mardi 20 septembre 2022, par
La simulation en Santé est de plus en plus prisée dans les stratégies pédagogiques des instituts de formation aux métiers paramédicaux. Après avoir, dans une première partie, décrit les concepts qui en font un processus des plus efficaces aujourd’hui ainsi que ses effets sur les apprenants, Frédéric Rolland, cadre de santé formateur à l’IFI de La Blancarde à Marseille, partage avec nous les réflexions qu’il a pu développer lorsqu’il a travaillé le sujet dans le cadre d’un mémoire de master.
La méthode de recherche utilisée dans le cadre de mon mémoire du master est une revue de littérature intégrative sur 5 années soit entre 2016 inclus et février 2021. Elle a pour objectif une étude de l’impact de la simulation en santé sur le sentiment d’efficacité personnelle des étudiants en soins infirmiers tout au long de leur formation.
Interprétation des résultats
Les études réalisées concernent directement ou indirectement la formation initiale en soins infirmiers pour la plupart dans un contexte universitaire. De 27 à 216 étudiants ont participé aux différentes études analysées, qualitatives ou quantitatives.
La simulation en santé est reconnue comme une méthode innovante dans tous les articles retenus. Les compétences psychosociales et professionnelles sont ainsi développées en dehors du contexte clinique réel. L’erreur est source d’apprentissage au sein de la zone proximale de développement de l’apprenant. Dans un cadre sécurisé, un des marqueurs émotionnels pourrait être la réussite, la satisfaction, la fierté de la réalisation personnelle.
Le développement de compétences psychosociales
Les compétences psychosociales développées durant les séances de simulation sont donc largement évoquées dans les articles scientifiques étudiés. Ces études ont été menées dans différents pays de plusieurs continents auprès d’étudiants en soins infirmiers durant leur cursus de formation.
La relation de confiance entre les apprenants et les formateurs doit être instaurée afin de leur proposer un cadre sécurisant où l’erreur est source d’apprentissage. L’apprentissage consiste à s’adapter à des environnements en constante évolution. Le raisonnement clinique et la pratique réflexive sont favorisés par l’interaction positive entre les formateurs et les étudiants en soins infirmiers [1].
Les marqueurs émotionnels favorisant l’apprentissage sont la joie, la surprise, l’étonnement, la réussite, la satisfaction, la fierté, le sentiment de se réaliser personnellement. La simulation en santé, dans le cadre d’une approche socio-constructiviste, stimule ces émotions. Les situations complexes rencontrées par les apprenants suscitent des échanges et des débats. Les étudiants acceptent l’erreur, ce qui renforce le lien entre les connaissances théoriques et la pratique clinique« Eide WM, Johansson L, Eide LSP. FIRST-YEAR nursing students’ experiences of simulation involving care of older patients. A descriptive and exploratory study. Nurse Educ Pract. 1 mai 2020 ;45:102797. ». En expérimentant une situation quasi réelle, la situation complexe quand elle est mise en mot et accompagnée, fait réfléchir les futurs Infirmiers Diplômés d’État (IDE) à l’importance des connaissances scientifiques, des compétences et de leur responsabilité [2].
Les compétences dites non techniques sont alors mobilisées pour répondre aux exigences de la situation. Les études tendent aussi à démontrer l’importance de mixer les méthodes pédagogiques, en utilisant également le cours magistral par exemple. La simulation et les méthodes traditionnelles peuvent être utilisées mutuellement dans la formation infirmière parce qu’elles génèrent de la satisfaction et de la confiance en soi [3]. Le sentiment d’auto-efficacité est inhérent aux émotions positives ressenties lors des séances de simulation. La programmation et la préparation de ces séances nécessitent de prendre en compte de nombreux paramètres environnementaux et humains. La préparation des séances de simulation en santé par une équipe de formateurs, mais aussi d’experts professionnels dans leur domaine, est somme toute primordiale pour maintenir les apprenants dans une zone de développement ou d’apprentissage, la zone proximale de développement.
La mise en œuvre de la simulation en santé
La posture de facilitateur des formateurs joue un rôle clé dans l’apprentissage des étudiants en soins infirmiers lorsqu’ils les informent sur les scénarii de simulation, sur le matériel utilisé, sur l’erreur comme source d’apprentissage, ce qui invite les apprenants à sortir de leur zone de confort. Faire preuve d’empathie et de soutien atténue le stress. Dans un scénario, le formateur a montré aux apprenants comment calculer une posologie [4]. Selon Policard, le discours du formateur, en particulier lors du débriefing, vise à dédramatiser le rapport à l’erreur, et à présenter celle-ci comme une opportunité, en mettant en avant ses vertus apprenantes [5]. Il ne s’agit pas de banaliser l’erreur. Les formateurs amènent les apprenants à identifier les causes et les conséquences dans le cadre d’un travail réflexif sur la gestion des risques en milieu de soin réel.
Parmi les 6 attitudes d’écoute de Porter, l’attitude de soutien et de relation d’aide semble être la meilleure car elle rassure. La compréhension empathique est aussi importante en pédagogie car elle reconnait les potentialités de l’autre de manière bienveillante.
En 2018, la Société Francophone de Simulation en Santé (SoFraSimS) a produit un premier référentiel sur les compétences à transmettre lors de formations courtes de formateurs en simulation en santé [6]. Les compétences visées sont l’adaptation des apprentissages selon les besoins et les niveaux des groupes, l’utilisation des équipements et les environnements, l’animation et la gestion d’un groupe restreint, la conduite du débriefing pédagogique et l’évaluation de la capacité des apprenants.
Le sentiment d’auto-efficacité est inhérent à la capacité du formateur à faire face à l’imprévu tout en restant positif et respectueux. En perdant l’illusion de contrôle pour passer d’une approche transmissive à une approche constructiviste et socio-constructiviste, le formateur soumet l’apprenant à ses propres représentations, ses valeurs, ses croyances mais aussi à l’auto-évaluation de ses compétences professionnelles.
Conclusion
La simulation en santé est une méthode pédagogique qui prend de plus en plus de place dans la formation initiale et continue mais son efficacité sur la qualité des soins est encore soumise à réflexion. L’impact sur le sentiment d’efficacité personnelle de l’étudiant en soins infirmiers est un levier d’apprentissage et de réflexion sur sa pratique de soignant en co-construction. Au regard de la revue de littérature et des liens tissés avec le contexte de la formation initiale en soins infirmiers, il apparaît que ce sentiment est renforcé si toutes ces conditions sont réunies. Elles concernent l’environnement de la simulation, la formation des formateurs et le temps consacré à la préparation, la mise en œuvre et l’évaluation du dispositif.
Les formations initiales sont en pleine mutation et de nombreuses questions se posent quant aux modalités pédagogiques actives à utiliser dans le cadre d’une approche par compétence. L’interprofessionnalité est également un grand sujet de réflexion pour les instituts de formation. La simulation en santé représente alors un cadre « idéal » pour organiser ces temps pédagogiques. Ces temps de formation permettent à chaque apprenant de prendre conscience de la nécessité du travail en équipe au bénéfice de la qualité et de la sécurité des soins. De multiples expériences de simulation sur une période de deux ans semblent accroître la confiance des étudiants [7], en combinant simulation et apprentissage clinique.
L’utilisation de la simulation comme une pratique évaluative pose alors la question de la finalité pédagogique initialement recherchée. Pour Hesbeen, la finalité de la simulation est avant tout la pertinence de la relation singulière de soin [8]. L’utilisation de méthodes pédagogiques variées dans le cadre du suivi de la progression des étudiants en soins infirmiers incite encore aujourd’hui à une réflexion sur le concept de compétence. Si la juxtaposition d’enseignements ne sert pas complètement l’acquisition de compétences, le travail en équipe pédagogique associée aux professionnels en exercice semble la voie à suivre pour donner du sens aux situations professionnelles dans lesquelles les compétences s’exercent.
Frédéric Rolland
IDE, Cadre de Santé, Master Santé Aix Marseille Université, Option Formateur dans le secteur sanitaire et social, IFSI La Blancarde, Marseille.
f.rolland@ifsilablancarde.com
[1] Blanié A, Amorim M-A, Benhamou D. Comparative value of a simulation by gaming and a traditional teaching method to improve clinical reasoning skills necessary to detect patient deterioration : a randomized study in nursing students. BMC Med Educ. 19 févr 2020 ;20(1):53.
[2] Boostel R, Felix JVC, Bortolato-Major C, Pedrolo E, Vayego SA, Mantovani M de F, et al. Stress of nursing students in clinical simulation : a randomized clinical trial. Rev Bras Enferm. mai 2018 ;71(3):967‑74.
[3] Raniere de Oliveira Costa R, Maria de Medeiros S, Dias Coutinho VR, Mazzo A, Souto de Araújo M. Satisfaction and self-confidence in the learning of nursing students : Randomized clinical trial. Anna Nery Sch J Nurs Esc Anna Nery Rev Enferm. janv 2020 ;24(1):1‑9.
[4] Solli H, Haukedal TA, Husebø SE, Reierson IÅ. The art of balancing : the facilitator’s role in briefing in simulation-based learning from the perspective of nursing students – a qualitative study. BMC Nurs. 22 oct 2020 ;19(1).
[5] Policard F. La Simulation clinique en pleine échelle : quelle(s) pédagogie(s) pour une activité complexe ? Perspect Soignante. déc 2017 ;(60):23‑41.
[6] SoFraSimS. Compétences transmises lors de formations courtes : Formateurs en simulation en santé [Internet]. 2018 [cité 29 mai 2021]. Disponible sur : https://sofrasims.org/wp-content/uploads/2020/01/Recommandations-dexpert-Formations-Courtes-de-Formateurs-en-Simulation-nov-2018.pdf
[7] Svellingen AH, Søvik MB, Røykenes K, Brattebø G. The effect of multiple exposures in scenario-based simulation—A mixed study systematic review. Nurs Open. 2021 ;8(1):380‑94.
[8] Dupuis M, Gueibe R, Hesbeen W, Berger V, Boucherie M, Grillet L. Simulation et formations aux métiers de la santé : perspectives éthiques, pédagogiques et enjeux pour la pratique. Paris : Seli Arslan ; 2018. 191 p.