Bruno Cazabat : « Nous devons continuer à favoriser l’interdisciplinarité ! »

jeudi 25 février 2021, par Bruno Benque

En amont des 61èmes Journées de formation des Ingénieurs Hospitaliers de France (IHF), nous avons rencontré le Président de cette association, Bruno Cazabat, pour un entretien à bâtons rompus. Il nous fait part des leçons à tirer de la crise sanitaire en matière de coopération entre les équipes hospitalières et souhaite que les projets interdisciplinaires perdurent lorsque celle-ci sera terminée. Il invite, ainsi tous les managers de Santé à participer aux 61èmes Journées IHF.

Cadredesante.com : La pandémie de COVID-19 constitue une rude épreuve pour les soignants, qui n’ont pas eu le temps de se préparer à l’afflux massif de patients depuis le printemps 2020. Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur les activités des ingénieurs hospitaliers ?

Bruno Cazabat : Aux Hospices Civiles de Lyon (HCL) où j’exerce, nous avons observé, d’une part, un affaiblissement des effectifs dû à l’infection de certains soignants, mais d’autre part, une réelle solidarité entre les agents pour faire face à l’urgence. Nous avons été obligés de nous adapter nous aussi pour transformer des locaux en unités de soins intensifs et apporter des modifications apparemment modestes, mais qui se sont avérées importantes pour la protection des soignants et des patients. Par exemple la protection des accueils, l’installation de recycleurs d’air, la séparation des flux, la modification des centrales de traitement d’air …

Mais le constat que l’on peut faire suite à cet épisode est la réactivité de toutes les équipes et le décloisonnement que cela a pu engendrer. Tout le monde s’est mis à collaborer, de façon naturelle, que ce soit les logisticiens, les biomédicaux, les équipes médicales, les membres de la Direction, et, bien entendu, les ingénieurs hospitaliers. Je pense d’ailleurs que cette réactivité est le fruit du décloisonnement. Et tout le monde a joué le jeu, y compris les fournisseurs et les entreprises privées qui ne nous ont pas laissés tomber.

CDS.com : Les 61èmes Journées de formation des Ingénieurs Hospitaliers de France (IHF), qui se dérouleront du 31 mars au 2 avril 2021, seront très impactées par la pandémie. Comment avez-vous abordé cette mise en place ?

B.C. : Nous avions prévu d’organiser cet événement en présentiel au Palais du Pharo de Marseille. Mais les circonstances font que nous avons dû annuler et avons opté pour deux jours et demi de visioconférence. Il est très important pour nous de garder le contact avec nos collègues et de s’inscrire dans la continuité pour échanger et se former. Dans cette optique, nous organisons, depuis juin 2020, des webinars mensuels qui ont rencontré un certain succès. Le prochain, qui sera diffusé le 9 mars 2021, sera consacré au projet Boréals des HCL, qui fera sortir de terre un plateau technique tout neuf comportant notamment 30 salles d’opération, 45 lits de réanimation et des soins intensifs, un service d’imagerie, l’accueil des urgences, etc.

CDS.com : Comment voyez-vous l’avenir de votre métier au sortir de la crise sanitaire ?

B.C. : Les ingénieurs hospitaliers ont su résister dans la tourmente en préparant l’avenir. Il s’agit pour nous de prendre en compte les enseignements de la crise pour améliorer les futurs projets, notamment sur le thème de la flexibilité des locaux et de la séparation des flux de patients et de personnels, la limitation des risques de contagion ou l’adaptation de l’existant en unités de réanimation éphémères. J’ajoute dans ce cadre que nous avons, en mai 2020 au sein de l’Association IHF, initié un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) avec la conférence des DG et UNIHA pour proposer des unités de réanimation mobiles. Cet AMI a suscité un réel intérêt auprès des professionnels et nous avons ainsi reçu une vingtaine de propositions de la part d’équipes ingénieurs, architectes, industriels et entreprises. Un appel d’offres a été lancé, managé par un groupe de travail comprenant entre autres des ingénieurs acheteurs et un médecin anesthésiste. Ce groupe a finalisé le cahier des charges et déroulé toute la procédure en un temps record puisque les marchés aux trois lauréats ont été notifiés début septembre 2020.

CDS.com : Ce marché n’a pas suscité de commandes franches de la part des établissements de Santé. Quelles en sont les raisons ?

B.C. : La raison majeure du manque de débouchés au-delà de la question des ressources humaines, est pour l’instant le timing. L’appel d’offres a été conclu au 15 septembre 2020, à une période où la première vague de la pandémie était passée. D’autre part, il faut le temps de construire ces unités modulaires, entre trois et cinq mois, et mobiliser quelques millions d’euros, ce qui donne à réfléchir, évidemment. Mais le marché est prêt et notre concept, qui se situe entre l’hôpital de campagne et l’unité de réanimation classique, a touché beaucoup de gens, de par sa flexibilité, son prix et les délais de construction réduits.

CDS.com : Revenons aux 61èmes Journées IHF. Quelles seront les thématiques phares cette année ?

B.C. : Nous avons prévu un programme varié, avec une part importante consacrée aux retours COVID et leçons à en tirer et une part très variée sur les thèmes de l’ingénierie hospitalière, qui pourra intéresser, outre les ingénieurs, l’ensemble des managers et professionnels de Santé. Nous aurons par exemple deux interventions sur le développement durable, avec deux projets d’éco-construction de bâtiments en bois, l’un dans un hôpital parisien, l’autre dans un EHPAD Korian. Nous traiterons également des sujets pointus comme l’acoustique des locaux pour des conditions de travail meilleures, dans les salles de bloc opératoire tout d’abord, dans lesquelles la réverbération des parois, les bruits venus des appareils ou du souffle de circulation de l’air peuvent gêner les professionnels, ou dans les laboratoires d’analyse médicales au sein desquels les automates sont parfois bruyants. Citons également une présentation qui sera faite sur le thème de la maintenance prédictive ou de l’économie d’énergie, un sujet d’actualité avec le décret tertiaire de la Loi Elan qui nous contraint à réaliser quelques 40% d’économie d’ici à 2030.

CDS.Com : Pour conclure, comment envisagez-vous les relations entre les différentes équipes à l’hôpital à moyen terme ? Les coopérations nouvelles et les initiatives adaptatives survivront-elles à retour à la normale ?

B.C. : Je serais tenté de répondre par l’affirmative, tant le travail en commun a montré que nous pouvions être plus efficaces ensemble. Nous devons faire perdurer le contact entre les équipes. Nous avons pu observer que le télétravail pouvait être pertinent, mais l’échange non numérique ne peut pas être remplacé. Je suis convaincu que nous devons favoriser interdisciplinarité, la flexibilité et la prise d’initiatives, qui sont des accélérateurs très forts. Quand on y a goûté, on ne peut être que favorable à cette évolution. C’est aussi la raison pour laquelle j’invite tous les managers de Santé à suivre nos Journées de formation IHF, pour faire perdurer la coopération. Beaucoup de formations ont été annulées, il faut profiter de celles qui sont maintenues pour continuer à se former et à partager.

Propos recueillis par Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@cadredesante.com
@bbenk34


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