’utopie d’un bouleversement des financements des parcours de Santé

Stéphane Le Bouler évoque ensuite, dans son article, le modèle de financement et de valorisation des compétences qui semble ne plus correspondre à notre époque et que les professionnels ne sont pas enclins à en approuver un quelconque bouleversement. À l’heure où la T2A est décriée, car elle vient en contradiction avec le principe de prise en charge globale d’une pathologie ou d’une affection chronique, la sacrosainte CCAM ne saurait en aucun cas disparaître, même partiellement. Alors qu’elle aussi, et de manière encore plus prégnante, agit comme un découpeur – en tranches inégales souvent – de parcours de Santé qui gagneraient en efficience s’ils étaient rémunérés de manière globale. Mais nous touchons là à l’utopie car une telle révolution – n’ayons pas peur des mots – entrainerait dans doute la fin du secteur privé, dans sa configuration actuelle.

Une nécessaire acculturation des populations pour les faire adhérer aux réformes

Bref, pour « gagner en cohérence et en force d’impulsion », Stéphane Le Bouler suggère aux pouvoirs publics d’afficher clairement leurs intentions, de préciser les spécificités des métiers du soin ou de circonscrire le cadre de financement des réformes et de conduire un ensemble d’actions cohérentes, collégiales, suivies et évaluables dans le temps, « dont la portée et le sens se renforcent l’une l’autre ». Nous ajouterons ici un critère de réussite primordial pour la réussite de ces réformes : l’acculturation des populations. Les patients – ainsi que les praticiens qui les accompagnent depuis des dizaines d’années – ont pris des habitudes, dans leurs parcours de soins, qui ne cadrent plus avec le contexte actuel marqué par la lente perte d’influence de l’État-providence et qu’il est difficile de gommer. En un mot, il est essentiel de mieux communiquer au plus grand nombre le pourquoi et le comment des réformes afin qu’elles puissent être mieux assimilées et comprises.

Stéphane Le Bouler prend l’exemple des succès obtenus sur le champ de la Santé numérique et des bonnes pratiques qui en découlent. Sauf que ce domaine ne souffre pas des critères d’antériorité que nous avons exposés précédemment, du fait de sa récente apparition dans le contexte sanitaire. Il faudra se montrer très persuasif pour pouvoir suivre cet exemple.

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@gpsante.fr
@bbenk34.


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