Quand la coopération pluridisciplinaire commence en Institut de formation (PART II)

Une infirmière, une IBODE et une ergothérapeute du CHU de Strasbourg nous font un retour d’expérience de collaboration entre des étudiants de ces deux filières soignantes. Après une évocation des objectifs du projet et une présentation des actions mises en place afin de favoriser le travail en commun, nous revenons ici sur les modalités pédagogiques mobilisées pour leur donner de la cohérence.

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Les modalités pédagogiques

Cette séquence pédagogique tournée vers la collaboration, l’expérimentation et la mutualisation des compétences a permis de développer différentes caractéristiques qui nous apparaissent comme particulièrement bénéfiques pour les étudiants.

Tout d’abord, les étudiants infirmiers ont pu utiliser en situation réelle les aides techniques. Selon Jean-Marie BARBIER, l’expérience permet au sujet de construire des représentations « de son activité en situation, de lui-même dans son activité, et de l’environnement en rapport avec son activité [1] », ce qui l’amène à élaborer des constructions de sens. L’expérience permet également de favoriser les apprentissages en « situation et en contexte social [2] ». Ces ateliers d’expérimentation favorisent la construction des compétences qui « existent » dans l’agir, en situation, dans un contexte. Ils permettent également aux étudiants d’interagir entre eux, cela implique qu’ils s’influencent mutuellement par l’intermédiaire d’actions et de réactions et entreprennent ainsi de poser les fondements d’une communication professionnelle.

Mobiliser des compétences intra-personnelles, inter-personnelles et de situation

Cette communication s’oriente vers un partenariat interprofessionnel fondé sur des intérêts convergents (le partage de leurs compétences), des objectifs communs (une meilleure qualité des soins) et « l’identification des ressources que les uns et les autres sont susceptibles de mettre à disposition [3] ».

Lorsqu’ils mobilisent leurs compétences, les étudiants disposent de leurs propres ressources mais également de ressources externes, comme les compétences des autres étudiants. Afin de pouvoir les solliciter, ils doivent avoir identifié, compris et intégré ces ressources externes. Cette identification de chaque profession se fonde sur différentes catégories de référents identitaires, matériels et physiques (le lieu d’activité, les conditions de travail, les outils) d’une part, et psychosociaux (rôles sociaux, compétences, vision du monde) d’autre part. Cette identification permet de mobiliser ce que Maryvonne SOREL et Richard WITTORSKI [4] décrivent comme les compétences intra-personnelles (ce que la personne sait faire seule), les compétences interpersonnelles (ce que la personne sait faire en collaboration avec d’autres) et les compétences de la situation (ce que la situation rend possible du fait des moyens matériels, humains, de l’organisation).

Philippe JONNAERT explique que l’interdisciplinarité est primordiale dans le développement des compétences : « La construction d’une compétence repose, entre autres, sur ce dialogue constructif entre des ressources de nature diverse et appartenant à des domaines différents [5] ». Cette étudiante ergothérapeute témoigne que ces échanges avec les étudiants infirmiers ont permis : « d’améliorer notre collaboration et la prise en charge des patients au plus proche de leurs besoins ».

Les rapports entre étudiants

La rencontre des étudiants de différentes professions permet l’interaction de différentes notions. Tout d’abord les étudiants confrontent leurs propres aspirations et attentes entre eux, c’est à dire les représentations qu’ils ont de leurs préférences d’activités. De plus, ils appréhendent les notions de territoire. Il s’agit de la « représentation que se fait le sujet de son espace d’activité, l’espace qu’il se donne ou se reconnaît 8 ». Ensuite, ils échangent à propos de leurs représentations identitaires professionnelles : « image de soi comme sujet agissant 9 ». Enfin, les étudiants découvrent la notion d’enjeux. Ils se projettent sur les évolutions possibles de leurs rôles.

Cette action collective et l’intégration des notions citées ci-dessus permettent aux étudiants de construire des représentations partagées d’une situation et un cadre d’interprétation commun. Ce cadre correspondant selon Philippe JONNAERT à une famille de situations, facilitera pour ces futurs professionnels : l’identification d’une situation professionnelle similaire (de la même famille) et l’identification et la mobilisation des ressources nécessaires.

Conclusion

Cette expérience d’échanges interdisciplinaires entre étudiants en soins infirmiers et étudiants en ergothérapie a globalement été ressentie de manière positive par les étudiants et les formateurs. Elle reste pour l’instant isolée, les modalités d’organisation en étant complexes. Il serait intéressant d’en évaluer l’impact en termes de collaboration entre professionnels et d’amélioration de la qualité des prises en soins. Cette évaluation permettrait un ajustement des modalités pédagogiques et un éventuel développement de ce type de rencontres. Celles-ci pourraient être tournées vers d’autres professions (kinésithérapeutes, psychomotriciens, etc.) ou déclinées autour d’autres compétences et activités.


[1BARBIER, Jean-Marie. Vocabulaire d’analyse des activités. Paris, PUF, 2011, p. 69.

[2LAVE in Revue des sciences de l’éducation, Volume 30, n°3, 2004. JONNAERT, Phillippe, BARRETTE, Johanne, BOUFRAHI, Samira, MASCIOTRA, Domenico.

[3BARBIER, op.cit, p. 98.

[4SOREL, Maryvonne, WITTORSKI, Richard. La professionnalisation en actes et en questions. Paris, L’Harmattan, 2005, p. 188.

[5Revue des sciences de l’éducation, Volume 30, n°3, 2004. JONNAERT, Philippe, BARRETTE, Johanne, BOUFRAHI, Samira, MASCIOTRA, Domenico, p. 686.


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