mercredi 15 février 2006, par
De plus en plus, les cadres de santé développent des compétences spécifiques, « expertises » liées à des problèmes de plus en plus pointus. Ils travaillent alors en « transversal » (informatique, hygiène, qualité, ...) et apportent, entre autre, un soutien pédagogique à leurs collègues.
En ce qui concerne le correspondant informatique, une question se pose : pour qui ce poste est-il une nécessité, pour la direction des soins qui trouve là un technicien ou pour le Département Informatique qui trouve un soignant ?
Le contexte
La majeure partie de ma carrière s’est déroulé dans un centre hospitalier spécialisé, le second en France par sa taille. Depuis 2002 je travaille à 50% à la Direction des Systèmes d’Information, ex département informatique de cet établissement.
Cette direction comprend 11, 5 ETP dont trois ingénieurs informaticiens (ou assimilés) ; je suis le 0.5
Au niveau équipement : l’établissement est en réseau, ce dernier reliant plus de 54 bâtiments dans l’hôpital (structure pavillonnaire) et dans l’agglomération. Nous pensons être raisonnablement équipés avec 900 postes pour 2000 agents. Les principaux logiciels accessibles aux soignants sont une suite bureautique, une application administrative (gestion des lits) et un logiciel gérant le circuit du médicament. Un dossier patient informatisé se met progressivement en place depuis le début de l’année. Enfin tous les utilisateurs ont un accès libre à Internet.
Comment passe-t-on la barrière ?
Le lecteur l’aura compris, je ne suis pas informaticien mais, mais à la base, infirmier de secteur psychiatrique. Il y a 6 ans, quand je gérais une unité, j’ai commencé à développer un planning sous Excel qui m’évitais pas mal de paperasserie et j’ai commencé à être “ unité pilote” pour des applications informatiques que l’établissement mettait en place.
Est-ce que j’aime l’informatique, je ne sais plus, ce que je sais par contre c’est que c’est à la fois mon hobby, mon loisir principal, bon d’accord je suis accro. Cela ne fait pas de moi pour autant un informaticien.
Je suis plutôt un amateur “éclairé” manipulant assez bien les logiciels que l’on met à ma disposition.
C’est sans doute pour cela qu’il y a deux ans le directeur informatique de l’époque m’a proposé un poste qu’il créait et qui porte le titre ronflant de correspondant en informatique médicale.
Mes missions
Elles ont été (clairement ?) inscrites sur une fiche de poste :
« En amont de la mise en place des applications, il étudie la faisabilité des solutions et leurs conséquences organisationnelles au niveau des unités de soins. Il étudie avec les utilisateurs les modifications ou évolutions logicielles nécessaires permettant de mieux répondre aux besoins. Il participe à l’évaluation et au choix des solutions.
Lors de la mise en place d’applications, il effectue avec les services pilotes le test des produits ainsi que leur paramétrage. Il participe à la formation et l’assistance des utilisateurs. Il fait partie intégrante de la cellule « Applications ». »
La réalité
La première de mes missions est, à mon sens, créer des liens :
C’est à dire faire communiquer entre eux, deux mondes qui sont de plus en plus interconnectés, voire dépendant l’un de l’autre, l’informatique et le soin. Deux monde où le langage a chacun ses codes et ou
• l’un parle du signifiant et du signifié, du symbolisme, de clinique et d’inconscient.
• L’autre d’updater un progiciel avant de se logger dessus.
Je vous passe les termes comme hub, switch, lan que j’ai appris à fréquenter, du brassage des prises réseaux et de ces fameuses “jarretières” des armoires qui ont été longtemps un mystère.
• Les deux parties emploient un langage ésotérique avec des abréviations qui si elles sont homonymes n’ont aucun lien
La seconde mission, après cet exercice de traducteur, c’est de faciliter un changement de culture et d’être un levier de résistance aux changements.
Mon autre mi temps est occupé par le département qualité et gestion des risques.
Je crois, je suis persuadé, que pour les deux postes, la mission est la même : faciliter ce passage d’une époque à une autre, expliquer que l’informatique, comme la qualité sont des outils difficiles a maîtriser au début mais qui, à terme, permettent de gagner du temps au profit d’un « vrai travail infirmier », ce qui aura comme conséquence directe une amélioration de la qualité des soins.
Longtemps la psychiatrie (souvent aussi les autres disciplines) a été confrontée à la difficulté de passage de l’oral à l’écrit, à peine ce cap franchit il faut passer de l’écrit à l’écran.
L’idéal serait bien sûr un immense transfert de compétences.
C’est là que le bât blesse pour qu’il y ait transmission du savoir il faut le désir du savoir et pour engendrer celui-ci rien ne vaut un bénéfice immédiat à cette acquisition.
Or l’informatique, au début ça prend du temps, on se perd dans les menus, on se noie dans les claviers et finalement on abandonne en gardant un ressentiment, l’impression que l’on a perdu un temps précieux pour le patient. Dans une époque ou plus de % de la population possède un ordinateur, la citation suivante, datant de dix ans est encore réelle.
Conséquence directe .... Certains auteurs parlent même de relations « amour-haine », entendez de relations tout ce qu’il y a de plus ambivalentes entre les infirmières et la technologie informatique...
Une nécessité pour qui ?
Mon quotidien c’est donc : beaucoup de terrain, encore plus de réunions ou mon rôle de triple interface informatique - soins - qualité est mis à mal.
Mis à mal parce que le rôle de cadre “en transversal” est (re)connu par les pairs mais peu (re)connu dans un organigramme, un rôle précis. Si dans le répertoire métier (RAMSES) du ministère de la santé on peut trouver responsable qualité il n’existe aucune référence à l’informatique.
La difficulté est alors de ne pas se laisser entraîner dans une Direction mais de rester dans un rôle d’expert “indépendant” difficilement acceptable dans une société hiérarchisée comme l’est encore l’hôpital public (la mise en place des pôles va certainement favoriser ces rôles transversaux, va-t-elle pour autant les reconnaître à leur juste valeurs ?)
En tant que cadre “en transversal”, mon unité c’est l’hôpital, mon équipe ce sont les multiples partenaires avec qui je travaille, les membres des groupes que j’anime...
Alors une nécessité pour qui ?
• Pour la direction des soins qui peut influencer un changement non par la voie hiérarchique mais en utilisant un réseau inter-cadres facilité par la transversalité ? Et qui en outre bénéficie d’un “expert” sur des questions qui bien souvent la dépasse.
• Pour le département informatique qui s’offre (excuser moi du terme) un soignant, capable de décrire la réalité des unités de soins, du travail infirmier et de lui faire comprendre toutes les implications d’un changement qui parfois leur paraît mineur.
Mais aussi pour moi qui ne suis plus soignant bien que dépendant de la direction des soins et qui retrouve, à la Direction des Systèmes d’Informations un statut d’organisateur, de garant du soin et de la pensée infirmière....un statut de cadre de santé.
Nous verrons dans un prochain article un exemple concret, à travers une application développée dans le cadre de cette mission, du travail auquel correspond cette mission transversale.