mardi 6 juillet 2021, par
Alors que la feuille de route du plan « Ma Santé 2022 », qui a l’ambition d’accélérer le virage numérique des établissements de santé et d’améliorer concrètement les conditions de travail des soignants ainsi que la prise en charge des patients grâce à la technologie, nous avons rencontré Carlos Jaime, DG d’Ascom France, mais aussi acteur industriel très impliqué dans l’évolution des solutions de Santé et de leurs usages. Il revient pour nous sur les thématiques essentielles comme la compréhension de la data, le développement de l’identité numérique, le stockage des données, la cybercriminalité ou l’aide que doivent apporter aux soignants les solutions de Santé.
Cadredesante.com : Vous êtes fortement impliqué dans le plan « Ma Santé 2022 » au travers du pilotage du groupe de travail « développement économique en France et à l’international des entreprises françaises » du Conseil du Numérique en Santé (CNS). Quel a été votre parcours jusqu’ici ?
Carlos Jaime : J’ai une expérience certaine désormais dans l’industrie des outils numériques en Santé, avec, jusqu’en juin 2021, date à laquelle j’ai pris la Direction Générale d’Ascom France, des responsabilités dans la commission « Data et IA » du pôle de compétitivité Medicen destiné à accompagner les projets d’innovation dans le secteur médical et soutenir le développement des jeunes entreprises en Ile-de-France. J’ai ainsi pu mesurer les besoins du système de Santé dans ce domaine et mon rôle au CNS me permet d’influer, à mon échelle, sur l’identification des outils pertinents pour les professionnels de Santé ainsi que sur les bonnes pratiques et prendre part à la prise en soins des soignants.
CDS.com : Dans quelle mesure agissez-vous sur la Santé des professionnels de Santé ?
C.J. : J’ai pu me rendre compte, au cours de mon travail chez Medicen, de l’état de souffrance et d’épuisement des soignants sous l’effet notamment d’une charge administrative abusive et un contrôle d’activité trop prégnant. Certains postes d’infirmière sont phagocytés à 50% par les missions administratives. Il est donc urgent de mettre à disposition des soignants des solutions qui les libèrent en partie de cette charge. C’est une des raisons de mon engagement chez Ascom France, qui développe des solutions Long Term Care pour les EHPAD et les établissements SSR ou des outils acute care pour les hôpitaux.
CDS.COM : Pouvez-vous nous donner des exemples de telles solutions miracles qui pourraient venir en soutien des personnels soignants ?
C.J. : Un moyen simple de les soulager est de leur fournir un terminal léger mais à la bande passante plus puissante afin qu’ils puissent gérer, grâce à la combinaison du wifi et de la 5G, à la fois le dossier patient, les prescriptions, les dispensions, les rendez-vous d’examens, la messagerie sécurisée, voire un tchat entre collègues pour échanger des informations. On a, depuis longtemps, mis le patient au centre du système. Mais il ne faut pas négliger le soignant, l’actualité récente nous l’a montré. En lui simplifiant les charges administratives, on le libère d’une bonne partie de sa charge mentale et il peut mieux se consacrer au patient.
CDS.com : Début juin, le Ministère des solidarités et de la santé a présenté son plan de renforcement de la sécurité informatique en santé afin d’accélérer les nouveaux usages numériques dans les établissements de santé et améliorer la sécurité des systèmes d’information. Quelle est votre action au sein du CNS qui est un rouage essentiel de ce plan ?
C.J. : Tout d’abord, il est important de préciser que c’est l’ensemble des acteurs de l’écosystème, publics, privés, académiques et ministériels, qui est rassemblé au sein du CNS. Quatre groupes de travail sont constitués - éthique, désertification médicale, formation et valorisation économique - et un sous-groupe m’intéresse plus précisément, nommé G_NIUS, dont le rôle est de mieux faire comprendre les contraintes réglementaires et les enjeux associés au marquage CE des Logiciels, notamment ceux liés à l’Aide à la Prescription (LAP) et à la Dispensation (LAD) afin que ces solutions soient indiscutables sur le plan qualitatif et de la cybersécurité notamment. Nous devons être très stricts sur le plan réglementaire. Et un développeur, s’il n’applique pas toutes les dispositions réglementaires, doit être sanctionné et ne peut pas prétendre à une quelconque aide de l’État, de même que ceux qui ne respectent pas les standards d’interopérabilité.
CDS : Vous évoquiez la cybersécurité, c’est une thématique qui revient souvent dans le discours ministériel. Comment rattraper le temps de retard que nous avons sur les hackers ?
C.J. : Je dois dire qu’on a un temps de retard mais qu’ils en ont trois d’avance ! Comme je le disais plus tôt, nous devons être irréprochables en tant qu’industriels sur ce champ. Les professionnels de Santé, qui contribuaient à la fuite des données par de mauvaises pratiques, sont en train de réussir leur acculturation car on leur a donné les outils, notamment de messagerie sécurisée. Mais nous devons aujourd’hui travailler sur le stockage des données. Les acteurs de Santé ont toujours tendance à stocker les informations qu’ils produisent « on premise » (en local) alors que tout le monde utilise el cloud. À leur décharge, il n’existe pas aujourd’hui de plateforme nationale digne de ce nom. Mais le CNS y travaille en coopération avec nous collègues européens.
CDS : Quelles sont les prochaines étapes du virage numérique ?
C.J. : Nous avons déjà avancé sur l’identitovigilance avec l’identité de Santé. Ensuite, depuis le 1er juillet, l’Occitane et la Nouvelle-Aquitaine on débuté la mise en place pilote de « l’Espace Numérique de Santé » (ENS) qui est un véritable entrepôt de données structuré qui va au delà du DMP, projet abandonné car non structuré. Il sera étendu à tout le territoire français en janvier 2022. Tous ces sujets, l’identité de Santé, la gestion de la data, l’IA, la cybersécurité, le stockage des données, forment un ensemble qui doit évoluer rapidement pour que la France devienne le premier de la classe en Europe. Et je dois sire que la Délégation du Numérique en Santé, sous la houlette de Dominique Pon, a pris le dossier à bras le corps et c’est désormais le système qui s’adapte à ses recommandations, et non l’inverse. Et ça change tout...
Propos recueillis par Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
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