vendredi 18 avril 2008, par
Même si le dicton affirme que « si c’est évident, cela va sans dire », le pédagogue dira que « ça va encore mieux en le disant ». Montaigne ne disait-il pas « C’est une belle harmonie quand le dire et le faire vont ensemble. » Infirmier faisant fonction de cadre formateur en Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI), puis en tant que cadre formateur, je me suis rapidement retrouvé en difficultés, lorsque j’ai été confronté à la construction d’un cours didactique, pour permettre aux étudiants infirmiers de 1ère année d’acquérir le raisonnement du calcul de dosage d’un médicament ou d’ions à diluer dans une perfusion. Cet objectif est bien un objectif de 1ère année, car dès le début de la 2ème année, les étudiants commenceront à administrer des médicaments en perfusion, lors des stages. L’enjeu était et reste majeur pour la sécurité du malade. Dans ce travail, j’ai réalisé une étude exploratoire de type recherche-actions visant à identifier les intérêts et les limites, à l’utilisation d’un entretien d’explicitation (EDE), en plus des stratégies d’apprentissage habituellement pratiquées à l’IFSI, auprès des étudiants infirmiers de 1ère année, particulièrement en difficultés. (P Vermersch 1994) Le protocole de recherche administré à deux groupes, a consisté en quatre phases. Un premier groupe qui après s’être auto évalué, a vécu un pré test, l’enseignement habituellement dispensé à l’IFSI plus un entretien d’explicitation, puis s’est de nouveau auto évalué avant un post test. Le second groupe s’est vu appliqué le même protocole mais n’a pas bénéficié des entretiens d’explicitation. Un questionnaire final a complété la démarche. La comparaison avec un groupe témoin, a mis en évidence, les apports de la technique en termes de progression de capacités des étudiants à s’autoévaluer, à conscientiser leurs difficultés dans leurs connaissances et leur raisonnement, à mettre en évidence leurs stratégies cognitives, conduisant à une progression des performances.
Enfin, le dernier avantage, est qu’il permet au formateur de concevoir des séquences de remédiation personnalisées, par la mise en évidence des démarches efficientes (processus) et des lacunes. L’étude n’a pas pu démontrer que la prise de conscience provoquait également une motivation à prendre l’initiative et à mettre en place des stratégies d’apprentissage autonomes. L’inconvénient majeur de la technique d’entretien d’explicitation, est essentiellement le temps qu’elle nécessite par étudiant. Pour éviter cet inconvénient, mener un EDE avec uniquement les étudiants particulièrement en difficultés, permet de contourner ce problème.
La pédagogie n’est-elle pas faites prioritairement pour eux ? Des ateliers d’analyse de pratiques collectifs, pourraient compléter la démarche et soutenir les nouveaux apprentissages, notamment métacognitifs. Sans résoudre totalement l’ensemble de la problématique complexe de l’apprentissage du raisonnement du calcul de dosage, même si on doit rester prudent quant à la généralisation des résultats compte tenu de la taille de l’échantillon, on peut conclure que l’entretien d’explicitation est une aide certaine pour l’étudiant, en cours d’apprentissage. Les techniques d’entretien d’explicitation sans être totalement expliquées d’un point de vue théorique travaux du GREX - Groupe d’EXplicitation en cours. présentent un intérêt majeur dans la formation, et pas seulement pour l’acquisition du raisonnement du calcul de dosage. Aujourd’hui tout formateur devrait être formé à cette technique de questionnement, qui est loin d’être naturelle.
En conclusion, cette recherche a démontré que l'EDE est bien un outil parmi d'autres, mais qui "marche" avec ce protocole. Les personnes qui en ont le plus besoin à priori progressent avec un simple EDE en plus des enseignements habituels.
Comme me le faisait remarquer Charlaine, certains étudiants ont surement besoin d'autres choses pour avancer dans l'acquisition du raisonnement. Manipuler... Je ne m'attendais pas à prouver que c'était l'outil miracle ! mais y en a t il un ?
L'intéret de l'EDE, c'est que c'est une façon particulière de questionner.
Ce questionnement interroge le vécu de l'action et uniquement l'action, contrairement à l'entretien de type Rogers qui lui interroge le ressenti. Ici le raisonnement est identifié comme une action, ce qui fait l'originalité du protocole de recherche.
Cette théorie s'appuie sur la théorie de Piaget, qui reconnait l'action comme une connaissance autonome. Un prochain article expliquera ce qu'est précisément l'EDE.
Charlaine s'étonnait que le seul inconvénient mis en évidence était le temps que prend un EDE ; Concernant les inconvénients, je n'en ai pas noté d'autres que ce coté chronophage. C'est toutefois un obstacle majeur à son utilisation.
Il en a bien un autre, c'est qu'il faut être réellement formé par quelqu'un qui le maitrise pour mener un EDE, et l'avoir pratiqué.
La lecture seule même approfondie du livre de Vermersch ou l'auto formation parait insuffisante pour comprendre et mener ce qu'est réellement un EDE.
Travaux du GREX - [Groupe d’EXplicitation en cours->www.expliciter.net]