lundi 1er septembre 2003, par
Quelle est la fonction de cadre consultant ? Bien des interrogations se posent au regard de cette dénomination !
Au début du 20ème siècle, le « counseling » apparaît au moment où la société américaine découvre que les concepts sur lesquels elle s’est fondée (puritanisme, individualisme…) s’effondrent devant la pauvreté et la délinquance liées à l’industrialisation de masse [1]. Le terme de « counseling » est utilisé pour désigner l’ensemble des pratiques qui consistent à orienter, aider, informer, soutenir ou traiter.
Le conseil est né avec l’assurance qualité dans le secteur des industries. Depuis l’ère industrielle, en effet, la notion de qualité se manifeste pour d’une part, contrôler la production et d’autre part, améliorer celle-ci. On voit donc apparaître simultanément des outils statistiques (évaluation quantitative) et la mise en place d’organisations scientifiques du travail et leurs applications (évaluation qualitative). C’est l’époque des théories (TAYLOR) qui influent sur les conditions de travail des ouvriers, avec plus ou moins de bonheur, comme l’ont démontré entre autres, plus tard, C.DESJOURS [2] et S. MILGRAM [3].
Après la seconde guerre mondiale, la réorganisation quasi totale des infrastructures Japonaises est l’avènement du conseil qui apparaît peu à peu en France. Exclusivement appliqué au secteur industriel, il s’étend progressivement à celui de la santé où il rencontre un véritable développement avec l’apparition de l’accréditation, et le « décryptage » du manuel édité par l’ANAES. Face aux normes imposées par l’accréditation, le secteur de la santé se trouve devant une échéance difficile à contenir : engager une réflexion pluridisciplinaire sur la qualité des pratiques professionnelles.
Quels besoins ont les établissements sanitaires des cadres consultants, et que peuvent ils leur apporter ?
Les individus impliqués au sein d’un système peuvent ils à la fois être juge et partie ?
Peut on porter un regard neuf sur sa propre organisation, sur ses propres pratiques ?
L’objectivité est surtout le fait de l’extranéité [4]. C’est pourquoi les cadres consultants apportent cette dimension unique. Leur pratique professionnelle comporte une bonne connaissance du fonctionnement des établissements de santé, publics et privés. Leur regard n’est pas troublé par les interactions qui constituent le tissu social à l’intérieur des institutions. Ils ne sont en rien impliqués dans les liens internes, ni dans les enjeux de pouvoir de l’établissement. Les alliances et les conflits ne les concernent pas, et ne distordent pas leur vision systémique. Non qu’ils ne les voient ni ne les pressentent, bien au contraire, ils doivent même composer avec ces interfaces, en tenir compte. Bien souvent, les acteurs du système connaissent parfaitement les motifs pour lesquels cela ne « marche » pas dans une structure sanitaire. Néanmoins, les enjeux sont parfois tels qu’ils ne sont pas entendus à l’intérieur même de l’établissement.
Issus de l’extérieur, c’est vers l’extérieur que le cadre consultant retourne à la fin de sa « mission ». Lorsque le meilleur conseil que l’on donne aux professionnels est encore de « prendre du recul », on comprend mieux l’intérêt de cette position privilégiée, ce retrait permanent qui apporte toute la créativité d’un œil neuf, doublé de solides et diverses expériences professionnelles.
L’observation d’un système peut alors donner lieu à des conseils (c’est l’audit), mais il me semble que cette phase n’est que la première et incontournable partie d’une collaboration plus active. Proposer des solutions puis partir est une position plus que confortable, sans doute, pour le consultant qui pourra toujours dire que si ses propositions n’ont pas fonctionné, c’est la faute de l’établissement qui n’a pas su en tirer parti.
Accompagner ces préconisations me paraît pourtant une seconde phase tout aussi importante car elle « cautionne » les actions proposées en leur donnant forme. Les groupes composés par le cadre consultant travaillent ensemble à la mise en place de nouvelles règles en les réécrivant eux mêmes. Cette appropriation est essentielle au processus de réussite de n’importe quel outil ou méthode.
C’est pourquoi le recours à un cabinet conseil pour la mise en place des outils de l’évaluation en vue de l’accréditation, par exemple, est tout à fait judicieux, à mon sens. A travers l’accompagnement d’une formation action, le cadre consultant-formateur peut ainsi réaliser la cohérence entre les différents groupes de travail, par sa position particulière. Par ses compétences spécifiques d’adaptation et de management, il apporte le lien indispensable à la cohésion du projet.
Ainsi, les qualités requises pour cette fonction comportent un passé professionnel diversifié, un sens aigu de l’adaptation et de l’observation , mais aussi de réelles compétences d’animateur de groupe et une parfaite connaissance du système de santé français. Son meilleur atout vient de sa profession même : c’est un cadre qui s’implique absolument dans le projet pour fédérer les équipes tout en restant objectif grâce à son extranéité.
Lucile VERBANCK, cadre consultante, Belloy (95)
[1] M. WEILL « le management de la qualité » 120 pages Edition la découverte 2001
[2] C.DESJOURS « travail et usure mentale… » essai de psychopathologie du travail » 263 pages Editions BAYARD 1993
[3] S. MILGRAM « soumission à l’autorité » 268 pages Editions CALMAN-LEVY 1997
[4] qualité de ce qui est étranger, HACHETTE