Laïcité et religion à l’hôpital : un possible accompagnement spirituel ? (PART I.)

lundi 14 mai 2018, par Christine Paillard

Dans notre série sur la pédagogie inversée, voici une session préparée par Christine Paillard sur le thème des religions et de la communication dans les soins interculturels. Ce premier texte présente le contexte, accompagné par une bibliographie fournie. Un second texte, dans quelques jours, définira les religions monothéistes majeures, le tout se terminant par un quizz.

Comprendre les modules 1 (accompagnement de la personne dans les actes de la vie quotidiennes et 5 (relation et communication)

Pour initier un parcours de recherche documentaire en lien avec les soins interculturels, nous avons, Emilie Camus (formatrice à l’Ifsi de Nanterre) et moi même organisé une séquence d’apprentissage dans une logique de classe inversée, avec des ressources documentaires, des objectifs et de la créativité. Il s’agissait d’accompagner les élèves à préparer un exposé oral autour de la religion, des rites, des habitudes et du respect des croyances dans un cadre hospitalier laïque. Il ont ainsi contribué à l’élaboration d’un cours qui avait aussi pour objectifs de mettre : en place des actions soignantes adaptées, prendre en compte la spiritualité du patient, garantir une meilleure qualité des soins personnalisés. Cet article reprend les points évoqués par les élèves, à partir des ressources mises à leur disposition

Définir la laïcité

Il n’est pas tout à fait aisé de définir la laïcité. 40 % des français se déclarent athées. Pour la formation soignante, nous retenons le cadre juridique avec la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, puis, par l’article 1er de la Constitution française de 1958. D’après l’Observatoire de la laïcité, “la laïcité repose sur trois principes et valeurs : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions.

La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses”. Une vision de la laïcité est attachée à la neutralité et relève d’une vision d’expression plutôt discrète, apaisée de la croyance religieuse dans l’espace public et non à interdire tout signe d’appartenance religieuse qui relève de la vie privée. Si L’histoire de la laïcité implique le législateur, elle est aussi faite de références politiques, sociologiques, psychologiques, philosophiques. Pour Jean Baubérot, la notion de laïcité reste un enjeu social important, elle demeure un phénomène exponentiel dans les hôpitaux.

D’après le dernier rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES, mars 2017) Pour Une majorité des Français, “la diversité des cultures et religions est une richesse, mais, ils estiment prioritaire de veiller à ce que les croyances et pratiques religieuses ne soient pas visibles en public. 56% des français adhèrent à l’idée que « la diversité des cultures et des origines est une richesse pour notre pays », et 57% jugent prioritaire que les pouvoirs publics « veillent à ce que les croyances et les pratiques religieuses des individus ne soient pas visibles dans l’espace public ».

Des soins interculturels

L’hôpital est un troisième lieu interculturel. La barrière de la langue, l’identité de la personne, le genre, les croyances, le respect sont des notions qui fondent une réflexion autour de la relation soignant-soigné dans un contexte interculturel. Comme le souligne Brigitte Tison (Soins et cultures), la France est devenue pluriculturelle et produit une nouvelle littérature professionnelle. Le mot “interculturel” est né en france dans les années 70 quand le Conseil de l’Europe travaille sur les questions de l’immigration.Pour Claude Clanet, “l’inter- culturalité est un ensemble des processus psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels…. générés par des interactions de cultures, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle des partenaires en relation”.

Les soignants sont présents dans ce contexte pluriculturel et tentent de répondre favorablement à de nouveaux besoins sur les quatre temps de la vie décrits par B. Tison :

  • Premier temps : la mère, l’enfant (grossesse, accouchement, naissance, nourrissage, sevrage et relation à la mère)
  • deuxième temps : les adolescents (conduites à risque : suicide, addictions… et la sexualité ( contraception, VIH…)
  • Troisième temps : le corps, la santé la maladie, la chirurgie (maladies transmissibles, greffes…)
  • Quatrième temps : la personne âgée et la mort ( rites funéraires…)

Ces nouveaux besoins sont spirituels. Pour reprendre le Dictionnaire de la relation et de la communication, des activités soignantes en découlent, pour :

  • offrir une ouverture à l’expression de sa solitude et de son impuissance,
  • encourager la participation à des services religieux lorsque la personne le désire,
  • inciter la personne soignée à utiliser les ressources spirituelles disponibles,
  • la mettre en contact avec un service d’aumônerie si cela est demandé,
  • l’aider à clarifier ses valeurs,
  • exprimer de l’empathie,
  • favoriser la possibilité de méditer, prier ou de pratiquer d’autres rituels, sans que cela ne perturbe pas : la qualité des soins, l’organisation du service,son voisinage ...
  • rassurer sur la possibilité d’orienter un patient vers une personne spécialisée (aumônerie),
  • manifester une ouverture d’esprit lorsqu’il aborde le sujet de la mort ou exprime sa colère.

Un accompagnement spirituel se caractérise à partir des besoins exprimés par les personnes soignées. Ce qui suggère une supra dimension de la vie biologique des individus et cela concerne les soignants. Cet accompagnement se réalise sans porter de jugement, sans intrusion violente mais avec le respect des croyances porteuses d’espoir dans les moments les plus douloureux de son existence. Ces croyances font échos à l’appartenance d’un groupe, à des valeurs profondes et pérennes. Pour Florence Nightingale, “la spiritualité est une force qui peut fournir l’énergie nécessaire pour favoriser un environnement hospitalier sain et il est essentiel de s’occuper aussi bien des besoins spirituels d’une personne que de ses besoins physiques”. Pour le soignant “laïc”, tout ce qui évoque : la vie, la maladie, la mort implique des représentations, des idées reçues, des ignorances, peut freiner l’adhésion à un soin si le patient ne se sent pas compris dans sa culture. En relation d’aide, nous avons appris combien “le non jugement est une démarche intellectuelle qui modifie l’expression d’opinions forgées sur des valeurs personnelles dominantes, ce qui peut être un obstacle à la progression de l’autre dans une relation d’aide”.

Les interactions peuvent être angoissantes et les différences peuvent traduire trop d’écarts de compréhension, d’empathie, qui est pour Gérard Marandon, un” ensemble des efforts fournis pour accueillir les autres tout en prenant en compte leur particularité”. Les techniques de communication devraient favoriser une relation de confiance facilitant un soin, la prise du repas, l’accueil ou la sortie de l’hôpital. Pour autant, les soignants ont-ils toujours le temps, les moyens de respecter les croyances, de prendre en compte les rites ? L’hôpital est-il un nouveau lieu de culte ?Il y a beaucoup beaucoup de questions, mais la connaissance de l’autre dans sa singularité, le respect des croyances en général, la qualité des soins est un tout défiant le quotidien. Le soignant se protège de tout prosélytisme, protège aussi les patients sur ce sujet et conserve ses croyances personnelles sans convaincre la personne soignée de quoi que ce soit dans le respect de la vie privée.

Retrouvez la deuxième partie du cours : les différentes religions

Bibliographie : Accueillir les religions à l’hôpital
Christine Paillard
Documentaliste IFSI de Nanterre
Auteur du Dictionnaire de la relation et de la communication, pour AS/AP/AMP


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