mercredi 26 février 2020, par
Les 60èmes Journées d’étude et de formation des Ingénieurs hospitaliers de France s’ouvriront le 10 juin 2020 à Marseille, pour trois jours. Nous avons rencontré Bruno Cazabat, le Président de l’Association qui regroupe ces professionnels hospitaliers peu connus des soignants. Il nous décrit les grandes lignes de leurs missions et souligne l’importance de leur coopération avec les managers hospitaliers au quotidien.
Cadredesante.com : Lorsqu’on parle d’ingénieur hospitalier, on a tendance à englober l’ensemble des fonctions transversales de l’hôpital autres que les métiers soignants. Les ingénieurs biomédicaux, responsables logistique et autres ingénieurs qualité font-ils partie de cette communauté ?
Bruno Cazabat : L’ingénierie hospitalière est un vaste domaine qui fait appel à toutes les sciences de l’ingénieur. Plusieurs domaines sont clairement identifiés comme l’ingénierie biomédicale très proche des praticiens ou l’ingénierie informatique omniprésente. L’association IHF (Ingénieurs Hospitaliers de France) rassemble essentiellement les ingénieurs en charge du patrimoine, de la construction et maintenance des bâtiments et installations techniques. Ingénieurs ou architectes de formation ils collaborent évidement avec les autres ingénieurs de l’hôpital. C’est ce collectif qui peut expliquer une confusion qui est parfois faite par les professionnels soignants et les médias.
Comme vous l’avez dit, il y a à l’hôpital les ingénieurs biomédicaux, qui ont leur spécialité, les ingénieurs informatiques, aux compétences également très pointues, mais dans le domaine du bâtiment et des métiers techniques, génie civil, génie électrique, chauffage et climatisation, ainsi que d’autres métiers de la construction, c’est l’ingénieur hospitalier qui est en charge des projets et depuis la mise en œuvre des schémas directeurs immobiliers ou à la gestion du patrimoine existant. Il est aussi le garant de la sécurisation des installations et de la continuité de service.
CDS.com : Quelles sont, dans ce cadre, les attributions des ingénieurs hospitaliers face à l’évolution du système hospitalier ?
B.C. : La médecine et la prise en charge des patients évolue très rapidement depuis des années. Cela entraîne une forte évolution dans la manière de concevoir les bâtiments, par exemple avec le développement de l’ambulatoire, de l’imagerie médicale ou de la gestion des flux de patients. L’architecture doit donc suivre l’évolution et ce dans tous les domaines de l’hôpital, et c’est l’ingénieur hospitalier qui est en charge d’orchestrer ces changements. Par exemple, lorsque l’on décide d’implanter une salle hybride d’imagerie au bloc opératoire, il faut prévoir de multiples installations de contrôles/commande, une alimentation électrique spécifique, une salle avec un traitement d’air conforme aux règles de l’hygiène et adapté au volume, mais surtout une surface de travail pertinente prenant en compte l’important appareillage médical et les besoins de l’équipe chirurgicale. Autre exemple, l’avènement des Groupements hospitaliers de Territoires (GHT), qui vont probablement conduire à des reconfigurations des locaux existants. On se dirige vers de grands plateaux techniques installés au sein des établissements supports avec, au niveau du territoire, dans les hôpitaux de proximité, des espaces de consultation, de soins de suite, ainsi que des plateaux techniques de proximité.
CDS.com : Quel est, dans ce contexte, l’avenir des hôpitaux historiques tels que les Hôtel-Dieu ? Sont-ils voués à ne plus recevoir de patients, ou même à disparaitre ?
B.C. : Ces bâtiments sont effectivement de conception architecturale non évolutive pour l’hospitalier d’aujourd’hui, ce qui les rend obsolètes. Mais leur situation géographique est souvent très intéressante en termes d’accessibilité urbaine et leur valeur patrimoniale est d’autre part très importante mais difficilement monnayable. La question est de savoir si nous sommes capables de les réhabiliter ou si nous devons les mettre à disposition des villes au travers de ventes ou de mise à disposition par bail emphytéotique. Mais ces très vieux bâtiments ne sont pas les seuls, car nous devons nous poser la même question pour les immeubles de grande hauteur qui ont été construits dans les années 60-70. Ils ont atteint la limite d’utilisation et doivent être reconfigurés afin de les rendre exploitables selon les normes actuelles en vigueur.
CDS.com : On entend souvent dire que la réhabilitation de tels bâtiments coûte plus cher que s’il fallait en construire un neuf. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?
B.C. : Il n’y a en fait pas de vérité dans ce domaine. Si l’immeuble est de bonne construction et si les espaces de travail sont suffisants, il faut considérer son éventuelle réhabilitation sous un aspect global. S’il faut juste faire du désamiantage et que l’hôpital est situé dans un endroit accessible pour les citadins par les transports en commun, alors oui, il faut le garder et l’exploiter selon les normes en vigueur. Dans le cas contraire, une démolition avec revente du terrain ou une mise à disposition aux habitants de la ville permet d’arrêter les dépenses d’entretiens et de dégager quelques fonds. Cette problématique fera d’ailleurs l’objet de nombreux développements lors de nos Journées d’ingénierie hospitalière qui se dérouleront du 10 au 12 juin 2020 à Marseille.
CDS.com : Cet événement sera organisé par l’Association des Ingénieurs Hospitalier de France (IHF). Combien d’adhérents cette association comporte-t-elle ?
B.C. : Nous comptons aujourd’hui quelques 400 adhérents dont la particularité est de provenir de différents métiers de la construction. Cela donne à chacun d’entre eux une compétence particulière qu’ils sont susceptibles de venir partager lors de nos journées annuelles de formation. Les métiers de la construction se sont beaucoup complexifiés ces dernières années et il est nécessaire que chacun puisse écouter les retours d’expérience de ses pairs. Car en effet, nous avons à mettre en œuvre de nombreuses sciences de l’ingénieur dans notre métier et de traiter des problématiques relevant par exemple de la climatisation en salle propres, de l’aéronautique pour les plateforme d’hélicoptère, de l’électricité haute tension, des courants faibles, du nucléaire, du pneumatique, etc… le tout dans un environnement juridique et financier complexe dont il faut au moins connaitre les grandes lignes. Nous ne pouvons, vous vous en doutez, pas tout maîtriser. C’est la raison pour laquelle les journées de l’ingénierie hospitalière sont un rendez-vous essentiel pour mes confrères et moi-même.
CDS.com : Dans le cadre de votre activité, avez-vous des contacts récurrents avec les personnels soignants ?
B.C. : Mais cette relation est primordiale ! Toute notre action se réalise en coopération avec les personnels soignants car la conception des bâtiments hospitaliers doit répondre à des contraintes liées aux espaces de travail ainsi qu’aux besoins des patients. C’est la raison pour laquelle nous sommes en liaison permanente avec les médecins et les paramédicaux. J’ajoute que les journées de l’ingénierie hospitalière peuvent être à ce titre très intéressantes pour les cadres de santé et les managers hospitaliers en général. Nous faisons en sorte, au sein de notre association, de promouvoir la concertation avec les médecins et les cadres managers car les projets architecturaux hospitaliers doivent répondre aux évolutions de la prise en charge des patients. L’hôpital est en pleine mutation et les bâtiments doivent suivre son évolution. Les ingénieurs hospitaliers y sont très sensibles et ont bien intégré cette contrainte à leur activité quotidienne qui ne peut être cohérente sans la participation des soignants.
Propos recueillis par Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
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