L’IA au service de la fluidification des flux d’urgences

lundi 12 juillet 2021, par Bruno Benque

L’innovation organisationnelle hospitalière n’est pas qu’une vue de l’esprit, elle est en marche en France et notamment en Île-de-France, où l’ARS a publié le « Panorama des innovations pour l’hôpital ", un recueil de 22 solutions sensées améliorer les prises en charges et la qualité de vie au travail des soignants. Après vous avoir présenté deux outils dédiés à l’organisation de blocs opératoires, voici les solutions évoquées dans ce document pour la prédiction des soins non programmés, notamment l’outil STEP.

L’afflux, ponctuel ou régulier, de patients que les soignants exerçant dans les services d’urgences redoutent n’est pas, par définition, une variable que l’on peut prévoir. Comment savoir en effet qu’un accident autoroutier va se produire dans les heures à venir, apportant des dizaines de polytraumatisés, ou qu’une rixe mettant aux prises de jeunes gens alcoolisés dans une fête improvisée fera grossir le flot de patients dans une unité d’urgences déjà très embolisée par ce que l’on a coutume d’appeler la « bobologie » ?

Des outils d’aide à la prédiction des soins non programmés

À part à être devin, le manager n’a pas bien sûr les attributs nécessaires à la prédiction de ces événements et, par conséquent, à la planification des moyens humains et matériels pour assurer de manière sereine cette montée en charge. Il existe pourtant des outils qui permettent, non pas de prévoir les impondérables, mais d’identifier une période éventuellement propice à la survenue d’un afflux inhabituel de patients dans un service d’urgence. L’ARS d’Île-dFrance nous en donne quelques exemples dans son « Panorama des innovations pour l’hôpital de demain ». Au terme de six mois d’étude, 22 innovations technologiques, organisationnelles ou architecturales transverses ont été sélectionnées parmi les 120 que les experts ont pu identifier. Et la prédiction des soins non programmés fait partie des quatre chapitres de ce document.

Réguler les ressources à partir de données internes et externes

Les solutions présentées s’appuient sur le Big Data et font intervenir des algorithmes d’intelligence artificielle (IA), plus précisément de deep learning. À partir des données d’entrées provenant à la fois des logiciels métiers ou du système d’information hospitalier, l’IA analyse les RUM du PMSI, voire les RPU, mais également d’informations externes à l’hôpital comme les données d’accidentologie, de météorologie et autres agendas festifs territoriaux, l’algorithme est capable de prédire à plusieurs jours le nombre d’admissions et de la nature des passages possibles aux urgences.

Le Panorama des innovations y voit ainsi un outil de régulation des ressources à mettre en œuvre pour faire face à l’afflux de patients afin de fluidifier leur prise en charge et réduire leur temps d’attente. Et comme nous avons affaire, ici, à un réseau de neurones profonds, l’outil s’améliore au fur et à mesure que l’on s’en sert, entrainé qu’il est par des données d’entrées plus nombreuses au fil des jours.

Gagner en flexibilité et réguler la programmation d’aval

Le document de l’ARS d’Île-de-France donne des exemples de telles solutions au travers de plusieurs cas d’usage. Au premier rang de ceux-ci, l’outil STEP, utilisé dans la région pour prédire le besoin et les disponibilités en lits. Issu d’analyses initiées en avril 2020 dans un contexte de crise COVID, il n’entre pas vraiment dans le contexte habituel des besoins de Santé mais a pour objet d’anticiper et réguler les disponibilités en soins critiques et conventionnels en MCO en Ile-de-France durant l’épidémie. Il permet également d’aider à la décision et à l’arbitrage entre les flux programmés et non programmés.

Les avantages d’une telle solution sont, entre autres, d’ajuster l’affectation des ressources matérielles au flux non programmé et « gagner en flexibilité, capacité d’adaptation en temps réel », rappelle le document de l’ARS, mais également de « réguler la programmation d’activité, à une échelle régionale par exemple, par une gestion des ouvertures/fermetures des lits en bonne anticipation des besoins ». Pour les soignants d’autre part, il s’agit d’améliorer les conditions d’exercice dans les services d’urgence, en gagnant en anticipation et supprimant des tâches de gestion de planning, recherche de créneaux, et réduire significativement les facteurs de fatigue physique et psychologique pour une meilleure prise en charge des patients.

L’humain, une variable que l’IA ne peut pas encore traiter

Il reste tout de même deux variables que l’IA ne peut pas traiter, du moins en l’état actuel du progrès technologique. La première tient de la capacité à identifier rapidement un diagnostic primaire dans la phase de triage des patients arrivant dans les services d’urgences. On sait que c’est une des phases les plus chronoghages du processus et que les moyens humains ne sont pas toujours suffisants pour la fluidifier, sauf à augmenter la proportion de paramédicaux pour cette tâche.

La seconde variable que le deep learning ne peut pas gérer est l’adaptation des effectifs aux variations d’activité d’aval. La régulation des ouvertures/fermetures de lits décrits plus haut ne peut pas s’envisager sans l’affectation du nombre de soignants nécessaire. Cela équivaut au déplacement de ces derniers d’un service à l’autre, voire d’un établissement à l’autre si le degré d’urgence l’impose, au risque de mettre à mal la qualité de vie au travail et le niveau de fatigue et de stress des personnels.

Ne sous-estimons pas toutefois les avantages que les solutions d’IA peuvent apporter dans l’organisation des soins. Les algorithmes s’affinent régulièrement, les applications se diversifient et il serait dommage que les managers ne portent pas l’attention suffisante aux aides à la décision qu’elles peuvent procurer.


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