L’innovation managériale hospitalière sera collective ou ne sera pas

lundi 15 mars 2021, par Bruno Benque

Le style de gouvernance qu’adoptent les hôpitaux aujourd’hui est l’un des facteurs de leur attractivité pour les personnels soignants. À l’occasion d’une session Santexpo Live 2021, cette thématique a été développée. Les orateurs ont identifié les mêmes attentes des soignants envers l’institution, notamment une participation active aux décisions managériales. Les initiatives d’innovation managériale sont nombreuses désormais, même si un doute persiste sur la capacité des médecins à y participer avec pertinence. Mais les trois orateurs de cette session sont optimistes...

Lorsque l’on évoque l’attractivité des métiers de l’hôpital, on aborde obligatoirement, à un moment ou à un autre, les différents styles de management qui y sont pratiqués. Et c’est justement sur le thème de l’attractivité et du management que le Pr Philippe Colombat, Président de l’Observatoire Qualité de vie au travail des professionnels de Santé, François Crémieux, Directeur Général adjoint de l’AP-HP, et Matthieu Girier, DRH du CHU de Bordeaux et Président de l’Association pour le Développement des Ressources Humaines dans les Etablissements Sanitaires et Sociaux (ADRHESS), ont participé à une session de Santexpo Live le 10 mars 2021.

Des attentes identiques depuis trente ans

Comment faire pour redonner de l’attractivité aux métiers hospitaliers dans un contexte de crise larvée depuis plusieurs années ? Quels déterminants doit-on mettre en exergue pour que nos hôpitaux redeviennent des hôpitaux magnétiques, comme on les appelle outre-Atlantique ? Pour Philippe Colombat, la motivation interne, illustrée par le plaisir au travail ou les relations avec la hiérarchie directe, compte autant pour les soignants que les motivations externes dont la plus significative est la rémunération. Il remarque que les déterminants sur ce thème sont les mêmes depuis trente ans, ce que confirme François Crémieux. Selon lui en effet, les attentes des agents hospitaliers n’ont pas changé d’une génération à l’autre, c’est plutôt la société et l’environnement général qui a évolué. Le rapport à l’entreprise n’est plus le même, le concept de l’hôpital, énorme institution à l’image sclérosée, ne fait plus rêver les nouveaux professionnels souvent attirés par le modèle start-up.

Une participation collective aux décisions organisationnelles

Matthieu Girier observe néanmoins que l’innovation managériale avance. Il en veut pour preuve les initiatives de terrain présentées lors d’un colloque organisé par l’ADRHESS en juin 2019 et à partir desquelles il a pu tirer quelques tendances en faveur d’une participation plus active des agents aux décisions organisationnelles et d’un développement plus large du collectif managérial à l’échelle du service de soins, tant en France qu’au Québec ou en Belgique. Il ajoute que ces nouveaux modes de pilotage agissent à la fois sur la macro-organisation - rôles de chacun dans le collectif, interdépendance et communication, etc. - et sur la micro-organisation - ajustements apportés sur des irritants individuels au quotidien -. Ces propos sont approuvés par le Pr Colombat, bien connu pour ses expérimentations de management participatif, notamment par la mise en place d’espaces d’échanges au sin des unités hospitalières depuis les années 1990.

La question de la gouvernance médico-centrée

Mais il a pu, depuis, identifier quelques freins à cette évolution, notamment l’importante charge de travail à laquelle les agents sont soumis ou le manque de motivation, de volonté, ou défaut de formation de certains managers. Sur le champ du management médical, les freins sont d’autre part plus nombreux. Alors que la tendance, comme le montre le Rapport de la Mission Claris, est à la promotion d’une gouvernance hospitalière médico-centrée, François Crémieux semble dubitatif quant à sa mise en œuvre globale. Pour lui en effet, les jeunes médecins n’ont pas pour projet, lorsqu’ils sont concentrés durant sept ans et plus sur les compétences médicales à acquérir, de se positionner sur des rôles de managers. Et ils sont encore plus étonnés lorsqu’on leur parle de management participatif. Et même s’il existe des exceptions, le système ne semble pas armé pour identifier, sur le terrain, des profils qui pourraient faire le job ou se former à nouveau pour ce type de poste.

Des capacités d’adaptation prouvées au début de la pandémie de COVID-19

Ce que ne contredit par le Pr Colombat qui doute de la capacité des PU-PH, au profil souvent très élitiste, à embrasser la mission de manager. Il verrait plutôt le profil des PH mieux convenir à cette fonction. Mais il met en garde également de ne pas trop « médico-centrer » la gouvernance hospitalière, misant pour un triptique médical, soignant et administratif. Reste que les mentalités changent et que la participation de tous ceux qui le souhaitent au pilotage des organisations de Santé est possible. Matthieu en veut pour preuve la capacité d’adaptation dont tous les soignants ont fait preuve en quelques jours au début de la pandémie de COVID-19. Le travail collectif est intuitif, a-t-il ajouté, et il ne faut pas que l’institution soit responsable, à terme, de la détérioration de cette intuition soignante.

Mais l’optimisme est de rigueur aujourd’hui, les trois orateurs en conviennent...

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@cadredesante.com
@bbenk34


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