Objectiver le vécu d’une charge en soins tout en créant une expérience pédagogique (PART.1)

Pour évaluer avec le plus de cohérence possible les besoins en personnels paramédicaux dans un service de soins, il est nécessaire de définir clairement la charge en soins que nécessite l’ensemble des patients de cette unité. Cécile Kanitzer et Hélène Montaigne nous font part de la méthodologie qu’elles ont élaborée et utilisée à l’Institut de Cancérologie de l’Ouest. Dans ce premier article, elles décrivent leur méthode et expliquent comment elles déterminent un temps soignant prévisionnel par patient. Dans un second volet, elles appliqueront cette méthode à la réalité de terrain et aux évolutions de la charge en soins.

Force est de constater que la « lourdeur des patients » est une expression récurrente parmi les paramédicaux exerçant dans les institutions. Qui plus est, dans le contexte de crise sanitaire sans précédent en 2020, où les repères professionnels, citoyens et personnels ont été totalement bousculés, le sentiment de pénibilité au travail est sans doute estimé plus intensément par les soignants.

À l’Institut de Cancérologie de l’Ouest (ICO), des évolutions capacitaires et organisationnelles ont modifié les charges en soins au sein de l’unité ambulatoire d’oncologie médicale d’un des sites. Aussi, en mobilisant une démarche participative, une évaluation méthodique de charge en soins a été initiée par la direction des soins. L’idée était simple : plutôt que d’ajouter dans la précipitation des ressources complémentaires demandées par les équipes, essayons de comprendre la situation sur la base de données objectives.

L’opportunité d’arrêt transitoire d’une formation IFCS a permis la disponibilité d’un cadre de santé pour saisir les données requises et contribuer tant à l’analyse qu’à la mise en forme de l’évaluation. Ceci a ouvert la possibilité d’une expérience pédagogique. Tous les acteurs de cette démarche ont appris quelque-chose : le cadre de santé en formation, les élus, les médecins et les paramédicaux.

Créer prioritairement une méthode

Au sein de l’ICO, les solutions logicielles existantes dont le DPI, n’intègrent pas d’indicateurs de charge en soins paramédicale. Aussi, il a été nécessaire de concevoir une méthode répondant aux quatre souhaits suivants :

  • Réalisable dans un délai raisonnable. Le calendrier prévisionnel a été de 3 mois.
  • Simple et possible à partir de requêtes dans le DPI.
  • Reproductible.
  • Compréhensible par tous les professionnels impactés, des ASH aux médecins. La méthode a été présentée lors d’une première réunion du groupe de travail associant les pilotes (directeur des soins et cadre de santé), le médecin de l’unité et les élus représentants les métiers aide-soignant et IDE. Cette méthode est une complémentarité d’indicateurs quantifiés et qualitatifs de l’activité d’oncologie médicale au sein de l’unité ambulatoire.

Préciser le temps soignant prévisionnel par patient

D’emblée, le temps aide-soignant a malheureusement dû être écarté d’une approche arithmétique. En effet, au sein de cette unité, un « forfait » d’aide-soignant par jour est staffé au planning alors même qu’aucun soins aide-soignant n’est tracé dans le DPI.

Le groupe de travail a admis que des soins étaient réalisés par des AS ou des ASH, qu’aucun doute n’était émis sur la pertinence de ces deux compétences dans l’équipe pluri-professionnelle quotidienne, mais qu’avec regret, rien ne permettait de justifier la volumétrie ou le positionnement dans le déroulé de la journée. Il a ainsi été convenu que l’évaluation devrait permettre de créer une traçabilité des actes des ASH et aide-soignant pour disposer de données, à l’avenir, d’objectivation des soins réalisés par ces métiers.

En ce qui concerne les IDE, la définition de l’effectif requis est depuis plusieurs années calculée en mobilisant un « ratio » par nombre de patients prévisionnels : un IDE pour 8 patients. Il en résulte le raisonnement suivant :
Nombre de places X taux de rotation = nombre de patients par jour / nombre de patients par IDE = nombre d’IDE par jour.

Ainsi par exemple, pour 31 places ambulatoires, et un taux de rotation de 2.18, le nombre de patients par jour attendu est de 67 (67,58), divisé par un ratio à 8 par IDE, il est nécessaire de positionner 8 (8,44) IDE par jour. Afin de prendre en compte une première expression de charge en soins, il a été décidé de modifier le ratio à 7 patients par IDE. Ainsi, le nombre d’IDE par jour a pu être augmenté.

La 2ème étape du raisonnement consiste à préciser le temps soignant disponible par patient. S’il est prévu, par exemple, 9 IDE par jour, chaque IDE aura en charge de 67/9 = 7,4 patients durant son poste de travail. Au sein de l’ICO, un poste de travail est d’une durée de 7h39, soit 459 minutes. Il en résulte que le temps soignant par patient est de 459 / 7.4 = 62 minutes dans notre exemple. Chaque patient bénéficie de 1h02 de temps IDE durant son temps de présence dans l’unité ambulatoire.

Comprendre le contenu du temps soignant

L’approche arithmétique ne suffit pas à la compréhension du soin paramédical. Dans notre exemple, la patient bénéficie a priori d’une heure de soins durant son temps de présence dans l’unité. Ce temps se décompose en soins directs - dits « soins au lit » - et en soins indirects (temps de transmissions, d’organisations, de coordinations, de préparations, etc).

En l’absence d’indicateurs intégrés dans le DPI ou, le cas échéant, de fiches techniques par soin précisant les temps requis directs et indirects, il est complexe d’évaluer le contenu du soin sans une observation mécanique : « j’observe et je chronomètre ». La méthode qui a été choisie est davantage statistique, mobilisant le comptage de soins emblématiques par métier en leur attribuant un temps moyen observé. L’évaluation des soins emblématiques, ainsi que l’analyse de leurs réalisations, permettent d’objectiver le cœur du soin paramédical.

L’objectif visé par la direction des soins est d’établir le curseur d’une proportion de soins directs qui définirait la qualité des soins souhaitée par les équipes paramédicales. Par exemple, si le curseur était fixé à 50% de soins directs, le temps de soins au patient de l’unité serait de 30 minutes « au lit » durant lesquels seraient dispensés la prescription médicale ainsi que les actes directs relevant du « rôle propre ». En outre, ces données mobilisées comme indicateurs des organisations soignantes ouvriraient l’analyse des débordements d’horaires de travail.

Les soins choisis par les soignants pour réaliser l’évaluation ont été les suivants :

  • Pour l’IDE, pose d’aiguille sur site, accueil du patient (installation, macrocible d’entrée), pose/changement de perfusions y compris identito-vigilance, surveillance et mesure de prévention ;
  • Pour l’AS, toucher-massage, change d’incontinence, aide au repas ;
  • Pour l’ASH, réfection de la chambre. Pour chacun de ces soins, une description précise a été réalisée par les soignants, qui se sont référés pour ce faire aux protocoles appliqués dans l’établissement.

À suivre...

Cécile Kanitzer, Directeur des soins
Hélène Montaigne, Cadre de santé
Institut de cancérologie de l’Ouest


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