mardi 26 septembre 2023, par
Les cadres de pôles croulent sous la charge de travail, obligés de prendre à leur compte des missions réservées aux cadres de santé. C’est le constat que fait Paul Mekann Bouv-Hez à partir du travail de recherche qui lui a servi à valider sa thèse élaborée pour son Doctorat en Gestion et Management. Il appelle les directions d’hôpitaux à plus de clairvoyance dans la répartition des tâches des managers de Santé.
- Dr Paul Mekann Bouv-Hez
« Je n’ai pas quatre bras » est l’expression que j’ai retrouvée le plus souvent auprès beaucoup de cadres de pôles que j’ai interrogés dans le cadre de mon travail de recherche en vue du doctorat en management.
Une enquête qui met en lumière la surcharge de travail confiée aux cadres de pôles
Il en ressort que les cadres de pôles sont débordés de travail et cette situation devrait perdurer. La cause à ce problème est l’utilisation abusive des cadres de pôles pour des tâches de niveau de l’encadrement supérieur et de proximité. Les cadres de pôle se plaignaient du manque d’équité dans la définition de leur périmètre d’action, car ils sont à la fois cadre de pôle avec des prérogatives élargies et cadre de proximité sur l’établissement. Ils sont obligés d’être partout et les directions d’hôpitaux ne semblent pas prendre ce problème au sérieux.
Il est temps que les directeurs d’établissements recrutent suffisamment des cadres de proximité au lieu de mettre les cadres de pôles sur ces missions qui alourdissent leur charge de travail. La situation devient de plus en plus difficile et il est question, de plus, d’adapter les personnels d’encadrement de pôle aux besoins de chaque pôle et service.
Un constat issu d’un travail de terrain
La méthodologie utilisée dans le cadre de ma recherche, regroupant les entretiens semi-directifs, le questionnaire prospectif et le focus groupe, m’a permis de dégager les observations suivantes :
- Les cadres de pôles ne devaient plus s’occuper des missions de proximité, leur domaine d’action étant suffisamment chargé ;
- Il est nécessaire de répartir équitablement les périmètres d’action. Par exemple, au niveau des GHT, il a été constaté que les petits territoires apparaissent plus faciles à gérer que des grands territoires. Il est difficile d’imaginer un cadre de pôle, positionné sur un territoire comme celui de la Gironde en Nouvelle Aquitaine, qui s’occuperait seul de grands services d’urgences. Le temps et la distance poseront forcément d’énormes difficultés qu’il faudra prendre en compte ;
- Les filières de soins sont assez chronophages à gérer. Le cadre de pôle doit être dans le parcours intra et extra hôpital. La gériatrie en est un exemple, puisqu’en intra, c’est à dire à l’hôpital, et en extra, sur le territoire, le cadre de pôle doit prendre en charge, entre autres, les missions de prévention des chutes et de l’alimentation, s’occuper des filières de diabétologie ou de cardiologie, ou gérer des équipes mobiles qui prennent en charge des personnes âgées en EHPAD ;
- Le cadre de pôle devra assurer la gestion des stagiaires et avoir des responsabilités dans le domaine de la formation au sein de son pôle, voire de l’hôpital tout entier, ce qui implique de pouvoir déléguer ses responsabilités à l’intérieur de son pôle.
Je dirais pour finir que l’hôpital connait aujourd’hui une tension considérable de recrutement de son personnel opérationnel et d’encadrement. Pour faire face à cette problématique de surcharge de travail, il faudrait que les directions des hôpitaux fassent preuve de clairvoyance en libérant les cadres de pôle de certaines obligations, et surtout en assurant une répartition équitable de leurs missions. « Les cadres de pôle ne peuvent pas être au four et au moulin ».
Paul Mekann Bouv-Hez
Docteur en Gestion et Management
paul.mekann-bouv-hez@orange.fr