Arrêté du 3 juillet : la représentation infirmière pose un recours en Conseil d’État

mardi 19 septembre 2023, par Bruno Benque

L’Arrêté permettant aux aides-soignants d’entrée directement en deuxième année de formation infirmière est très controversé au sein de la communauté. Les acteurs représentatifs des infirmiers l’ont fait savoir lors d’un webinaire organisé par le SNPI au cours duquel il a été prédit une perte de chances pour les patients et qui a fait réagir les participants sur l’aspect arbitraire de l’accès à cette formation, à l’absence d’évaluation pour la valider, ainsi que les entorses au droit que ce texte fait apparaître.

Les associations et syndicats représentatifs du métier d’infirmier ne décolèrent pas, et on les comprend, suite à la publication de l’Arrêté du 3 juillet 2023 modifiant l’Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au Diplôme d’État d’infirmier.

Un accès secondaire à la formation infirmière très controversé

Rappelons que ce texte donne la possibilité aux aides-soignants qui en font la demande et qui font état d’une expérience professionnelle de trois ans d’entrer directement en formation d’infirmer, moyennant une mini-formation de trois mois. Cette décision unilatérale du Ministre François Braun va bien sûr à l’encontre des règles les plus élémentaires qui étayent la qualité des parcours de soins ainsi que la sécurité des prises en charge infirmières. Car, comme l’a précisé Thierry Amouroux, le porte-parole du Syndicat Nationale des Personnels Infirmiers (SNPI) à l‘occasion d’une conférence de presse qu’il a organisé le 18 septembre 2023 en compagnie de six organisations infirmières, le référentiel d’activité aide-soignant n’est en rien comparable avec le celui de la formation de la première année de licence infirmière en IFSI.

Une grande partie de la représentation infirmière se mobilise dans une conférence de presse

Ce webinaire a été organisé afin d’expliquer la procédure juridique engagée auprès du Conseil d’État par plusieurs organisations infirmières représentatives des IDE puéricultrices (ANPDE), des formateurs de puéricultrices (CEEPAME), des cadres enseignants (CEFIEC), des IDE libéraux (Convergence Infirmière), des étudiants (FNESI) et donc des infirmiers salariés (SNPI), qui viennent de déposer, le 3 septembre 2023, un recours devant le Conseil d’État, afin que celui-ci s’oppose à cette décision qualifiée de très grave par toute la profession. Chacun a eu ainsi l’occasion de s’exprimer, l’ensemble des arguments développés agissant comme une pierre à l’édifice contestataire émanant de la communauté infirmière sur ce thème.

Perte de chances pour les patients, accès arbitraire à la formation

C’est ainsi que Nadia Boutih (ANPDE) a rappelé que la première année de formation d’aide-soignant n’avait aucune équivalence avec celle des infirmiers et que la refonte des processus de formations qui étaient en train de s’enclencher en cette rentrée risquait d’être remise en cause alors qu’il est essentiel qu’elle ait leu eu égard aux évolutions des pratiques et de l’environnement. Pour compléter ce témoignage, Pauline Bourdin (FNESI) s’inquiétait notamment de l’absence des bases relatives à la biologie fondamentale pour ces futurs infirmiers si cette mini-formation venait à se mettre en place. Les différents acteurs présents s’accordaient ensuite à mettre en garde, dans ce contexte, aux pertes de chances pour les patients, mais également sur l’aspect arbitraire de l’accès à cette formation aide-soignant.

Aucune évaluation prévue à l’issue de la mini-formation

Car en effet, l’Arrêté en question fait état de candidatures élaborées par les employeurs pour accéder à cette formation de trois mois qui, soit dit en passant, n’est sanctionnée d’aucun examen de vérification des compétences et des savoirs à son terme. Pour Thierry Amouroux, les conséquences de ce texte risquent d’être très graves pour les patients, tout en rappelant que l’accès à la totalité de la formation infirmière pour les aides-soignants recueillait l’approbation de toute la profession. Mais l’exposé ne serait pas complet si l’on n’y ajoutait pas une composante juridique. Et c’est Maître Jean-Christophe Boyer qui a assuré cette partie lors du webinaire.

De nombreuses entorses au droit dans cet arrêté ministériel

Il a mis en lumière tout d’abord l’aspect illégal de cet arrêté, puisqu’il ne peut exister qu’une voie légale pour accéder à a profession réglementée d’infirmier, que la validation d’une formation, fut-elle longue de seulement trois mois, ne peut pas se faire sans évaluation formelle, et que le niveau de formation risquait, en France, si ce texte était mis en application, de ne plus correspondre à celui exigé en Europe dans un contexte LMD. Il a expliqué d’autre part que le recours en référé n’avait pas fait l’objet d’une demande expresse en suspension pour des raisons techniques et que l’on pouvait espérer recevoir une réponse du Conseil d’État avant la fin de l’année 2023.

Une période que le SNPI mettra à profit pour aller à la rencontre du nouveau Ministre de la Santé et de la Prévention, pour sensibiliser les associations de patients sur la problématique, ainsi que pour aller sur le terrain initier une démarche citoyenne auprès du public et lui faire signer un texte de désapprobation. La bataille ne fait que commencer...

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@gpsante.fr
@bbenk34.


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