lundi 12 septembre 2022, par
La simulation en Santé est de plus en plus prisée dans les stratégies pédagogiques des instituts de formation aux métiers paramédicaux. Frédéric Rolland, cadre de santé formateur à l’IFSI de La Blancarde à Marseille, nous fait naviguer à travers les concepts qui en font un processus des plus efficaces aujourd’hui et en décrit les effets sur les apprenants. Dans une seconde partie, il partagera avec nous les réflexions qu’il a pu développer lorsqu’il a travaillé le sujet dans le cadre d’un mémoire de master.
Concrétiser l’approche par compétences représente toujours un enjeu majeur de la formation initiale en soins infirmiers de la première à la troisième année. L’alternance intégrative est, dans ce contexte, un levier fondamental du développement des compétences des apprenants. Mais qu’en est-il de la formation en Institut de Formation en Soins Infirmiers ? De nombreuses méthodes pédagogiques sont utilisées, elles sont normatives, formatives, formatrices et surtout interactives pour la plupart. En cela, la simulation en santé est une méthode pédagogique qui place l’étudiant au centre des préoccupations dans le cadre d’une pratique réflexive. Elle est en plein essor dans de nombreuses formations en santé à l’instar d’autres pays. L’objectif de la recherche réalisée dans le cadre du Master Santé que j’ai suivi en 2021 était d’identifier l’impact de la simulation en santé sur l’apprentissage en Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) et plus particulièrement sur le sentiment d’efficacité personnelle.
Le concept de professionnalisation
Un des effets majeurs de l’alternance concerne la professionnalisation des acteurs et des formations. Le système de formation en alternance pense l’expérience autrement et considère la réflexivité comme la clé de toute professionnalisation [1]. Une partie de la professionnalisation de l’étudiant infirmier se fonde sur un savoir pratique, que chacun se construit peu à peu par la pratique, l’expérience, les échecs, l’échange, la médiation, etc. En cela, le processus aboutit à la construction d’une identité professionnelle mais aussi au sentiment d’appartenance à un groupe. La formation vise alors l’acquisition de compétences professionnelles et non plus la seule maîtrise des savoirs. C’est exactement l’orientation prise par le référentiel de formation qui est de mettre en place une alternance qui cible directement les compétences infirmières. Elle suppose de considérer la pratique et l’expérience dans le cursus de formation comme sources et objets de savoir à part entière, et non comme simple application du savoir formel.
Le concept de compétence
L’approche par compétences de la formation peut apparaitre comme une évidence dans la pratique en stage quelle que soit la discipline. Mais la mobilisation de ces dernières au sein des IFSI suppose dans un premier temps d’en comprendre les tenants et aboutissants.
Afin de permettre l’acquisition de compétences, le dispositif pédagogique est articulé autour de situations professionnelles clés correspondant à l’apprentissage de chacune des compétences.
Cet apprentissage des savoirs lors de l’étude de diverses situations se fait progressivement par étape et en spirale selon 3 paliers successifs :
- Comprendre : acquérir les savoirs nécessaires à la compréhension des situations ;
- Agir : mobiliser ces savoirs en situation et acquérir des capacités à agir et à évaluer ses actions ;
- Transférer : conceptualiser et acquérir la capacité de transposer ces concepts dans des situations nouvelles.
Le concept de la réflexivité et courant pédagogique associé
La posture réflexive est, en tant que telle, un objet de formation et non pas une fin en soi. Pour donner naissance à la réflexivité de l’étudiant, nous allons nous référer à un courant de pensée dont certains pédagogues se sont imprégnés, le constructivisme. Il considère la connaissance comme construite par le sujet lui-même et est pensé comme un sujet actif de son apprentissage. Apprendre, c’est ajuster ses connaissances pour s’adapter à une nouvelle expérience. Selon Piaget, « en réfléchissant sur nos expériences, nous construisons notre vision du monde » [2]. Le socioconstructivisme, ou auto-structuration assistée, complète la conception de Piaget et insiste sur la dimension collective de la construction du savoir. Si l’interaction avec les objets est bien source d’apprentissage, les interactions avec les autres jouent aussi un tel rôle.
Dans la zone du développement proximal, le savoir social, c’est-à-dire le savoir acquis à travers l’interaction sociale, devient un savoir individuel et le savoir individuel croît et se complexifie.
L’évolution de la formation en soins infirmiers
Dans ce contexte, la formation initiale en soins infirmiers a évolué au bénéfice du développement de compétences des apprenants, dont la recherche de reconnaissance et de confiance ne cesse de progresser. Les réformes de la formation initiale, mais aussi celles de l’éducation nationale depuis l’école primaire, ont modifié le rapport au savoir des étudiants qui appartiennent à la génération Y ou Z. Les pédagogies actives sont aujourd’hui nécessaires pour stimuler leur curiosité et leur réflexivité.
Le conflit sociocognitif semble important du point de vue de la conception que nous avons de la place du formateur puisqu’il met en lumière la nécessité de travailler sur l’espace reliant théorie et pratique. Ceci passe par l’inventaire des représentations des apprenants confrontés à celles d’un environnement complexe. Il s’agit alors de trouver de nouveaux espaces de formation dans lesquels formateurs et apprenants/formés interagissent de manière réfléchie. Un des dispositifs pédagogiques permettant d’animer ce conflit socio-cognitif est la simulation en santé plus largement répandue dans les pays anglo-saxons.
La simulation en santé
Selon l’article 5 de l’arrêté du 26 septembre 2014 modifiant l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au Diplôme d’État d’Infirmier (DEI) « la simulation en santé intègre le référentiel de formation comme méthode pédagogique active et innovante, basée sur l’apprentissage expérientiel et la pratique réflexive…. Cette méthode promeut une alternance ou méthode complémentaire à l’alternance traditionnelle stages/IFSI »
Les notions d’ajustement constant dans le travail, de pratique réflexive, de pédagogie centrée sur l’étudiant et de prise en compte des processus mentaux utilisés ont guidé la réflexion qui a abouti au changement des pratiques de l’évaluation en situation simulée [3]. La simulation en santé est une méthode pédagogique structurée. La troisième phase est le débriefing et apparait comme une des phases les plus importantes. Le rôle du formateur utilise alors le questionnement afin d’éclairer la pratique de l’apprenant de manière réflexive.
Le sentiment d’efficacité personnelle
Pour Albert Bandura, l’individu possède une capacité à s’autoévaluer, le professionnel évalue ses expériences. L’auteur décrit le sentiment d’efficacité personnelle comme un moteur puissant de réussite et d’atteinte de ses objectifs par l’individu. Il joue un rôle essentiel dans le processus de décision. La définition actuelle du sentiment d’efficacité personnelle correspond pour Albert Bandura à « la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » ainsi qu’« une croyance relative à ce qu’il peut faire dans diverses situations quelles que soient ses aptitudes ». Il s’agit en cela d’une capacité d’évaluation de ses propres compétences [4] .
L’approche par compétence nécessite ainsi une introspection de la part des apprenants, une pratique réflexive soutenue par un étayage théorique continu. Au regard de l’évolution du profil des étudiants en soins infirmiers, des conditions d’encadrement dans les unités de soin mais aussi de l’adaptabilité requise, la simulation en santé apparaît comme une méthode pédagogique adaptée au contexte actuel.
Frédéric Rolland
IDE, Cadre de Santé, Master Santé Aix Marseille Université, Option Formateur dans le secteur sanitaire et social, IFSI La Blancarde, Marseille.
f.rolland@ifsilablancarde.com
[1] Geay A. L’alternance comme processus de professionnalisation : implications didactiques. In : Wittorski R, éditeur. La professionnalisation en formation : Textes fondamentaux [Internet]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de Rouen et du Havre ; 2018 [cité 16 janv 2021]. p. 75‑87. (Éducation). Disponible sur : http://books.openedition.org/purh/1516
[2] Kerzil J. Constructivisme. In : L’abc de la VAE. Toulouse : Erès ; 2009.
[3] Homerin M-P, Roumanet M-C. Évaluation des étudiants infirmiers en situation simulée : en quête de sens et d’éthique. Rech Soins Infirm. 2014 ;3(118):38‑51.
[4] Erny J-C. Le sentiment d’efficacité personnelle, et ses attributs dans la polyvalence des infirmiers au sein d’un pôle. Rech Soins Infirm. 2010 ;N° 101(2):91‑7.