vendredi 13 décembre 2019, par
Dans cette période tourmentée pour les hôpitaux, où tout le monde se demande quelle méthode adopter pour améliorer la qualité des soins en même temps que le moral des soignants, Laurent Mériade, Enseignant chercheur en sciences de gestion à l’Université de Clermont Auvergne, a évoqué, dans un précédent article, les soins intégrés, individuels. Il évoque ici les soins intégrés collectifs, avec certains exemples à l’étranger, et nous explique pourquoi ces méthodes sont difficilement applicables en France.
Les soins intégrés collectifs
Le modèle de soins de longue durée (MCP) est le modèle de soins intégrés collectifs le plus connu. Appliqué sous diverses formes, le MCP a été mis au point en 1998 par un groupe de chercheurs du MacColl Center for Health Care Innovation aux États-Unis, notamment pour la prise en charge de personnes atteintes de maladies chroniques. Le MCP suggère de passer d’une approche aiguë et épisodique des soins à une approche plus globale qui englobe les soins longitudinaux et préventifs (notamment éducation à la santé, prévention, soins de réadaptation et palliatifs).
Le KP est un système virtuellement intégré composé de trois entités interdépendantes :
- un plan de santé à but non lucratif qui supporte les risques d’assurance (Kaiser Foundation Health Plan) ;
- des groupes médicaux autonomes à but lucratif de médecins (Permanente Medical Groups) ;
- un système hospitalier sans but lucratif (Kaiser Foundation Hospitals).
Les Groupes Médicaux autonomes (équivalents aux cliniques privées françaises) et les Hôpitaux de la Fondation Kaiser (proches du modèle des hôpitaux publics) se partagent un budget global au niveau régional, ce qui les oblige à se coordonner en matière d’offre de soins. Dans le modèle du KP, la patientèle reçoit des services d’éducation à la santé et de prévention ainsi qu’un accès en ligne ou téléphonique pour autogérer ses soins (fixer et annuler des rendez-vous médicaux avec des professionnels affiliés, visualiser la plupart des résultats de laboratoire, gérer sa couverture maladie et ses coûts). Toutes les entités du KP sont mutuellement responsables des résultats et de l’expérience positive d’un patient. Par exemple, un épisode d’hospitalisation ou de réadmission de courte durée est considéré comme un échec de l’ensemble du système.
Plus près de chez nous, au Pays Basque espagnol, les soins intégrés collectifs ont été également expérimentés avec la stratégie de lutte contre la maladie d’Alzheimer et les affections connexes. Dans ce cas, l’intégration a été appliquée en fusionnant les structures hospitalières et de soins primaires en une seule organisation – les organisations intégrées de soins de santé (OSI). Actuellement, le Pays Basque espagnol compte 13 OSI avec des bassins versants de 30 000 à 400 000 personnes. Les OSI ont créé des unités de continuité des soins (USC) pour améliorer la coordination entre les prestataires. On y trouve un ou plusieurs internes désignés, chargés de l’admission et de la stabilisation des patients chroniques. Des infirmières de liaison appuient également le parcours des patients, ainsi que la transition de l’hôpital à leur domicile, où ils seront ensuite suivis par leur médecin généraliste. En dehors des épisodes aigus, les internes travaillent en étroite collaboration avec les médecins de famille dans la planification des soins.
L’organisation des soins, oubliée des dernières réformes hospitalières
L’ensemble de ces dispositifs de soins intégrés (individuels ou collectifs) reste relativement méconnu en France, et en tout cas très peu sollicité. On constate surtout des initiatives isolées, à l’échelle d’un établissement, d’un service, ou encore d’une collectivité territoriale par exemple dans le cadre d’une communauté de santé (comme les contrats locaux de santé, CLS ou les contrats urbains de cohésion sociale, CUCS).
L’organisation des soins, encore très centrée sur les médecins et les établissements, favorise assez peu la coordination d’un ensemble d’intervenants (infirmières, services sociaux, kinésithérapeutes, ostéopathes, etc.). Ceux-ci sont plus souvent considérés, dans le processus de soins, comme assurant une fonction de supports plutôt que comme de potentiels acteurs de coordination.
Certes, le plan ma santé 2022 a initié la formation d’infirmières de pratique avancée (plutôt pour la médecine hospitalière pour réaliser, dans le cas de pathologies chroniques, certains actes techniques de médecine ou prescrire certains médicaments et examens complémentaires) et la création d’assistants médicaux (pour décharger les médecins de ville dans la gestion des dossiers des patients et la préparation d’actes techniques). Cependant cette mesure, probablement très appropriée dans une perspective globale de prise en charge des patients, reste très isolée des autres mesures et très partiellement dotée sur le plan financier. À elle seule, elle révèle les principaux oublis des dernières réformes hospitalières qui, en privilégiant surtout l’octroi, de manière horizontale, de moyens financiers aux hôpitaux ou au personnel, proposent assez peu de moyens, plus structurels et transversaux, pour réorganiser et coordonner les soins de ville et hospitaliers.
Les exemples réussis d’intégration de soins sont pourtant nombreux. Mais, en France, ils semblent rentrer en contradiction avec une tradition « réformiste » privilégiant les solutions catégorielles plutôt que les solutions plus globales, prenant en compte les intérêts mais aussi la participation d’un ensemble de parties prenantes (patient, hôpitaux, personnel, médecine de ville, services sociaux, etc.).
Il paraît particulièrement dommageable qu’une réflexion globale ne soit pas réellement initiée. En particulier alors que les 5 et 17 décembre 2019 se mobilisent les personnels de santé, toutes catégories confondues….
Laurent Mériade, Enseignant chercheur en sciences de gestion - Titulaire de la chaire de recherche « santé et territoires » - IAE, Université Clermont Auvergne
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.