Témoignages de soignants au cœur de la première vague de COVID-19

lundi 16 janvier 2023, par Bruno Benque

Un article publié par Anne Pilotti, cadre kinésithérapeute, dans le magazine Kinescope, nous replonge dans l’environnement stressant et déshumanisant de la première vague de COVID-19. Il synthétise les résultats d’une enquête interprofessionnelle qu’elle a co-pilotée et au cours de laquelle elle a recueilli l’impression des soignants juste après cette première vague. Des témoignages qui nous rappellent une période tourmentée que nous espérons ne pas revivre de sitôt...

La période au cours de laquelle la première vague de la pandémie de COVID-19 a sévi, au printemps 2020, a été soudaine et a plongé les équipes soignantes dans l’expectative, l’ensemble de la société plongeant tout d’un coup dans l’inconnu.

Un article qui retrace les résultats d’une enquête menée auprès des soignants juste après la première vague de COVID-19

Au terme de celle-ci, Anne Pilotti, cadre kinésithérapeute et PhD, a réalisé une étude sur le ressenti des soignants durant ces deux mois de stress et d’interrogations en tous genres. Ce travail a été mené en interprofessionnel avec Anne Leclercq, Coordinatrice de la recherche, PhD de Physiologie, pathologie et sciences apparentées, ainsi que Virginie Masdoua, Cadre Supérieur Diététicienne et PhD d’Anthropologie. Il a fait l’objet d’un article explicatif publié dans le numéro de juin 2022 de Kinescope, le magazine du Collège National de la Kinésithérapie Salariée (CNKS). Anne Pilotti y retrace les outils utilisés lors de l’enquête, notamment cinq focus groups avec des soignants provenant de différents établissements appartenant à un groupe Hospitalier Universitaire de l’APHP.

Une détresse résultant de la déshumanisation temporaire de l’univers hospitalier

Parmi ces groupes, deux ne rassemblaient seulement que des cadres de santé et tandis que les trois autres comprenaient des infirmières anesthésistes, des infirmières, des auxiliaires de puériculture, des aides-soignantes travaillant notamment en chambre mortuaire, un agent hospitalier, une infirmière de coordination, une éducatrice de jeunes enfants, des diététiciennes, des masseur-kinésithérapeutes, des techniciens de laboratoire, une sage-femme, et un technicien d’étude clinique. Tous ces soignants, y compris les cadres, ont montré un intérêt majeur pour le patient et son bien-être, bien que manifestant de la détresse. Une détresse résultant, en partie, de la déshumanisation qui avait envahi l’environnement hospitalier du fait de l’obligation, pour les soignants, de porter masques et gants, et pour les patients l’interdiction de toute visite.

La nécessité de « tricher avec les consignes »

Anne Pilotti décrit cet isolement comme inacceptable et allant à l’encontre des valeurs des soignants, mais elle met également en valeur leur capacité à modifier les organisations, « à tricher avec les consignes », pour rendre cette période vivable pour tous. Elle témoigne d’une période où les soignants ont « utilisé́ leur propre téléphone portable pour faciliter la communication entre patient et famille », où les réseaux sociaux ont permis aux familles de patients intubés et sédatés d’enregistrer des messages vers ces derniers en vue de leur réveil, où les rites mortuaires ont disparu temporairement pour éviter la propagation du virus chez les soignants.

Des répercussions jusque dans les foyers des professionnels de Santé

Mais ce qui ressort de cet épisode dans les témoignages, et dans cette enquête en particulier, c’est « la solidarité et la collaboration interprofessionnelle » et la manière dont « la hiérarchie a été également bousculée, avec un leadership partagé ». « La solidarité et la reconnaissance au travail sont des éléments présents dans les discours – des soignants interrogés -, notamment lorsque les médecins venaient aider et notamment participer aux retournements... ou lorsque des chirurgiens qui étaient là pour faire aides-soignants, passer la serpillère en salle de réveil... ». Sans compter les répercussions des mesures de distanciation jusque dans leurs foyers racontées par les professionnels participant à l’enquête.

Ce que retient Anne Pilotti, au final, de ces témoignages « c’est que les soignants se sont regroupés, alors même qu’il y avait urgence, sur ce qui fait sens pour eux, c’est à dire protéger et sauver des vies dans des conditions qui respectent l’humain ». Un texte fort qui nous replonge dans un environnement que nous espérons ne plus connaître de sitôt.

Anne Pilotti
Recherche paramédicale
Kinéscope N°20, Juin 2022, page 5

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@gpsante.fr
@bbenk34.


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