mardi 12 novembre 2013, par
Marie-Jeanne Lorson est cadre de santé et accompagne les candidats au concours d’entrée en IFCS afin qu’ils se préparent au mieux aux échéances de cette épreuve. Elle nous fait part, dans l’article qui suit, de ses interrogations quant à l’importance des changements d’appellation, même minimes, dans la description d’un concept, l’élaboration d’un programme de formation ou d’un projet professionnel. Une analyse qui intéresse autant les étudiants en soins infirmiers que les étudiants cadres de santé.
En tant que tutrice pour les apprenants préparant le concours d’entrée en Institut de formation des cadres de santé (IFCS) au sein de Mediformation, je constate à quel point une absence de clarification de mots, le remplacement d’un concept par un autre ou la méconnaissance d’outils de travail pourtant accessibles, sont à l’origine de malentendus, découragements, perte de temps et d’énergie .
En proposant cet article, j’attire l’attention des internautes pour tenter d’échanger sur différents points qui nous concernent tous, et pouvant être un facteur d’avancée positive dans les professions paramédicales.
Des changements d’appellation tout sauf anodines
L’arrêté du 23 Mars 1992 modifié relatif au programme des études conduisant au diplôme d’état d’infirmier et d’infirmière modifié par l’arrêté du 31 juillet 2009 présentait dans l’annexe III (Référentiel de formation) un découpage en modules. Parmi ces modules figuraient :
- le module en soins infirmiers aux personnes atteintes de maladies infectieuses et aux personnes atteintes de l’infection par le V.I.H. (virus de l’immunodéficience humaine ) ;
- le module soins infirmiers aux personnes âgées ;
- les modules infirmiers aux adolescents, aux adultes et aux personnes âgées atteints de troubles psychiatriques ;
- le module en soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections cardio-vasculaires ;
- le module soins infirmiers atteintes d’affections respiratoires ;
- le module soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections traumatologiques ;
- le module soins infirmiers en pédiatrie et en pédopsychiatrie ;
- le module soins infirmiers atteintes d’affections digestives ;
- le module soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections néphrologiques et urologiques ;
- le module soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections du système nerveux ;
- le module soins infirmiers atteints d’hémopathies et de cancers ;
- le module soins infirmiers aux urgences et en réanimation – transfusion sanguine ;
- le module en soins infirmiers en maternité et aux personnes atteintes d’affections gynécologiques ;
- le module en soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections oto-rhino-laryngologiques, stomatologiques, ophtalmologiques et dermatologique.
C’est dans cet arrêté que nous avons constaté la disparition des « écoles d’infirmières » remplacées par les « instituts de formation en soins infirmiers ». Cette fois était mis l’accent sur le service rendu par les infirmiers / infirmières caractérisé par « les soins infirmiers ». L’importance de ce changement d’appellation est souvent passée inaperçue.
L’annexe III de cet arrêté mettait clairement en évidence dans le titrage des modules cités ci-dessus, qu’il s’agissait bien de soins infirmiers dirigés vers des personnes. Nous pouvons cependant noter que la notion de personnes n’apparaît pas dans le titre du module soins infirmiers en pédiatrie et en pédopsychiatrie, ni dans la partie maternité dans le module en soins infirmiers en maternité aux personnes atteintes d’affections gynécologiques. Cette remarque peut apparaître comme du « titillage » …. Cependant …
Dans la mise en œuvre de ce programme d’enseignement, nous avons pu constater des « réductions » dans les titres des modules ciblés, à la fois dans le discours des formateurs et des étudiants, et aussi dans les écrits. Ainsi, « le module en soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections cardiovasculaires »est devenu le module en soins infirmiers aux personnes atteintes d’affections cardiovasculaires, puis le module en cardiologie, puis le module en cardio, enfin la cardio.
Ce qui peut sembler à première vue une simplification de langage anodine ne l’est pourtant pas. La tentation de replonger dans le « médical » ne pouvait que ressurgir à la faveur de ces raccourcis.
Evaluer les éléments constituant les compétences
Le référentiel de formation infirmière appliqué depuis 2009, a mis en évidence le concept de « compétences ». Très vite les manifestations de trouble vis-à-vis de ce concept sont apparues, essentiellement dans ce lieu de formation qu’est le stage. N’ayant pu bénéficier rapidement de formations expliquant le portfolio, les professionnels de terrain engagés dans l’accompagnement des étudiants en soins infirmiers en vue de l’obtention du diplôme d’état infirmier se sont donc trouvés en difficulté pour évaluer « les compétences infirmières » ; une situation qui perdure. De la même façon, les étudiants en soins infirmiers se demandent comment leurs « compétences » vont être évaluées pendant le stage. Or ce ne sont pas les compétences qui sont à évaluer, mais les éléments qui les constituent ; des élément observables et donc évaluables. Pour les professionnels, mais aussi pour les étudiants qui n’en disposeraient pas encore, voici l’outil de travail indispensable pour conduire l’évaluation des acquis des stagiaires en soins infirmiers (évaluation de l’acquis des éléments constituants chaque compétence infirmière). Pour mémoire – et de façon synthétique - les référentiels d’activités et de compétences du métier d’infirmier diplômé d’Etat ne se substituent pas au cadre réglementaire. En effet, un référentiel n’a pas vocation à déterminer des responsabilités. Il s’agit de décrire les activités du métier, puis les compétences. Celles-ci sont rédigées en termes de capacités devant être maîtrisées par les professionnels et attestées par l’obtention du diplôme d’Etat. Cette description s’inscrit dans la réglementation figurant au code de la santé publique (CSP).
Compétences
- Evaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier ;
- Concevoir et conduire un projet de soins infirmiers ;
- Accompagner une personne dans la réalisation de ses soins quotidiens ;
- Mettre en œuvre des actions à visée diagnostique et thérapeutique ;
- Initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs ;
- Communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins ;
- Analyser la qualité des soins et améliorer sa pratique professionnelle ;
- Rechercher et traiter des données professionnelles et scientifiques ;
- Organiser et coordonner des interventions soignantes ;
- Informer et former des professionnels et des personnes en formation.
Lire ici l’annexe II – Diplôme d’Etat d’infirmier référentiel de compétences (page 21)
Projet professionnel, et non pas projet de service
Ce paragraphe concerne plus particulièrement les candidats au concours d’entrée dans un institut de formation des cadres de santé qui sont soumis à une épreuve d’admissibilité puis d’admission. A propos de cette dernière, il est nécessaire de rappeler l’article 8 de l’arrêté du 27 mai 1997. Ce document prévoit que le candidat doit satisfaire à une épreuve d’admission à partir d’un dossier rédigé par lui-même. Pour mémoire, et en synthèse, ce dossier se compose :
- d’un curriculum vitae, précisant le déroulement de carrière, les formations et diplômes ;
- d’une présentation personnalisée portant sur son expérience et ses perspectives professionnelles, sa participation à des travaux (études, publications, groupes de réflexion, actions de formation... ), responsabilités exercée dans des organismes ou associations, conceptions de la fonction de cadre et ses projets...
Cette épreuve, notée sur 20, dont l’évaluation est assurée par trois membres du jury désignés par son président comporte, outre l’examen du dossier, un exposé oral de dix minutes au cours duquel le candidat présente son dossier et un entretien de vingt minutes.
A ce sujet, on observe une difficulté liée à l’élaboration du projet professionnel du candidat. En effet, le texte officiel ne demande pas la préparation d’un projet professionnel mais l’énoncé de « perspectives professionnelles », ce qui n’est pas la même chose, surtout au niveau de la construction de l’écrit à présenter au jury d’admission. Le projet professionnel est davantage la finalité de la formation IFCS car il nécessite la maîtrise d’une méthodologie rigoureuse travaillée une année durant. Cependant, une confusion demeure et les candidats aux concours en témoignent : « l’institut dans lequel je me présente demande bien un projet professionnel » ou « ma cadre supérieure m’a dit que je devais préparer un projet professionnel »... Il est donc essentiel que les candidats, leurs supérieurs hiérarchiques, leurs conseillers, différencient très clairement ce que demande un employeur en termes de projet de service et ce qui fait partie de l’épreuve d’admission au concours, c’est-à-dire les perspectives professionnelles. En effet, cela ajoute encore de la confusion entre « projet professionnel » et « projet de service /de pôle d’activité ». Par exemple, on peut entendre : « mon projet professionnel est de créer un poste de tuteur pour les stagiaires Ifsi dans le service où j’exerce », ce qui est en fait un projet de service. Par contre, ce qu’il faudrait entendre serait plutôt : « mon projet professionnel est de devenir cadre de santé afin d’acquérir les compétences me permettant de proposer un projet de service en cohérence avec les activités d’une structure de soins ».
Pour ne pas conclure...
Comment faire pour sortir des tous ces malentendus ? Comment faire pour que tous les jurys des épreuves d’admission au concours d’entrée en IFCS clarifient ce qu’ils peuvent exiger des candidats, et surtout ne pas les sanctionner à tort ? Ces exemples ne sont hélas pas isolés...
Marie-Jeanne LORSON
Cadre de santé
Tutrice des apprenants à la préparation aux concours d’entrée en IFCS
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