jeudi 18 avril 2013, par
L’informatique et ses usages linguistiques, juridiques, bibliothéconomiques sont des connaissances intégrées aux métiers dédiés à la santé, cela revient à construire une nouvelle culture soignante interdisciplinaire. Décryptage par les documentalistes des écoles paramédicales d’Ile-de-France.
Les référentiels de formation (infirmier, mais aussi des autres établissements paramédicaux) intègrent aujourd’hui l’usage des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) comme démarche d’apprentissage réflexive. L’approche par compétences caractérise des nouvelles pratiques soignantes qui tiendront compte de leur environnement technologique, sans pour autant en oublier les compétences relationnelles. Les deux i (Internet, Informatique) intègrent ainsi irrémédiablement la formation initiale de ces formations, mais induisent, aussi, des usages liés à la recherche documentaire. Les apprenants peuvent développer, par l’assistance d’un ordinateur, des méta-compétences, qu’il s’agisse d’exercer leur esprit critique, d’analyser et traiter de l’information, de remobiliser des concepts selon des situations de soins, afin de justifier, de façon scientifique, le geste soignant. Les Unités d’Enseignement (U.E, inscrites dans la réforme LMD) supposent une logique de construction de sens dans ces divers apprentissages.
Appropriation des savoirs et autonomie...
Des projets pédagogiques peuvent déjà s’articuler dans le cadre d’une collaboration efficiente entre cadres de santé et documentalistes qui mettent en œuvre des actions pédagogiques communes, avec la participation des étudiants. Des parcours d’apprentissages se scénarisent (avec les MOOCs, par exemple) , mêlant créativité, accompagnement humain et concepts universitaires.
Chacun, peut alors s’interroger quant à la progression (collective, individuelle) des étudiants, à l’appropriation des savoirs et à l’autonomisation des professionnels du soin.
Un accompagnement spécifique peut être proposé dans les instituts, dans le cadre d’un projet d’établissement actualisé, en lien avec ces référentiels de compétences. Il s’agit de mobiliser les acteurs pédagogues (cadres de santé et documentalistes), dans le cadre de leurs expertises respectives, mais aussi communes, dans une approche socio- constructiviste, créer des interactions régulées par les évaluations, des analyses de pratique, et par le désir de formaliser son propre parcours, enfin, de contribuer à transformer l’environnement sanitaire et social.
Mais aussi un projet d’établissement...
Les travaux de Lev Sémionovitch Vygostski font apparaître « la conscience (de l’apprenant) impliqué dans un contrat social avec soi même où l’appropriation des savoirs et la maîtrise des systèmes (et des pratiques sémiotiques) s’opèrent donc de l’extérieur vers l’intérieur, de l’interpsychique vers l’intrapsychique, de l’activité menée en coopération avec des adultes (enseignants) ou des pairs plus experts que soi à l’activité menée de manière autonome » (Champy, Etévé, 1994). Ce contrat ne pourrait s’exercer sans la mise en œuvre d’un projet d’établissement comprenant la formation des outils technologiques au cœur des interactions sociales.
L’interactivité caractérise les séquences pédagogiques, elle semble incontournable et cohérente pour la formation en alternance, dans la mesure où elle est élaborée en amont avec l’ensemble de l’équipe pédagogique. La recherche documentaire est au cœur du processus technologique des instituts paramédicaux, c’est une discipline (sciences de l’information, de la communication, de la documentation) productrice d’un nouveau sens et favorisant une meilleure étape à l’initiation à la recherche, mais aussi à la recherche de publications professionnelles.
La question de la pratique réflexive est à la fois une des compétences de du formateur qui peut être aussi documentaliste, mais aussi un outil de construction de l’identité professionnelle (Altet, 1994, Perrenoud, 2001). L’analyse des pratiques (pour l’enseignement) repose sur la mise en distance, sur le recours à la théorie pour une mise en perspective et une formalisation des savoirs dit d’action (Schôn, 1994). Au sein de son équipe pédagogique, les professionnels des sciences de l’information et de la communication collaborent, lorsqu’ils en ont les moyens, aux projets pédagogiques mais surtout aux actions interdisciplinaires. Le documentaliste organise l’acquisition progressive et explicite des compétences documentaires en lien avec l’ensemble des U.E., donne des repères en termes de compétences acquises ou requises.
Vers une maîtrise des nouveaux langages...
Les acquisitions méthodologiques relèvent d’une certaine familiarité avec les banques de données et les divers supports d’information permettant de faire adopter, par les apprenants, des logiques comportementales individuelles nées de l’observation, de la pratique (apprentissage par essais/erreurs) et de l’appropriation personnelle des ressources. Le documentaliste apporte ainsi son concours à la mise en œuvre du projet pédagogique de son établissement. Celle-ci répond à de nouveaux objectifs, comme contribuer à donner aux futurs professionnels de la santé la maîtrise des langages et des nouveaux outils de communication, mettre les richesses informationnelles au service de leur métier.
Dans le cadre de la formation initiale, le documentaliste s’adresse à toutes les formes d’intelligence des étudiants en faisant appel à des démarches de projet, de recherche et de création.
La particularité de l’accompagnement documentaire des instituts paramédicaux s’apparente aux concepts de Carl Rogers où les caractéristiques de la relation d’aide sont des outils rassurant. L’empathie, l’acceptation, l’écoute active, la reformulation, le non jugement, la congruence sont aussi des aspects communs aux cadres de santé et font écho dans la phase exploratoire des mémoires de recherche. C’est par l’emploi de ces outils qu’une véritable création de sens favorise la progression cognitive des apprenants pour viser le diplôme d’Etat et l’autonomisation.
La recherche documentaire fait en effet le lien avec la construction identitaire du soignant qui problématise une réflexion à partir d’une situation de soin, avec l’appui de concepts, d’expérience, et de la reconnaissance des pairs.
La première étape d’apprentissage formalisée en ateliers (informatique et internet) relève d’opérations mentales verbalisées en groupe pour évaluer l’information avec des critères de validité. L’enjeu étant bien sûr la valeur scientifique ou professionnelle des contenus sélectionnés, afin de distinguer ce qui relève du niveau de lecture grand public (comme Doctissimo) à l’information professionnelle de la santé (la littérature grise par exemple ).
Viser des objectifs universitaires et professionnels...
Ce travail métacognitif peut être structuré par la création d’une grille de validation construite par les apprenants, elle-même soumise à une observation critique.
lusieurs objectifs sont mobilisés, comme la capacité à discerner la validité d’une information, évaluer son niveau de lecture, analyser la méthodologie d’écriture, relever des concepts introduits dans la littérature…. Les étudiants sont sollicités pour exercer une juste distance analytique et faire émerger cette sensible question de l’identité numérique, intriquée à l’identité professionnelle. L’étudiant devra, quoiqu’il en soit, construire son parcours de confiance dans la diversité littéraire soignante, il reste à l’accompagner à se repérer dans son environnement institutionnel/éditorial et viser des objectifs universitaires et professionnels.
Le mariage de la recherche, qu’elle soit fondamentale ou appliquée (type recherche action), avec la recherche documentaire (investigation documentaire) se situe maintenant au cœur même de la formation initiale des soignants. L’IDE devra apporter des éléments crédibles aux patients ou à son équipe, pour un projet d’établissement par exemple. L’EI saura donc utiliser des ressources appropriées dans des circonstances données. Les connaissances issues de la pratique professionnelle peuvent conduire à la recherche action mais ne peuvent cependant ne suffirent à elles mêmes. L’informatique et ses usages linguistiques, juridiques, bibliothéconomiques sont des connaissances intégrées aux métiers dédiés à la santé, cela revient à construire une nouvelle culture soignante interdisciplinaire.
Les documentalistes des écoles paramédicales île de France
http://sidoc.fr/node/67
Bibliographie
- ALTET, M. La formation professionnelle des enseignants. France : Presses universitaires. 1994. 264 p.
- CARRE, P. L’apprenance, vers un nouveau rapport aux savoirs. Paris : Dunod. 2005. 212 p. (Psycho Sup).
- CHAMPY, Philippe ; ÉTÉVÉ, Christiane (Directeurs de la rédaction). Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation. France : Retz. 2005. (Les usuels Retz). 1104 p.
- HESBEEN, Walter. Travail de fin d’études, travail d’humanitude : se révéler l’auteur de sa pensée. France : Masson. 2006. 144 p. (ENCADRER A L’HO)
- PERRENOUD, Philippe. Dix nouvelles compétences pour enseigner : Invitation au voyage. France : ESF. 2006. 188 p. (Pédagogies références).
- PERRENOUD, P. Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant : Professionnalisation et raison pédagogique. France : ESF. 2001. 219 p. (pédagogies).
- ROGERS, Carl. Liberté pour apprendre. Paris : Dunod. 1971. 364 p.
- SCHON, D. ; HEYNEMAND, J. et al. Le praticien réflexif. Canada : Les éditions Logiques. 1994. 418 p. (Formation des maîtres). Webographie
- Académie française : http://www.academie-francaise.fr
- Grand dictionnaire terminologique de l’office québécois de la langue française http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/gdt.html
- Trésor de la langue française informatisé : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm
- Centre national de ressources textuelles et lexicales, disponible http://www.cnrtl.fr