Le secteur du Grand Âge à la croisée des chemins

lundi 14 février 2022, par Bruno Benque

Suite aux révélations issues de l’ouvrage de Victor Castanet, « Les Fossoyeurs », et au rapport de la Cour des comptes sur l’aide à domicile, parus la même semaine, Stéphane Le Bouler et Anne-Marie Montchamp ont élaboré une tribune dans laquelle ils condamnent les pratiques de certains EHPAD ainsi que les politiques qui régissent le secteur médico-social.Ils font également des propositions pour que l’on puisse aboutir enfin à une prise en charge du Grand Âge plus humaine et une régulation de l’autonomie moderne grâce à des institutions efficaces et réellement démocratiques. Extraits...

Dans une tribune intitulée « EHPAD : le point de non-retour » et publiée sur la plateforme du Think Tank LISA, Stéphane Le Bouler, son Président, et Anne-Marie Montchamp, Présidente de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) font un constat sévère de la logique de profit qui régit le secteur du Gran Âge en France. « Bien sûr, il y a des institutions remarquables, des professionnels dévoués à leur tâche et aux résidents, disent-nuls en préambule, mais il y a aussi des institutions lamentables et des salauds. Il n’y a pas d’autres mots quand on profite de la vulnérabilité des gens. La meilleure réponse pour séparer le bon grain de l’ivraie est d’ouvrir ces lieux, de mettre enfin en place une évaluation de la qualité, d’entendre la parole de ceux qui y vivent et de leurs proches, de revoir l’exercice des tutelles aveugles, idiots utiles d’un système de non droit. »

L’EHPAD n’est pas la solution

Le décor est planté. Le secteur médico-social paye aujourd’hui les errements passés, qui ont généré des organisations inadaptées aux besoins, mettant les EHPAD dans une situation très fragile, notamment sur le plan des conditions de travail des soignants et non soignants ainsi que des risques professionnels. Alors, quelle est la solution ? Il faut des moyens, disent les auteurs, mais l’EHPAD, fût-il public, n’est pas la solution. « Il serait dramatique de se tromper à nouveau de perspective, comme à chaque fois : proclamer la nécessité de renforcer la prise en charge à domicile et consacrer l’essentiel des moyens aux établissements sans jamais remettre en question leur modèle, fondé qu’on l’admette ou pas, sur la relégation. Le Comité consultatif national d’éthique nous a, à ce propos, sèchement rappelés à la réalité durant la crise COVID. Qu’est-ce qu’un lieu d’où on ne sort pas, sinon un lieu de privation de liberté ? »

Un constat pertinent, certes, mais quelles solutions ?

« Non, il ne faut pas créer des dizaines de milliers de places d’EHPAD. Il faut, au contraire, donner enfin leur chance aux alternatives à l’institutionnalisation et aux institutions alternatives, consolider l’aide à domicile, les soins à domicile, renforcer l’intégration des opérateurs, simplifier le recours des bénéficiaires, y compris en situation critique ou lorsque la contrainte, ... renforcer l’information sur la qualité,... veiller à l’attractivité des métiers du domicile... » Nous sommes d’accord, mais comment s’y prendre ? Quelles sont les alternatives ? Les outils numériques et les solutions proposées par la Silver Economy peuvent-elles résoudre une partie du problème ? Par où commencer ? La réponse, en fait, est tout d’abord politique.

Renforcer la surveillance de la qualité et réformer la régulation économique

Les auteurs veulent, dans un premier temps, sortir d’un régime de tarification administrée, d’autorisations administratives et de tutelles multiples qui ont montré leurs insuffisances. Ils préconisent ensuite un renforcement de la surveillance des établissements et services dédiés aux personnes vulnérables. Et pour pérenniser le secteurs le plan économique, il faut réformer les méthodes de régulation. « On a confié à des autorités de régulation le soin d’analyser les conditions de marché, de travailler sur les pratiques tarifaires, de mesurer le respect des obligations liées aux autorisations, de travailler le coût des licences (Eh oui, une autorisation, ça a de la valeur !), de faire en sorte que de nouveaux opérateurs viennent contester les opérateurs en place », remarquent-ils, souhaitant qu’enfin la parole soit donnée aux usagers et à leur entourage, qui ont sans doute décidées pour améliorer le système.

Respect des droits des personnes et régulation moderne du système

« On n’a plus besoin de rapports pour passer enfin à l’acte et fabriquer des solutions diversifiées à la hauteur des enjeux du Grand âge, concluent-ils. On doit s’en tenir à quelques principes simples : le respect des droits des personnes, le soutien aux initiatives innovantes au plus près des besoins (initiatives qui doivent être réellement évaluées et, si l’évaluation est probante, diffusées), la promotion de la qualité. Mais il faut aussi se battre sur le terrain de l’économie. Oui à un service public de l’autonomie présent sur tous les territoires, mais si on le régule de façon moderne grâce à des institutions efficaces et réellement démocratiques. »

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@cadredesante.com
@bbenk34
D’après le texte « EHPAD : le point de non-retour » de Stéphane Le Bouler et Anne-Marie Montchamp.


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