lundi 12 août 2024, par
Le dernier numéro du Journal du Droit de la Santé a pour fil conducteur les parcours de soins en Santé mentale. UN des articles publiés traite des mesures d’isolement et de contention, qui sont souvent décidées sans le consentement de la personne. Il existe, en fait, une différence d’interprétation des textes législatifs selon que l’on soit médecin ou juge, si bien que les droits des patients sont souvent bafoués dans le cadre des soins psychiatriques
Les pratiques soignantes relatives à l’isolement et à la contention des patients au sein des services de psychiatrie fait l’objet de controverses récurrentes. La tendance est à l’assouplissement des moyens de prise en charge, comme l’indiquent les lois récentes. Mais avant de comprendre comment fonctionnent les mesures d’isolement et de contention au sein des établissements de Santé, il convient de revenir sur la définition donnée aux mesures d’isolement ou de contention.
Des mesures d’isolement et de contention souvent décidées sans le consentement de la personne
C’est ce qu’ont fait Audrey Irastorza, doctorante à l’Institut Droit et Santé, ainsi que Guillaume Fontanieu, élève directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social à l’école des hautes études de santé publique (EHESP) et doctorant en droit public, dans un article publié dans le numéro 40 du Journal de Droit de la Santé et de l’Assurance Maladie dont le dossier thématique a pour sujet « La santé mentale des publics vulnérables : entre accès aux soins et maintien de l’ordre public ».
Les auteurs précisent en préambule qu’il n’y a pas de définition légale de l’isolement et de la contention. Dans une décision du 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel considère que, « dans le cadre d’une prise en charge dans un établissement assurant des soins psychiatriques sans consentement, l’isolement consiste à placer la personne hospitalisée dans une chambre fermée et la contention à l’immobiliser. Ces mesures ne sont pas nécessairement mises en œuvre lors d’une hospitalisation sans consentement et n’en sont donc pas la conséquence directe. Elles peuvent être décidées sans le consentement de la personne ».
Une différence d’interprétation des textes législatifs selon que l’on soit médecin ou juge
Toutefois, la contention ne peut pas être décorrélée de l’isolement, elle vient même l’aggraver. L’isolement peut, à l’inverse, très largement être apprécié en dehors de la contention, le Conseil constitutionnel précisant qu’il intervient dans le cadre de soins sans consentement, d’après le Code de la santé publique. Les auteurs rappellent que les hospitalisations complètes sans consentement relèvent juridiquement des hospitalisations à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent (articles L. 3212-1 à L. 3212-12 du CSP), de la décision d’un représentant de l’État (articles L. 3213-1 à L. 3213-11 du CSP) ou des personnes détenues atteintes de troubles mentaux (articles L. 3214-1 à L. 3214-5 du CSP).
L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique prévoit que leur usage ne se fait que « pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui » et qu’elles ne sont que « des pratiques de dernier recours ». Il existe, en la matière, une différence d’interprétation entre les règles juridiques et l’évaluation médicale. Les auteurs estiment que la qualification du type d’hospitalisation peut constituer le déclenchement du recours à l’isolement, à rebours de la procédure telle que prescrite dans le Code de la santé publique. C’est ainsi que, lorsque l’évaluation clinique en chambre d’isolement montre un patient non-coopérant, le contrôle du juge, conformément à la Loi du 22 janvier 2022, est limité car « seule la procédure de placement à l’isolement ou de contention est vérifiée, sans qu’il n’entre dans l’office du juge de pouvoir en contrôler les tenants et les aboutissants ».
Les droits des patients souvent bafoués dans le cadre psychiatrique
Pour finir, ils abordent les droits du patient, qui impliquent que celui-ci consente à recevoir ces soins, dans la mesure où il est informé. Ce droit à l’information du patient est celui de connaître l’ensemble des éléments afin qu’il soit éclairé par rapport à son parcours de soins. Cela étant aléatoire, le ministère de la Santé a créé une dérogation qui semble être extrêmement temporaire et qui « prive le patient de tout droit dans un temps très réduit ». Selon un autre cas de figure, il « oblige à ce que la nature de l’hospitalisation soit modifiée en hospitalisation sans consentement permettant l’application du cadre légal ».
Les auteurs décrivent ensuite les mesures prises au sein des établissements de santé mentale pour mettre en pratique les mesures d’isolement et de contention. Les pratiques médicales sont, à cet égard, diverses et variées, le juge étant souvent collicité pour faire appliquer la Loi.
Paco Carmine
Journaliste