Nous sommes tous sujets à l’endofavoritisme...

vendredi 13 septembre 2013, par Bruno Benque

Étudier les relations interpersonnelles et comprendre pourquoi les acteurs des organisations favorisent les membres de leur groupe au détriment des autres, telle était la démarche d’Isabelle Grandhay lorsqu’elle a entrepris la conception de son mémoire IFCS. Nous avons rencontré celle qui a reçu le trophée CEFIEC du meilleur travail de fin d’étude 2013 pour l’interroger sur la genèse de ce document.

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A l’occasion des dernières journées nationales du CEFIEC, qui se sont déroulées du 22 au 24 mai 2013, Isabelle Grandhay a reçu le trophée du meilleur travail de fin d’études dans la catégorie « Cadre de santé ».

Comment appréhender les relations intergroupes

Ce mémoire, intitulé « Relation cadre de santé - médecin dans le travail. Approche par la catégorisation sociale et les représentations sociales », met en exergue la propension de chacun, majoritairement mise en évidence, à favoriser les membres de son groupe d’appartenance au détriment des acteurs de groupes différents.
L’idée de traiter ce sujet lui est venue suite à une observation quotidienne des relations interpersonnelles sur le terrain. « J’ai remarqué que des rapports de force, pouvant être assimilées à des guerres de clochers, se faisaient jour lors d’un dysfonctionnement de l’organisation ou d’un conflit lié aux missions des uns et des autres, précise Isabelle Grandhay. Je trouvais d’ailleurs que la collaboration avec les médecins pouvait se révéler parfois très difficile, voire impossible selon le tempérament de certains, et je me disais que ça représenterait une contrainte majeure pour le métier de cadre auquel je me destinais. Il fallait que je découvre si tous les médecins agissaient de la même façon, ou si c’était ma perception des choses, puisque j’étais moi-même membre d’un groupe différent. »

Une rédaction argumentée au service d’une méthodologie approfondie

En termes méthodologiques, ce mémoire fait appel à des outils de recherche que l’on n’a pas l’habitude de voir dans ce type de document. Car en plus des instruments d’analyse d’enquêtes couramment enseignés dans les IFCS, Isabelle a utilisé des outils statistiques originaux, comme le Carré de Verges, qui l’ont sans aucun doute contrainte à une charge de travail supplémentaire. « Ces outils m’ont été imposés par ma directrice de mémoire, sociologue reconnue ayant publié plusieurs ouvrages traitant de la catégorisation sociale, poursuit Isabelle Grandhay. J’ajoute qu’elle a douté un instant de me voir terminer ce travail à temps à cause de cette exigence. »

Ce mémoire s’avère un document très riche en informations, intéressant à parcourir, et ne comportant pas de redondance dans la centaine de pages qu’il comporte. Il confirme son idée première sur les relations intergroupes, dans le fait que les acteurs font preuve « d’endofavoritisme » et « d’exodéfavoritisme », bien que son enquête montre que médecins et cadres de santé évaluent favorablement avec réciprocité leur relation de travail. Le texte précise également que « favoritisme et discrimination sont des effets que l’on pourrait appeler »naturels« de la catégorisation ». Isabelle Grandhay conclut, d’autre part, que la représentation sociale des cadres de santé ne semble pas très construite. Il aurait été toutefois intéressant qu’elle élargisse le champ de l’enquête à d’autres établissements que celui dans lequel elle évolue, afin de la mettre à l’épreuve dans d’environnements différents.

Un sujet adaptable hors du champ cadre - médecin

Isabelle Grandhay est désormais retournée au CHI de Haute-Saône, où elle évoluait avant son année d’IFCS. Elle exerce des missions de cadre de santé transversales au sein de l’Équipe Hôtelière de cet établissement. Ce poste lui a été imposé à son retour, et on pourrait croire qu’il n’est pas franchement adapté pour mettre en pratique les conclusions de son mémoire. « En fait, on peut très bien vérifier mes observations dans le rôle qui m’a été confié, conclut-elle. J’ai en charge le management d’une équipe de 68 ASHQ qui évolue au contact de différents groupes, en hygiène, logistique, services de soins et médico-techniques, et les conclusions de mon travail de fin d’étude sont tout à fait adaptables aux acteurs que je rencontre. Quels personnels, plus que les ASH, dans un hôpital, sont susceptibles d’être soumis aux effets de la catégorisation sociale ?... »

Bruno BENQUE
Rédacteur en chef adjoint www.cadredesante.com
bruno.benque@cadredesante.com

Lire le mémoire d’Isabelle Grandhay (format PDF)


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