Retour d’expérience sur le rapport au savoir

jeudi 23 novembre 2017, par Benjamin Julian-Michel

A l’occasion de la 72 ème journée nationale d’études du CEFIEC qui se sont déroulées à Arles en Juin 2017, le Dr Thierry Pelaccia, médecin urgentiste, est venu questionner les pratiques et idées reçues des professionnels de la formation en santé. Son propos a remis en avant des éléments essentiels permettant la professionnalisation des étudiants au travers des apprentissages en formation.

Lors de sa présentation aux Journées du CEFIEC 2017, le Dr Thierry Pelaccia, médecin urgentiste a introduit son propos en posant trois questions :« A partir de quelle année les étudiants en soins infirmiers savent-ils ce qu’il est important d’apprendre pour exercer leur futur métier ? Par quoi doit commencer un cours ? Les QCM sont-ils un outil acceptable d’évaluation des apprentissages dans les cursus construits selon une approche par compétences ? »

Comment identifier le savoir à enseigner ?

Pour Thierry Pelaccia, le développement d’une logique de formation par compétence induit une évolution du rapport aux savoirs. En effet, l’objectif est la construction d’un savoir-agir. La construction des apprentissages part donc de l’analyse de l’activité professionnelle des soignants pour identifier les savoirs à acquérir. Le savoir doit venir servir la profession et ne se résume pas à un savoir scientifique.

Cela étant dit, il va être maintenant du rôle des méthodes d’apprentissage de relier ces savoirs issus du terrain à une valeur instrumentale. Cela passe notamment par l’explicitation de l’intérêt des savoirs pour permettre aux apprenants de les contextualiser dès le début des cours. L’objectif est de favoriser le transfert des apprentissages dans la pratique et donc, in fine, l’autonomie dans la mobilisation des savoirs par l’étudiant. Commencer le cours par une problématique professionnelle peut permettre à l’apprenant de situer le contexte de l’apprentissage, et donc favoriser lors des stages la mise en œuvre de ces savoirs.

La construction des savoirs

L’individu est, nous le savons, un être unique. Partant de ce postulat, Thierry Pelaccia annonce que la transmission de savoir est donc compromise par les filtres propres à chaque individu. Cela étant dit, on peut en déduire que le savoir ne se transmet pas, mais va se construire de façon individuelle. Cette démarche de construction individuelle de connaissances va s’ancrer dans des savoirs intériorisés avant la séquence de cours. Il est donc mis en avant ici l’intérêt, pour le formateur, d’aller activer les savoirs antérieurs et les explorer pour connaitre le socle de base du groupe de formés. Face à ces savoirs, un des rôles du formateur va être d’accompagner les formés à la construction de nouveaux savoirs venant remplacer les connaissances qui pourraient être erronées. Cela passe parfois, dans les évolutions professionnelles, par des deuils de postures et positionnements antérieurs.

Dans ce cadre là, le formateur va être amené à admettre un élément clé de la construction des compétences : c’est un processus individuel. Il est donc nécessaire d’admettre une construction différenciée du développement des compétences.

Des savoirs à évaluer

Pour Thierry Pelaccia, le savoir est à évaluer dans son organisation. L’organisation des connaissances par les étudiants est conditionnée par la forme de l’évaluation. Cela met donc en avant l’intérêt de se poser la question suivante : souhaite-t-on que les savoirs soient organisés pour répondre à des questions d’examens ou pour résoudre des tâches cliniques ? L’évaluation est ici construite dans une double perspective : valider l’acquisition des connaissances, mais avant tout vérifier la possibilité de transférer ces savoirs dans la pratique clinique. D’où l’intérêt des temps d’évaluation formative qui peuvent permettre une explicitation, notamment des attentes. La construction des évaluations repose donc sur les attentes des temps d’apprentissage et les souhaits pédagogiques des formateurs. En fonction des attendus des référentiels notamment, l’évaluation doit viser, dans sa conception, les mêmes objectifs que les temps d’apprentissage. D’où une conception de l’évaluation dès la conception des temps d’apprentissage.

Des cadres formateurs acteurs de la construction des savoirs ?

De par son intervention, Thierry Pelaccia est venu interpeller des pratiques professionnelles quotidiennes dans les formations soignantes. Différentes pistes de réflexion ont été amenées et viennent questionner les pratiques en tant que formateur, notamment au regard des décalages existant parfois entre la construction des temps d’apprentissages, la réalité du terrain et les modes d’évaluation proposés.
Cette présentation vient également questionner l’autonomie laissée aux cadres de santé formateurs et la nécessaire harmonisation au sein des IFSI autour du projet pédagogique. Pour que l’étudiant soit pleinement acteur de sa construction de savoir, peut-être est-il nécessaire que les cadres de santé formateurs soient eux aussi pleinement acteur de cette construction des savoirs ?

Pour aller plus loin

Thierry Pelaccia, Comment (mieux) former et évaluer les étudiants en médecine et en sciences de la santé ?, De Boeck Supérieur

Benjamin Julian-Michel
Cadre de Santé formateur
Centre hospitalier d’Alès-en-Cévennes
bjulian@ch-ales.fr


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