lundi 1er août 2022, par
Le secteur sanitaire et médico-social est de plus en plus confronté aux problèmes d’addictions aux substances psychoactives rencontrés chez certains personnels soignants. S’il est vrai que l"environnement hospitalier est facteur de stress, de fatigue intense et d’horaires de travail atypiques, il est nécessaire de faire de la prévention en amont. L’INRS met en lumière, dans un dossier publié récemment, les processus qui pourraient permettre de prévenir de tels risques.
L’Institut National de Recherche et de Sécurité en milieu de travail (INRS) a récemment mis en lumière, sur son site internet, la prévention des risques concernant le phénomène d’addiction aux substances psychoactives lors de l’exercice professionnel en y consacrant un dossier.
Alcool, tabac, cannabis et, de plus en plus, cocaïne
Il est vrai que les pratiques addictives peuvent avoir des conséquences sur la santé et la sécurité des salariés, en plus des conséquences sur leur productivité. Certaines conditions de travail peuvent également favoriser leur survenue, comme une surcharge de travail, une fatigue aigüe, voire une accumulation de problèmes personnels. Il convient donc d’inscrire ce risque dans le document unique et d’élaborer une démarche d’identification des collaborateurs présentant certains signes avant-coureurs et de prévention collective associée à la prise en charge des cas individuels.
L’alcool, le tabac, les médicaments psychotropes et le cannabis sont les substances psychoactives les plus consommées chez les travailleurs, tous secteurs d’activité confondus. Mais la cocaïne gagne du terrain depuis que les prix de ce puissant psychostimulant a baissé. Elle est particulièrement prisée en milieu professionnel car elle procure une sensation de puissance cognitive, d’euphorie et élimine un temps la fatigue. Mais c’est lors de la descente que ses effets sont le plus dangereux car elle provoque un sentiment de tristesse, ainsi qu’une profonde irritabilité, le tout pouvant induire une dépendance psychique.
Des risques d’accident du travail multipliés par deux !
On l’a vu plus haut, les pratiques addictives ont des origines mixtes, liées à la vie privée, autant qu’à la vie professionnelle. L’INRS a observé qu’avoir un emploi peut être protecteur vis-à-vis des pratiques addictives, mais que certaines conditions de travail peuvent favoriser la consommation de substances psychoactives. Et il suffit d’absorber de telles substances à faible dose pour que celles-ci engendrent un risque pour la Santé des personnes qui y sont soumises. L’Institut relève également un risque d’accident du travail grave multiplié par 2 chez les hommes consommant au moins 4 verres d’alcool par jour, et chez les femmes consommant au moins 2 verres par jour, Ainsi, conduire sous l’emprise de l’alcool multiplie par 17,8 le risque d’être responsable d’un accident routier mortel et conduire sous l’emprise du cannabis multiplie par 1,65 le risque d’être responsable d’un accident routier mortel.Le secteur sanitaire et médico-social en première ligne
Le secteur sanitaire et médico-social en première ligne
Et le milieu sanitaire et médico-social n’est bien sûr pas épargné par cette tendance. Il est de notoriété publique aujourd’hui que les conditions de travail des personnels soignants sont des plus difficiles à supporter et les principaux intéressés ne sont pas à l’abri de pratiques psychoactoves. Déjà en 2015, une enquête intitulée “souffrances des professionnels de santé”, menée par Stéthos International, annonçait un taux de près de 50% des professionnels estimant être ou avoir été concernés par le burn-out, 14% par des conduites addictives. Parmi les 1905 professionnels de santé ayant répondu à l’enquête, nombreux sont ceux qui se trouvent désormais, ou se sont trouvés à un moment donné en situations de dépendance. Ils sont en effet 7% à être et/ou avoir été dépendants ou à fort risque de dépendance à l’alcool (environ trois fois plus d’hommes que de femmes) et 8,5% aux psychotropes/anxiolytiques. Au final, 14% sont et/ou ont été concernés par des problèmes d’addiction.
Un environnement hospitalier propice aux addictions ?
Si l’on met de côté les éventuelles causes d’ordre privé, il est évident que l’environnement hospitalier et médico-social est devenu un milieu qui, en générant fatigue, stress, manque de reconnaissance, entraîne ses acteurs vers des consommations excessives de substances apaisantes, euphorisantes, voire hallucinogènes. De même que les horaires atypiques auxquels sont soumis nombre de professionnels de santé qui, nous le savons tous, sont très perturbants pour l’horloge biologique et parfois pour l’équilibre psychologique de certains d’entre eux. Une addiction peut alors survenir, entraînant le sujet vers des consommations de produits psychoactives lorsqu’il se sent mal, lorsqu’il a besoin d’un « coup de fouet », mais également lorsqu’il se sent bien.
Dans ce contexte, l’INRS préconise l’implication de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, notamment, son Comité social et économique (CSE) ainsi que, bien sûr, le service de prévention et de santé au travail. Les mesures de prévention peuvent porter, dans ce cas de figure, la prévention des facteurs liés au travail favorisant les consommations de substances psychoactives, l’organisation des secours face à un salarié présentant un trouble du comportement ou des actions de formation, d’information des travailleurs sur les risques liés aux pratiques addictives, sur les aides possibles, ainsi que sur la réglementation en vigueur.
Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
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@bbenk34.