Le cadre formateur : posture d’accompagnant, un étayage spécifique

samedi 28 février 2009, par Michèle Morice-Morand

Pourquoi le suivi pédagogique dans un IFSI doit-il être suffisamment bien pensé, discuté ou formalisé par les cadres formateurs pour accompagner au mieux des étudiants ayant une expérience professionnelle préalable ? Cette question a orienté notre travail de recherche dans le cadre de la formation cadre de santé.

En tant que futur cadre de santé formateur, nous souhaitions approfondir le concept d’accompagnement et les postures du formateur d’un point de vue théorique et les confronter à la réalité du terrain.
A l’issue de cette étude nous pouvons dire que la posture d’accompagnant du formateur c’est aider l’étudiant à cheminer, c’est lui permettre de trouver par lui-même les réponses à ses questions, c’est une démarche qui vise à le guider dans la réflexion et la construction de son projet professionnel et de son identité professionnelle. Elle nécessite à la fois une attitude réflexive et un questionnement éthique de la part du formateur.

Par ailleurs, cette étude nous a fait prendre conscience que le dispositif d’accompagnement, dans un institut de formation doit être investi par toute l’équipe pédagogique par souci d’équité et d’éthique et porté par la direction dans l’intérêt de l’étudiant. Aussi, dans cet article, nous n’orienterons pas notre réflexion sur l’objet même de notre recherche mais nous allons en extraire une idée. Nous n’évoquerons pas le suivi pédagogique en tant que tel mais un temps d’accompagnement spécifique.

Ainsi, nous tenterons de parler de notre propre vécu d’accompagné dans l’élaboration de notre mémoire. Passer de la réflexion d’accompagnant à d’accompagné nous paraît pertinent pour étoffer ce travail de recherche d’autant plus que la population cible à savoir « étudiant ayant un parcours professionnel préalable » correspond à notre profil sociologique.

Pour la rédaction et la réalisation de notre mémoire nous avons été guidé par un directeur de mémoire. Aussi, dans cette situation nous nous sommes retrouvé non pas dans la posture d’accompagnant - qui sera notre dans quelques semaines lors de notre prise de fonction de cadre de santé formateur- mais dans une posture « d’accompagné ». Avoir vécu cette condition est très formatrice dans le sens, l’avoir éprouvée, a enrichi il nous semble ce travail de réflexion et nous a conforté dans le fait que la fonction d’accompagnant doit être à la fois pensée, interrogée et basée sur la confiance. Toutefois, cette place a suscité quelques questions, réactions et sentiments que nous reprendrons dans cet article.

La relation de confiance

L’accompagnement dont nous avons bénéficié a évolué avec le temps et au fur et à mesure de la réalisation de l’écriture du mémoire, de son avancée et de l’appropriation de ce travail.
Au démarrage de cette coopération, une certaine appréhension était présente. Pour nous, le directeur de mémoire avait le savoir, et nous, nous étions dans l’ignorance totale. Son discours à la fois positif, encourageant et étayé par des pistes de réflexions, tel un coach qui motive son sportif, nous a permis non seulement de rebondir mais de démarrer avec plus de hardiesse cette étude. Cette période que l’on pourrait qualifier d’apprivoisement mutuel et de mise en confiance, a permis dans des moments d’incertitudes de faire que cette guidance soit constructive. Une sensation de dépendance et la crainte de ne pas être dans la bonne direction nous envahissaient parfois.

Cette réflexion met en évidence « le rôle joué par la confiance dans la réussite du processus d’accompagnement, dès lors que l’accompagné ne se sent pas vulnérable et dépendant de l’accompagnateur, mais que les deux protagonistes parviennent à établir une relation d’échange équitable » [1]. La confiance émergeant au fur et à mesure de l’avancée participe au succès du processus d’accompagnement et engendre la possibilité d’aller plus loin dans une recherche. « Elle concourt à la possible collaboration entre « l’apprenant » et le formateur ».

Bernard Charlot que cite Christine Lecoq Sureau [2] dans son article éclaire ce propos ainsi : « ce dont a besoin l’apprenant pour se construire, et donc apprendre, c’est une relation anthropo-pédagogique », c’est-à-dire « une relation de proximité et de confiance dans laquelle il se sente exister en tant qu’il est au même titre que les autres de son espèce, un être humain qui a besoin d’aide et de soutien pour organiser, construire et comprendre le monde »

Rendre l’étudiant « sujet actif » de son parcours

Les rencontres au cours de cet accompagnement étaient basées sur des échanges inter actifs. La matière de ceux-ci venait de nos questionnements et les réponses étaient élaborées en partenariat. La « non directivité » telle que la conçoit Carl Rogers était à notre sens une détermination de notre accompagnateur. Pourtant, cette non directivité a entraîné des moments de doutes et de l’anxiété. En effet, parfois nous aurions aimé obtenir des réponses très concrètes à nos questions. Repartir avec encore plus de questions après une séance de guidance engendrait un sentiment de flou, de déstabilisation et par conséquent était source de stress. La réassurance arrivait quand le directeur de mémoire sentait la nécessité de notre part d’un réel soutien.

Pourtant, aujourd’hui, avec du recul nous pensons que cet accompagnement a fortement contribué à mener une réflexion de notre part plus poussée et l’impression d’un travail qui nous appartient. Cette attitude du directeur de mémoire ne s’inscrit-elle pas dans une volonté de nous rendre acteur dans cette guidance et par conséquent dans l’élaboration de cette recherche ? : « Lorsque les étudiants perçoivent qu’ils sont libres de poursuivre leurs propres objectifs, la plupart d’entre eux s’engagent personnellement davantage, travaillent avec plus d’acharnement. Ils font de leurs faiblesses des atouts » [3] ainsi s’exprime Carl Rogers.

Dans un colloque, Martine Beauvais [4] explique aussi qu’accompagner implique « que l’on partage une certaine conception de l’homme c’est-à-dire que c’est un sujet autonome, responsable et projectif ». Elle ajoute « Dans une démarche d’accompagnement, viser l’autonomisation de l’Autre, c’est agir de telle sorte qu’il multiplie ses options, ses choix, dans un environnement au sein duquel et sur lequel il agit. »

Pour Maëla Paul [5], « l’accompagnement se donne donc pour tâche de restituer à la personne l’espace de choix, de décision et de pouvoir qui contribue à son émergence en tant que sujet ».

Posture empathique du formateur

Aucune rencontre n’a été initialisée par le directeur de mémoire. A chaque fois, elle partait de notre demande à laquelle il a toujours répondu présent. Nous avons pu noter alors le confort que représente une certaine disponibilité de l’accompagnant. Celle-ci est d’ailleurs mise en avant par Jean Paul Udave [6]lorsqu’il rapporte dans son texte des éléments de réflexion intéressants à considérer et à méditer lorsqu’un formateur s’inscrit dans cette posture d’accompagnant auprès d’étudiants : « la disponibilité est une qualité attendue, qu’il s’agisse de la disponibilité matérielle et temporelle, pouvoir répondre en cas de besoin, ou de la disponibilité d’esprit c’est-à-dire avoir la capacité d’être en empathie, pouvoir jouer avec efficacité son rôle de conseil quand cela est nécessaire ».

Cette compréhension empathique [7]est la capacité du formateur à ressentir ce que peut éprouver l’étudiant par rapport aux processus d’apprentissage et de formation, attitude mise en avant par Carl Rogers pour définir une relation pédagogique de qualité.

Nous notons ici l’essence même de l’andragogie qui est selon Knowles, psycho pédagogue américain, de chercher à établir une relation interpersonnelle entre le formateur et l’adulte. « Ce dernier est un individu qui a un vécu professionnel et affectif important. Si l’on a la charge de le former, il faut impérativement tenir compte de ce vécu. [8] ». Ici, en l’occurrence nous avons conscience que le directeur de mémoire a pris en compte notre expérience professionnelle dans cet accompagnement.

Posture réflexive

Nous terminerons notre propos en reprenant un extrait de la conclusion de notre mémoire. La question de la posture du formateur est particulièrement cruciale, elle est à notre sens fondamentale et doit être questionnée. De plus, interroger et effectuer un feed back sur sa position d’accompagné nous a permis de mettre en exergue les effets de l’attitude de l’accompagnateur sur l’accompagné. Cette analyse réalisée au cours de la rédaction de cet article nous est apparu intéressante d’un point de vue personnel et professionnel d’autant plus que notre projet professionnel s’oriente vers la fonction de cadre formateur.

Selon Jean Paul Udave [9] « un travail d’auto-analyse, un retour réflexif sur ses pratiques visent à développer ses compétences professionnelles. La compétence est la première exigence éthique que l’accompagnateur doit s’appliquer à lui-même, être capable de s’auto-évaluer, maîtriser sa communication, savoir décrypter les effets de telle ou telle remarque sont autant de compétences indispensables à la posture. Il s’agit d’établir une certaine cohérence entre les principes et les pratiques. Cette cohérence confère une profonde authenticité à la personne de l’accompagnateur, génératrice de confiance indispensable à l’accompagnement ».

Une pratique réflexive abordée par certains auteurs nous a particulièrement intéressé et nous semble capitale en tant qu’accompagnant d’étudiants. Avant de démarrer ce travail, cette question de posture d’accompagnant nous interpellait déjà. Tout au long de notre formation de cadre de santé et à l’occasion de cette recherche, grâce notamment aux lectures, aux échanges avec nos pairs et intervenants, nous avons pu y mettre du sens.


[1Jaouen A, Loup,S, Sammunts, « L’accompagnement par les pairs », IVème congrès de l’académie de l’Entrepreneuriat, novembre 2005

[2Lecoq Sureau Ch, « L’apprentissage de l’accompagnement dans le cadre de l’alternance », Education permanente, N°153, 2004, p145-153

[3Rogers C.R, « Liberté pour apprendre », sciences de l’éducation, Dunod, 1986, P364

[4Beauvais M, maître de conférences en sciences de l’éducation, « Des postures de l’accompagnateur, A la posture de l’accompagnant » : Projet, Autonomie et responsabilité, 7ème colloque européen, Mai 2006 à Auzeville

[5Paul, Maëlla., « L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique », l’Harmattan 2004

[6Udave JP « Accompagner les démarches innovantes » 2003, http://probo.free.fr/textes_amis/accompagnement_humanisme_jpu.pdf.FR /

[7Op cité

[8Raynal F, Rieunier A, « Pédagogie : dictionnaire des concepts clés », ESF, 1997,p266

[9Op cité


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