Renouer le dialogue opérationnel régulier avec les équipes

vendredi 14 octobre 2022, par Bruno Benque

La perte de sens des soignants et leur désenchantement ne sont pas une fatalité pour Mathieu Detchessahar. Lors de son intervention lors des 20èmes Journées d’études de l’AFDS, il a rappelé que c’est l’éloignement des cadres, pris dans des tâches administratives et gestionnaires répétitives et chronophages, qui en était la cause majeure. Il recommande donc de réinstaller un dialogue opérationnel régulier entre le cadre et ses équipes. Explications...

C’est à une introspection dans notre façon d’exercer nos missions de manager de Santé à laquelle nous avons été invités, le 12 octobre 2022 lors des Journées d’études de l’Association Française des irecteurs de Soins (AFDS).

L’importance du dialogue opérationnel régulier

Et c’est Mathieu Detchessahar, Professeur des Universités exerçant au Laboratoire d’Économie et de Management Nantes-Atlantique (LEMNA), à l’IAE de Nantes qui nous a, par la clarté de ses propos et la conviction qu’il a montré tout au long de son intervention, donné matière à réflexion à la fois sur la perte d’autorité des cadres sur leurs équipes et sur la perte de sens des soignants. Nous verrons d’ailleurs que les deux sont liées. Qu’est-ce qui a changé ces dernières années pour en arriver à une telle situation ? L’orateur est formel : c’est la perte du dialogue régulier entre le manager et son équipe sur le travail opérationnel qui est en cause.

Le cadre s’est éloigné progressivement de ses équipes

Il a martelé cette notion tout au long de son discours afin de nous en faire appréhender l’importance. La qualité du dialogue, tant horizontal - entre pairs - que vertical -ascendant vers la hiérarchie et descendant vers l’équipe -, s’est réduite au fil du temps, peut-être à cause, en partie, a-t-il suggéré, de la réduction du temps de travail. Mais l’origine première de cette tendance est bien, pour Mathieu Detchessahar, l’éloignement du cadre par rapport au travail opérationnel. Nous le décrivons souvent dans nos colonnes, la répétition des tâches administratives et gestionnaires est chronophage et nous éloigne de notre cœur de métier.

Une tendance à l’autogestion qui provoque de la souffrance dans les équipes

Les tableaux, les écrans, les applications, les jauges ou les indicateurs nous séparent toujours un peu plus des professionnels que l’on est sensés accompagner et motiver. Il faut également caser dans l’agenda les innombrables réunions qui, rappelle Mathieu Detchessahar, traitent de tout sauf de l’opérationnel. Cet éloignement est source de souffrance pour les équipes qui regrettent l’absence du chef. Il a fait ce constat suite à de nombreuses enquêtes de terrain, identifiant souvent une forme de travail autonome qu’il juge incohérent car il s’effectue sans contrôle, sans médiation, souvent sans autorisation et « sans espoir de pouvoir un jour transformer l’organisation ».

Les trois postures du cadre face à la complexité de sa tâche

La situation devient donc inextricable. Pour l’équipe, elle entraîne un effondrement du sens, de la reconnaissance – des ressentis largement exprimés au sein de toutes les unités de soins -, mais aussi de l’autorité du cadre. Dès lors, ce dernier a le choix entre trois postures distinctes devant la complexité de sa tâche. Celle du super-héros, qui mène de front toutes les activités administratives, gestionnaires et managériales jusqu’à épuisement ; celle du résigné, qui, selon l’orateur, est souvent un ancien super-héros et qui lâche prise car il se rend compte de l’impossibilité de la mission ; celle enfin du complice qui se complait dans la facilité que lui confère le travail administratif et gestionnaire, abandonne totalement l’opérationnel et, de ce fait, entérine l’autogestion au sein de son équipe.

Le dialogue opérationnel, un exercice qui peut être périlleux

Mathieu Detchessahar préconise donc, pour que le cadre tente de recréer le lien rompu avec ses collaborateurs, de proscrire l’autogestion et de s’attacher à renouer le dialogue opérationnel avec ces derniers de manière ouverte et régulière. Il prévient toutefois que l’exercice peut être périlleux car chronophage et source de contestation du pouvoir en place par les équipes. Il peut faire émerger également des idées d’évolution au sein de l’organisation, validées par le cadre, mais qui risquent de mettre ce dernier en difficulté vis-à-vis de sa hiérarchie en cas de désaccord.

Ce discours nous a, en tout cas, permis de mettre des mots sur des impressions ressenties au quotidien et y apporter des solutions. Une prise de recul nécessaire en fait...

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@cadredesante.com
@bbenk34.


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