mardi 16 mars 2021, par
Pour traiter avec efficience les Big Datas produites dans les services de soins intensifs, les praticiens peuvent désormais se tourner vers des algorithmes d’IA qui font office d’aide à la décision. Dans un texte qu’ils publient sur la plateforme healthmanagement.org, des médecins allemands font l’éloge de l’usage de cette IA dans leur pratique, mais d’une IA éthique, dont les mécanismes de fonctionnement sont compréhensibles.
Aucun autre domaine hospitalier n’est aujourd’hui plus influencé par l’omniprésence des appareils de haute technologie que les unités de soins intensifs. Comparé à d’autres spécialités médicales, ce sont les services dont les signes vitaux des patients sont le plus fréquemment et continuellement surveillés.
Un volume de données vitales considérables produit par les USI
Les données des patients dans une unité de soins intensifs (USI) sont enregistrées selon différents intervalles de temps, en fonction de l’urgence et de la complexité de leur pathologie. Dans un article qu’ils ont élaboré sur la plateforme healthmanagement .org, des praticiens de l’University Hospital RWTH d’Aix-la-Chapelle expliquent comment les Dossiers Patients Informatisés (DPI) sont importants dans le traitement moderne des soins intensifs et sont centre névralgique des Big Datas, reliant souvent tous les autres systèmes sources entrants tels que les résultats radiologiques, microbiologiques ou de laboratoire, les médicaments ou d’autres examens. De ce fait, les USI agrègent plus de 1000 points de données par patient en une heure. Si un médecin s’occupe quotidiennement de 14 à 20 patients, il y a entre 14 000 et 20 000 points de données qu’il devra examiner, ce qui ne permet pas à quiconque d’en avoir une vue globale et qui entraîne des erreurs qui peuvent coûter des vies.
Un Big Data mis à la disposition de la recherche internationale
Cette densité de données augmente, selon les auteurs, de 30% par an. Ils donnent ainsi l’exemple de la base de données Medical Information Mart for Intensive Care III (MIMIC-III), constituée de données provenant de 61 532 patients en soins intensifs du Beth Israel Deaconess Medical Center (USA), ainsi que de l’eICU Collaboration Research Database v2.0 (eICU), constituée de données provenant de 200 859 patients en soins intensifs de plus de 300 USI aux États-Unis, qui ont conduit à une démocratisation de la recherche dans le domaine des Big Datas en médecine de soins intensifs. Récemment, un équivalent européen, l’« Amsterdam UMCdb », comprenant des données associées de 20 181 patients en soins intensifs, a également été publié. Grâce à ces données rétrospectives, les scientifiques peuvent désormais entraîner des systèmes d’IA sans avoir accès aux données hospitalières propriétaires et à tout problème de confidentialité des données associé.
De la nécessité de mettre en œuvre une IA éthique
La complexité des algorithmes signifie qu’une connaissance approfondie et détaillée est nécessaire pour vraiment les comprendre. C’est la condition préalable à l’acceptation et à l’éthique d’une nouvelle technologie ou d’un nouveau produit en médecine : expliquer, comprendre, déployer. Un critère essentiel de l’intelligence artificielle explicable reste la causalité ainsi que la mesure de la qualité de l’explicabilité. Sur la base de ces prémisses, le défi consiste à expliquer pourquoi les réseaux de neurones et autres algorithmes d’apprentissage automatique prennent leurs décisions et comment les modèles qui peuvent être interprétés par les humains peuvent être développés et optimisés. Dans ce cadre, la Commission européenne a récemment pris position sur ce sujet dans un livre blanc.
Des pathologies qui nécessitent une prise de décision rapide
Mais les soins intensifs nécessitent un environnement de travail où les décisions doivent être prises rapidement et où des outils puissants sont nécessaires, associés à des algorithmes qui aident les praticiens à se concentrer sur les données essentielles. Les auteurs évoquent ainsi la septicémie / choc septique et le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), qui sont les entités mortelles les plus importantes en USI, avec des taux de mortalité allant jusqu’à 50%. Ces deux syndromes nécessitent un diagnostic précoce et un traitement adéquat et rapide mais les médecins de l’USI sont souvent confrontés à des patients transférés de leur domicile aux soins ambulatoires vers l’urgence et finalement vers l’USI, ce qui retarde le traitement.
Un projet de recherche pour évaluer une solution d’aide à la décision
Les usages numériques et l’approche du prétraitement des données à partir des DPI pourraient être une solution pérenne pour aider à la décision médicale, un appareil mobile pouvant attirer l’attention sur le diagnostic pertinent du SDRA en fournissant des données de diagnostic et des recommandations de traitement à partir du DPI. Le cas d’usage « Surveillance algorithmique des patients en soins intensifs atteints du syndrome de détresse respiratoire aiguë » (ASIC) suit cette stratégie dans le cadre d’un projet d’amélioration de la qualité et fait partie intégrante du projet « Smart Medical Information Technology for Healthcare » (SMITH). Les données utilisées par l’application ASIC, qui fonctionne indépendamment du système sur différents appareils, sont obtenues à partir du DPI local. Elle permet aux médecins de garder sous contrôle les données vitales en temps opportun, de faire un diagnostic adéquat et d’adhérer aux directives.
Les usages de l’IA dans le domaine de la Santé n’en sont qu’à leurs balbutiements, tant la puissance et la diversité de ces algorithmes est importante. Mais la question qu’il faudra surveiller à moyen terme, et pendant des années, est bien le respect de l’éthique de ces systèmes.
Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
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