Interprétariat à l’hôpital : un parcours semé d’embuches

mercredi 21 novembre 2018, par André Roche

La prise en charge des personnes étrangères dans les établissements de Santé relève d’une problématique multifactorielle. Les tutelles proposent des solutions et des associations sont très actives sur ce champ. Mais les hôpitaux n’ont pas toujours la possibilité de fournir un service d’interprétariat aux populations non francophones qui fréquentent leurs services de soins.

En France, il y a environ 7 millions de personnes étrangères, sans compter les quelques 70 millions de touristes qui visitent l’Hexagone chaque année. Devant le nombre important de patients étrangers, et non francophones, s’arrêtant dans les services de soins, rares sont les soignants entièrement satisfaits de la communication établie avec eux.

Une problématique multifactorielle

Il est vrai qu’en intervenant au chevet d’un malade qui souffre, les difficultés sont nombreuses. Et pas seulement d’ordre linguistique. Les questionnements renvoient à des modèles de représentations du monde, de l’organisation d’un hôpital, de la mixité hommes-femmes, du rapport à la nudité, à la sexualité, à la famille, à la nourriture.
Il est évident qu’un soigné qui ne comprend pas ce que nous lui disons ne peut pas participer aux soins. Par conséquent, Il est difficile d’obtenir son consentement éclairé.
Le plus fréquemment, de nombreux patients viennent avec leur famille ou des amis pour faire la traduction. Que penser alors du respect du secret médical ? N’y-a-t-il pas un risque de passer à côté de quelque chose de délicat ? Cependant, le patient a droit à l’intimité et à la confidentialité, et aussi le droit de comprendre ce qui lui arrive. Le respect de ces droits se pose également avec l’intervention d’interprètes non-professionnels.

Les solutions proposées par les tutelles

Deux textes encadrent l’interprétariat en France : La charte de l’interprétariat médical et social professionnel du 14 novembre 2012 et la norme internationale ISO 13611 : 2014 de décembre 2014. La Haute Autorité de Santé définit l’interprétariat comme la fonction d’interface assurée entre des patients/usagers et des professionnels intervenant dans leur parcours de santé et ne parlant pas une même langue, par des techniques de traduction. L’interprétariat linguistique dans le domaine de la santé garantit, d’une part, aux patients/usagers les moyens de communication leur permettant de bénéficier d’un égal accès aux droits, à la prévention et aux soins de manière autonome et, d’autre part, aux professionnels les moyens d’assurer une prise en charge respectueuse du droit à l’information, du consentement libre et éclairé du patient et du secret médical.

De nombreuses associations actives sur le champ de l’interprétariat

Dans la majorité des hôpitaux, les agents peuvent avoir recours aux personnels ressources, c’est-à-dire aux professionnels de santé qui parlent une autre langue. Un listing existe. Mais ils doivent tout de même être présents et disponibles, ce qui n’est pas toujours le cas. L’Assistance-Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) a également mis à disposition de son personnel un kit de communication afin d’améliorer la prise en charge des personnes ayant des difficultés d’expression et/ou de compréhension. Le téléphone, le recours à un tiers non formé à l’interprétariat ou à une langue tierce, l’utilisation de pictogrammes et les sites de traductions en ligne sont d’autres moyens utilisés dans l’interprétariat. Aucun ne donne entière satisfaction. L’HAS en pointe les inconvénients.

Plusieurs associations proposent des services d’interprétariat professionnel comme Adate à Grenoble ; Aptira (association pour la promotion et l’intégration dans la région d’Angers) à Angers ; Asamla (association santé migrants Loire-Atlantique) à Nantes ; COFRIMI (Conseil et formation sur les relations interculturelles et les migrations) à Toulouse ; ISM Corum (Inter Services Migrants Corum) à Lyon ; ISM Interprétariat à Paris ; Mana à Bordeaux ; MSA (migrations Santé Alsace) à Strasbourg ; Réseau Louis Guilloux (anciennement dénommé « RVH35 ») à Rennes. D’autres associations sont également citées dans le guide du COMEDE sur les soins et l’accompagnement des migrants/étrangers en situation précaire. Tous ces services sont payants.

Un service pas toujours possible à mettre en place dans les hôpitaux

Afin de respecter les droits des patients, de les accueillir de manière bienveillante dans chaque établissement, de connaitre leurs souhaits et consentements, le lieu d’accueil doit s’organiser et mettre en place une procédure pour prendre en charge les patients non francophones et former leur personnel maitrisant une langue étrangère à l’interprétariat. Les établissements pourraient se rapprocher d’organismes professionnels et conventionner leur intervention au sein de leurs services. Malheureusement, compte tenu des difficultés financières des établissements de santé, il est difficile pour les directions de dégager une ligne budgétaire pour adhérer à une association. Les patients, de leur côté, n’en ont pas toujours connaissance.

Le potentiel d’amélioration est donc fort sur ce sujet. La qualité de la prise en charge du patient, ainsi qu’une meilleure relation avec l’usager passent aussi par de bonnes pratiques dans l’interprétariat linguistique dans le domaine de la santé.

André Roche
Cadre de santé formateur
IFSI Hôpital du Gier, St-Chamond (42)
Master 2 Management des organisation de Santé
a.roche@hopitaldugier.fr


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