mercredi 10 octobre 2018, par
Le programme opTEAMisme, présenté le 2 octobre 2018 lors des « Régionales de la Santé »devrait servir d’exemple pour bon nombre d’organisations de Santé en difficulté. En agissant sur cinq thématiques fortes de promotion de la Qualité de Vie au Travail, il a permis aux soignants de retrouver une forme de bien-être au travail, mais aussi d’améliorer significativement la prise en charge de leurs patients.
À l’occasion des « Régionales de la Santé », un colloque dédié à la Qualité de Vie au Travail (QVT) et organisé le 2 octobre 2018 par Trilogie Santé, Sophie d’ASTIER de la VIGERIE et Sébastien RETIF, cadres de santé exerçant dans le secteur médico-social, ont remporté le Prix de la success story.
Un service en situation de crise majeure
Il s’agissait, pour les candidats, de présenter un programme de promotion de la santé et de la qualité de vie au travail mis en place dans un établissement de Santé. Décliné sous la forme d’ateliers et de pratiques managériales basées sur la bienveillance et le respect des professionnels, leur projet, baptisé opTEAMisme, est expérimenté depuis 2 ans au sein du Centre Hospitalier Châteaubriant-Nozay-Pouancé dans les unités du site de Tressé (Maine et Loire). Il a d’abord été mis en œuvre au sein d’une unité de 60 lits (36 identifiés Unité de Soins de Longue Durée et 24 identifiés l’EHPAD). En 2015, le service est en situation de « crise » : le taux d’absentéisme y est très élevé (33% d’absences durant l’été), les professionnels qui y exercent peinent à trouver de la motivation au travail, plusieurs d’entre eux décrivent une perte de sens et un manque de reconnaissance.
Deux cadres questionnent les pratiques soignantes et managériales
Parallèlement, le service souffre d’une image de « mouroir » et son taux d’occupation peine à dépasser les 80% depuis plusieurs années. Les résidents et leurs familles témoignent régulièrement de leur insatisfaction quant à la qualité de la prise en charge. Telle est la situation lorsque Sébastien RETIF y prend ses fonctions en sortant de sa formation à l’IFCS de Tours. Avec sa collègue, Sophie d’ASTIER de la VIGERIE, en prise de poste aussi sur une unité EHPAD du même site, ils réalisent la nécessité de questionner les pratiques, qu’elles soient soignantes ou managériales. Naît ainsi le Programme opTEAMisme, qui combine des initiatives innovantes et originales à des actions institutionnelles. Il s’appuie sur 5 grands leviers que sont Santé, bien-être, sécurité au travail : thématiques déclinées sous la forme d’ateliers, pratiques managériales pour développer la culture du gagnant/gagnant, reconnaissance de la performance au travail, préoccupation de l’environnement de travail - du bien, du beau et de l’efficient -, et enfin perspectives d’avenir afin de donner du sens à ce que l’on fait et à ce que l’on est.
Un premier travail sur le bien-être et la santé des soignants
Pour chacune de ces thématiques, Sébastien Retif, qui présentait ce travail, a donné des exemples précis d’actions qui ont été menées concrètement. Sur le thème de la Santé, bien-être, sécurité au travail, l’intervention d’un naturopathe et d’un relaxologue ont travaillé sur « prendre soin de soi quand on travaille de nuit : sommeil, alimentation, énergie psychique », « nutrition : tout ce qu’il faut savoir pour être en forme malgré des horaires décalés » ou sur « Tout savoir pour bien se ressourcer en vacances et pendant ses congés ». Par ailleurs, l’intervention d’un professeur de yoga a permis à plus de 30 agents de bénéficier de 4 séances gratuites d’initiation au yoga au sein de l’unité.
Des fiches de tâches réalisées en coopération avec le personnel
Pour les pratiques managériales, un groupe de travail a été créé afin de rédiger un manifeste et une charte du « bien travailler ensemble ». La révision complète des trames de plannings pour l’ensemble des professionnels de l’unité a été rapidement identifiée comme plus que nécessaire. Puis, à l’aide d’une démarche participative, les agents ont pu créer et actualiser des fiches des tâches cohérentes avec les besoins des résidents, aboutissant par exemple à la réalisation de soins d’hygiène par les infirmières de l’unité aux cotés des aides-soignantes.
Reconnaissance de la performance et promotion des bonnes pratiques
Concernant la reconnaissance de la performance au travail, trois maîtres-mots ont été identifiés : « valoriser, remercier et encourager ». Dans ce cadre, les managers de proximité n’hésitent pas à produire à un rapport pour augmenter de 0.5 point la note annuelle des professionnels les plus engagés. Mais c’est aussi au quotidien que le travail des équipes est valorisé et les bonnes pratiques encouragées, par des collaborations interprofessionnelles ou de la solidarité entre agents, impliquant la présence quasi-quotidienne des cadres de santé aux temps de transmissions. Sur le champ des bonnes pratiques, les agents ont eu droit ç une une sensibilisation à l’hygiène des mains sous forme d’ ateliers et de méthodes de communication innovantes, faisant participer pendant une journée des esthéticiennes pour réaliser des manucures apendant le visionnage d’un film pédagogique sur l’utilisation des solutions hydro-alcooliques, suivie d’un quiz avec des lots à gagner.
L’importance de l’environnement de travail
Les deux managers se sont appuyés, d’autre part, sur les services économiques du Centre Hospitalier pour traiter de l’environnement de travail. Il s’agissait ici de faire en sorte que les choix de matériels ou d’aménagements architecturaux correspondent à trois critères : « bien, beau et surtout efficient ». Après une période prospective, des budgets ont été dégagés, suite à l’envoi de plusieurs rapports argumentés, pour renouveler le mobilier hôtelier, rénover les chambres les plus vétustes et acquérir de nouveaux matériels professionnels. Dans cette même dynamique, ce sont les agents qui ont revu conjointement l’organisation de l’unique salle de repos du service. Depuis, un groupe de travail « environnement de travail » est en train de voir le jour.
Accompagner la montée en compétences et solutionner les problématiques de façon collégiale
Prévue dans le plan institutionnel, la formation à la philosophie de soin HUMANITUDE est effective pour tous les agents de l’unité en 2015. Cette formation permet aux professionnels de partager une culture professionnelle commune à l’égard de la personne vieillissante. Parallèlement, les cadres de proximité accompagnent les agents qui le souhaitent vers de nouveaux projets, à l’hôpital ou dans un autre environnement professionnel. Nait également le concept d’« Ateliers d’équipe », destiné à illustrer le fait que l’on va produire quelque chose ensemble. Il a fait l’objet de temps de formation interne pour accompagner la montée en compétences des agents, ou de temps de réunion pour solutionner ensemble des problématiques spécifiques et émergentes.
Activer le réseau territorial pour financer le projet
Pour financer le programme opTEAMisme, qui relève en partie d’actions d’accompagnement au changement, de management de proximité, le financement institutionnel, destiné aux formations ou aux investissements annuels du Centre Hospitalier n’a pas été d’un grand secours. Quelques actions nécessitent en effet un budget spécifique notamment lorsqu’il s’agit de faire intervenir des professionnels au sein de l’unité. Les deux managers ont alors repéré des ressources internes (un professeur d’art martiaux chez les agents de sécurité, une compétence spécifique chez une aide-soignante) et ont utilisé leur réseau sur le territoire (un jeune professionnel qui s’installe, un supermarché pour des lots à remettre dans le cadre du quiz) pour obtenir quelques moyens. Enfin,pour financer les ateliers nécessitant un budget spécifique comme les séances de yoga, par exemple, il a été fait appel à des organismes promoteurs de santé, au premier rang desquels la MNH.
Des améliorations à tous les niveaux sans augmenter les effectifs
Ce programme a permis, au bout de quelque temps, de diminuer le taux d’absentéisme (5 à 8% en 2018), une meilleure attractivité du secteur, ainsi que l’augmentation de l’implication des agents dans la dynamique de changement, ou de leur capacité à questionner leurs pratiques et à intégrer la dimension éthique notamment. Ils se sont également réapproprié la notion de sens au travail et de la notion d’équipe. Les résidents, quant à eux, ont diminué leur consommation de neuroleptiques, les prescriptions de contention physique, et ont amélioré leurs relations avec les soignants à travers une meilleure qualité des échanges.
Alors que le nombre d’ETP est resté constant, le Programme opTEAMisme a permis, dans cette unité, d’actionner un certain nombre de leviers pour permettre l’émergence d’une meilleure qualité de vie au travail des personnels et, de manière concomitante, de l’amélioration de la qualité des soins. Les résultats obtenus ne peuvent cependant pas masquer les carences financières dont souffre le secteur médico-social, auxquelles l’unité n’échappe pas.
Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
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