mercredi 17 juin 2015, par
Les discussions des partenaires sociaux autour de la qualité de vie au travail sont l’aboutissement de différents accords ayant rythmé le dialogue social de ces dernières années. Max Masse et Denis Garnier nous ont éclairé sur le sujet lors d’un débat à bâtons rompus durant le dernier salon Préventica.
C’est à un numéro de duettistes que nous avons assisté lors de la conférence dédiée à la qualité de vie au travail et au dialogue social, à l’occasion du salon Préventica de mai 2015 à Toulouse.
Débat sur la qualité de vie au travail
Cette session mettait aux prises Max Masse, Directeur-adjoint du Travail, chercheur associé à l’Université de Rouen, et Denis Garnier, Titulaire de la CHSCT nationale (FO), Président du Comité Technique National - Hospitalier des maladies professionnelles et accidents du travail, deux personnages n’ayant pas tout à fait les mêmes opinions sur l’état de la qualité de vie au travail en France, mais qui font preuve de l’ouverture nécessaire pour échanger et débattre sur ce sujet. Pour ce dernier, en effet, le terme de dialogue social semble obsolète car « de dialogue, il n’y a pas ! »
De l’hygiène et sécurité à la qualité de vie au travail
Max Masse a tout d’abord retracé les différentes étapes ayant conduit les partenaires sociaux à parler de qualité de vie au travail dans la Fonction Publique, depuis les accords de novembre 2009, où l’hygiène et la sécurité ont fait place à la santé et la sécurité au travail et qui a vu l’avènement du CHSCT, jusqu’aux accords non signés de 2015, en passant par les accords sur la prévention des risques psychosociaux (RPS) de 2013. « L’accord de 2009 a été bâti par les syndicats, sur le champ du travail, a-t-il concédé, mais les négociations ont reposé sur les travaux de recherche de la CNAM. » Pour son contradicteur, « la santé au travail est vue par le législateur comme une catégorie sociale. A l’occasion des accords de 2009, la Direction Générale du Travail a découvert le monde ! Sans la maîtrise du sujet par les syndicats, les accords n’auraient pas été efficaces. »
« Un monde de tricheurs ! »
Denis Garnier est ensuite revenu sur l’accord de 2013, qui faisait suite à une intensification significative de la charge de travail des salariés, dans une période où les cadres voyaient leurs prérogatives décliner. « Les cadres n’ont plus aucune latitude pour gérer, remarque-t-il. Il en découle une situation de conflit entre le manager et le salarié, dans un monde de tricheurs ! » Pour Max Masse, ces accords « sont le fruit de discussions et d’un guide méthodologique sur les risques médico-sociaux. Cela a favorisé une acculturation collective et une négociation de qualité sur le fonds. »
Objectif du cadre : aider le salarié ou le commander ?
Restait à expliquer l’impasse des négociation de 2015 sur la qualité de vie au travail. « En 2014, ce débat a été adapté à chaque fonction publique, a-t-il poursuivi. Cela aurait dû permettre aux acteurs, notamment dans la FPH, de s’approprier la démarche. » Denis Garnier voit le problème de manière différente. « A l’hôpital, nous avons des CHSCT lights, a-t-il fait remarquer. Les RPS, c’est 50% pour les cabinets d’experts et 50% de formation pour les salariés. On a assisté dernièrement à une psychologisation du travail, afin de contraindre le salarié à se positionner différemment pour lieux supporter sa situation. Le cadre est au centre de ce processus : son objectif est-il d’aider le salarié, ou de le commander ? »
« On n’attaque pas les causes réelles du mal-être au travail ! »
Pour lui, la formation des cadres doit aller vers l’aidant, la qualité de vie au travail ne pouvant pas être dissociée de la qualité du travail. « Nous assistons aujourd’hui à un conflit de valeurs, un conflit éthique, a-t-il ajouté. On leur bâtit des crèches, on leur limite le nombre de mails, on leur installe des plantes vertes, des salles de coaching ou de sport. Mais on n’attaque pas les causes réelles du mal-être au travail ! » Pas tout à fait opposé à ces derniers arguments, Max masse a tout de même souhaité préciser que le bien-être au travail était une notion individuelle, alors que la qualité de vie au travail faisait appel à des critères plutôt collectifs.
Reste que le climat de tension qui règne à l’hôpital, au niveau de l’organisation, comme au niveau des cadres ou des agents, n’est pas propice à l’optimisme, assez loin en tout cas de la qualité de vie au travail souhaitée par tous.
Bruno Benque
Rédacteur en chef cadredesante.com
bruno.benque@cadredesante.com