Développement durable et décarbonation, préoccupations majeures des ingénieurs hospitaliers

jeudi 20 avril 2023, par Bruno Benque

Les Journées d’études de l’ingénierie hospitalière sont annoncées du 14 au 16 juin 2023 au Palais des congrès de la Porte Maillot, Paris XVIIème. Comme nous le faisons depuis quelques années, nous avons rencontré le Président de l’Association IHF qui regroupe les ingénieurs hospitaliers de France, pour un tour d’horizon des sujets principaux qui seront traités lors de cet événement qui, cette année, sera européen.

Cadredesante.com : Lors de notre dernière entrevue, vous formuliez de grands espoirs sur la reprise des activités associatives de l’IHF, notamment sur la première session des Journées de formation de l’ingénierie hospitalière en présentiel. Quelles impressions en avez-vous tiré ?

Bruno Cazabat : Ces Journées 2022 ont bien évidemment été très apprécié par les participants, mais également par nous-mêmes, organisateurs, à la fois sur le contenu et sur le plaisir de se retrouver enfin pour échanger et mutualiser nos pratiques. Le plaisir sera certainement décuplé cette année, puisque, en parallèle à nos journées IHF, nous organisons la 10ème European Conference on Health ingeneering, au Palsi des congrès de la Porte Maillot, Paris XVIIème.

Nous avons choisi Paris car cela s’avère plus pratique pour les participants qui viendront de toutes les villes d’Europe, la moitié des personnes inscrites cette année venant d’Espagne, d’Italie, de Belgique, de Suisse, d’Allemagne et de Finlande notamment. Ils apporteront leur vision sur des thématiques qui leur sont propres, mais qui, finalement, ne sont pas très différentes de celles que nous rencontrons au quotidien. On y parlera français ou anglais mais toutes les interventions seront traduites, en français et en anglais selon les besoins de chacun.

CDS.com : On imagine donc que le Comité scientifique de cet événement est international. Comment avez-vous géré cette spécificité ?

B.C. : Nous avons, en fait, élaboré le programme avec la Présidente du Groupe Europe de l’International Federation of Health Ingeneering (IFHE EU), l’italienne Daniela Perdini, qui nous a aidé à la sélection des interventions ainsi qu’à l’organisation de ces journées et qui fera d’ailleurs une intervention le 14 juin. Le champ d’étude est similaire partout en Europe car les préoccupations des ingénieurs hospitaliers sont proches, notamment sur les grands sujets que sont le développement durable et la décarbonation. Plusieurs présentations auront ainsi pour thèmes les outils techniques liés au froid et à la chaleur, à la géothermie, mais aussi des solutions administratives comme les contrats de performance énergétique avec des prestataires qui s’engagent à améliorer l’optimisation énergétique de l’hôpital et à participer à réduire les consommations.

CDS.com : Les problématiques étant visiblement semblables au niveau continental, existe-t-il des coopérations européennes trouver et mettre en place des solutions pérennes ?

B.C. : Non, il n’ay a pas de coopérations institutionnelles. Les coopérations européennes sont plutôt informelles, par le biais de personnes ou d’associations, avec par exemple des visites d’hôpitaux. Les sujets traités lors des Journées 2023 auront ainsi un dénominateur commun européen, le développement durable et la décarbonation, à différents niveaux. La base, structurelle, touche à la régulation des consommations en énergie principalement. Mais ce sujet est analysé en termes de responsabilité sociétale des entreprises, l’exemple le plus frappant étant le grand projet de construction de l’hôpital Paris Nord, qui sera écologique et fortement végétalisé. Ceci est un axe fort des constructions hospitalières futures car la nature aide aussi aux soins des patients. Autre thème qui sera traité lors de ces journées, la transformation des bâtiments existants, soit en tant qu’hôpital, soit pour donner une deuxième vie aux hôpitaux, comme c’est le cas pour l’Hôtel-Dieu de Lyon hôtel, ou plus anciennement celui de Marseille, qui sont devenus des hôtels de luxe.

Pour rester dans la conception des locaux hospitaliers, j’ajoute que la pandémie de COVID-19 nous a rajouté une contrainte de flexibilité des locaux, de diversification des flux pour le risque infectieux en prévision d’une nouvelle épidémie. Plusieurs exposés seront d’ailleurs proposés en matière d’adaptation de l’hôpital au risque épidémique avec une agilité prévue sur la reconfiguration des locaux en cas de besoin.

CDS.com : Les activités numériques et la production de datas augmentent considérablement à l’hôpital, ce qui augmente la consommation d’énergie ainsi que les gaz à effet de serre pour son fonctionnement. Les ingénieurs hospitaliers sont-ils impliqués dans cette problématique ?

B.C. : Le numérique est en effet un gros consommateur d’énergie mais ceci est difficile à gérer pour nous car les data-centers sont souvent externalisés. Mais une réflexion eest n cours aujourd’hui pour réutiliser la chaleur des serveurs informatiques à des fins de chauffage des locaux. À l’inverse, certains établissements utilisent des outils de stockage de froid, produit la nuit car moins coûteux, et restitué durant la journée pour la climatisation par exemple. Une expérience de ce type sera d’ailleurs présentée sur ce thème qui engendre à la fois performance écologique et économique.

Le numérique sera bien évidemment présent avec des interventions sur les bâtiments médico-techniques, les dispositifs AIoT ou les applications de plus en plus pertinentes et ciblées de comptage de l’énergie et de gestion de ces données qui permettent de détecter les anomalies dans chaque unité et d’agir en conséquence pour y remédier.

CDS.com : La session 2022 de vos Journées faisait une place à la participation des usagers dans la conception des locaux hospitaliers. Des actions de ce type ont-elles été initiées depuis ?

B.C. : La participation des usagers à la conception des locaux fera l’objet de deux retours d’expériences cette année, et selon deux approches. L’une venant de Brest, qui décrira la rénovation d’un EHPAD devanant un projet urbain, avec la participation des usagers, des personnels et des collectivités pour en faire un lieu de vie adapté, l’autre émanant d’une doctorante sociologue sur l’hospitalité et l’accueil des patients. Cela nous changera des présentations techniques et nous ouvrira l’esprit sur nos pratiques grâce à une perception différente.

CDS.com : Pour finir, évoquons la guerre en Ukraine. A-t-elle un impact sur l’activité des ingénieurs hospitaliers au quotidien ?

B.C. : Cette guerre a en effet des incidences sur notre activité, et ce dans deux domaines distincts. Premièrement, en termes de sécurité, car nous devons prévoir le risque d’attentats, notamment d’actions NRBC. Mais c’est en termes économiques que l’impact est le plus grand. Sur le prix de l’énergie tout d’abord, qui quelquefois multiplié par quatre dans les hôpitaux, et sur le prix des matériaux et de leur approvisionnement ensuite, que l’on prend de plein fouet aujourd’hui. Par exemple, le délai d’acheminement d’un routeur dépasse une année !

Pour conclure, je dirais que l’on est toujours impactés, dans notre quotidien d’ingénieur hospitalier, par la complexité des hôpitaux et à la plus grande agilité à laquelle les bâtiments doivent s’adapter. Cette complexité apparaîtra clairement tout au long de nos Journées de formation 2023.

Propos recueillis par Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@gpsante.fr
@bbenk34.


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