mardi 5 décembre 2006, par
Les auteurs
Le management est un mot très utilisé par les cadres. Mais quelle définition peut on donner à ce mot ? De nombreux auteurs définissent le management en quelques verbes. D’autres comme H. MINTZBERG ont une définition quelque peu différente. Et pourtant à travers une enquête, on peut découvrir que ces définitions sont bien incomplètes quand il s’agit de manager le changement à travers un projet.
Prenons comme exemple H. FAYOL [1] , pour cet auteur, le management se définit en cinq fonctions : la prévoyance, l’organisation, le commandement, la coordination et le contrôle. Ultérieurement ces grandes catégories furent ramenées à quatre : la planification, l’organisation, le commandement et le contrôle. Nous retrouvons également ces catégories dans la législation. Selon la loi du 31 juillet 1991, n°91-748, relative à la réforme hospitalière, le cadre est garant de la qualité des soins infirmiers, il organise, contrôle et coordonne le travail d’équipe. De même la Haute Autorité de Santé (H.A.S.) reprend ces critères pour évaluer le management de l’encadrement dans les établissements de santé. L’H.A.S. définit le management à travers les premières lettres des verbes suivants : Prévoir, Organiser, Décider, Evaluer, Motiver, soit le PODEM.
Ce qui distingue un rassemblement quelconque d’hommes, d’une organisation formelle, c’est avant tout la présence d’une autorité, d’un manager, dont la tâche est d’unir les efforts, dans un but donné. Les premiers travaux de H. MINTZBERG furent consacrés au management [2] .Si on demande à un cadre de nous décrire ce qu’il fait, il va nous répondre qu’il organise, planifie, coordonne, contrôle. Mais paradoxalement, certains vont répondre à la suite de cette brève description qu’ils gèrent l’imprévu. N’est-ce pas là une injonction paradoxale ? Ces travaux permettent de définir différemment le management. Cet auteur divise le management en trois catégories, elles-mêmes divisées en rôles.
La première catégorie liée aux rôles interpersonnels se décompose en trois parties :
L’un des rôles décrit est lié au symbole qu’incarne le « chef ». De par sa fonction, il est obligé d’assister à certaines cérémonies de l’entreprise et d’autres plus informelles pour le personnel qu’il encadre, comme aller au mariage d’un de ses subordonnés par exemple.
Le cadre est chargé de l’organisation d’où son rôle de leader. Certaines de ses activités impliquent directement son leadership. Il doit savoir encourager, motiver ses employés. L’influence du manager est la plus évidente dans son rôle de leader. Son autorité formelle l’investit d’un grand pouvoir potentiel, son leadership détermine en grande partie la façon dont il peut l’employer.
Le dernier rôle de cette catégorie nommée « les rôles interpersonnels » est d’être un agent de liaison. Le cadre est en quête permanente d’informations qui pourraient lui être utiles, il passe donc beaucoup de temps à construire un réseau autour de lui. Selon une étude de MINTZBERG, il est surprenant de constater que les managers passent beaucoup plus de temps avec leurs pairs et d’autres personnes extérieures à leur organisation qu’avec leurs propres subordonnés et encore moins de temps avec leur hiérarchie.
La seconde catégorie décrit les rôles liés à l’information. Le fait d’avoir un rôle de liaison permet au cadre d’avoir beaucoup plus d’informations que son équipe. La recherche d’informations est une des clés de la profession de manager. Dans le rôle d’observateur actif, le cadre scrute en permanence son entourage à la recherche d’informations.
Un de ses rôles est de diffuser ces informations à ses subordonnés qui n’y ont pas accès.
Les informations propres à son groupe doivent être diffusées à l’extérieur. C’est alors son rôle de porte-parole qu’il exerce. Cette fonction fait partie intégrante de son métier. Elle est très importante pour communiquer des informations aux personnes influentes.
L’information a une grande importance, mais elle n’est pas une fin en soi. Elle sert à prendre des décisions, à orienter la direction d’une nouvelle organisation.
Cette optique décisionnelle est décrite à travers les quatre rôles de cette troisième catégorie : les rôles décisionnels.
C’est par son rôle d’entrepreneur que le manager va construire les projets pour l’institution dans laquelle il travaille. Il est important de relever que la décision de mettre en place un projet émerge de décisions prises les unes après les autres. La mise en place d’un nouveau projet peut être supervisée ou déléguée par le dirigeant. Ainsi, il peut superviser plusieurs projets à la fois.
Alors que le rôle d’entrepreneur décrit le manager comme l’initiateur volontaire du changement, le rôle de régulateur montre celui-ci comme répondant involontairement aux pressions. Ici, le changement se fait en dehors de son contrôle.
Le manager est aussi un répartiteur de ressources. Il doit savoir répartir les différentes activités qu’on lui demande. C’est à lui que revient la responsabilité de ce qui doit être attribué et à qui, dans l’organisation. Il est chargé de l’élaboration de la structure. Cette tâche va lui permettre de répartir certaines activités en fonction des ressources pour lui donner du temps.
Le dernier de ces rôles décisionnels est celui de négociateur. Il est clair que le manager va consacrer une grande partie de son temps à négocier. Cela fait partie intégrante de ses rôles car il est le seul à détenir toutes les informations sur son organisation, et surtout sur ses ressources.
L’enquête
A travers un mémoire pour mes études de cadre de santé, a été réalisée une enquête auprès de 280 agents hospitaliers (IDE, AS, ASH) [3] par questionnaire et de cinq cadres de santé par des entretiens. L’objet de cette enquête était de recueillir le ressenti des agents vis à vis du management des cadres de proximité lors de la mise en place de projets institutionnels et les façons de faire des cadres pour mener à bien ces projets.
L’élément qui semble être le plus important est le mode de management. 84 % des agents enquêtés par questionnaires souhaitent un management de type « participatif ». Les cadres interrogés disent tous être dans ce style de management, même si l’analyse de leurs entretiens montre qu’ils adaptent tous les styles mis à part le style dit « laisser faire ». A chaque projet, ils commencent par en informer les agents, afin de réaliser un appel à candidature pour travailler sur le projet. Paradoxalement, trois quarts des agents disent à travers le questionnaire ne jamais être sollicités.
Il est apparu après l’analyse de cette enquête que les agents n’arrivent pas à se projeter, à imaginer le projet tant que celui-ci n’est pas mis en œuvre. Certaines personnes ne comprennent pas les textes législatifs ou n’arrivent pas à se les approprier. Ce qui semble être accentué, moins les agents sont qualifiés. Une véritable relation d’aide doit alors s’établir entre l’équipe et le cadre de santé, afin d’aider les agents à s’imaginer le projet et à s’approprier les textes de lois. Cette aide devra donc être plus soutenue en fonction des catégories de personnel. Cette relation d’aide peut s’établir avec des intervenants extérieurs au service. La participation d’autres acteurs, n’appartenant pas au service n’est pas un frein au projet mais bien au contraire une aide. C’est ainsi que certains cadres font appel à la formation continue pour mettre en place un projet. Il s’agit de donner du sens au projet. Pour cela l’élaboration et l’annonce d’objectifs clairs sont essentielles.
Une relation de confiance est également nécessaire entre le cadre et l’équipe. Pour établir cette relation de confiance, il semble important que le cadre donne des informations de façon authentique et soit le plus « transparent » possible sur le projet. 55% des agents interrogés pensent que la résistance au changement sera moins grande lors de la mise en œuvre, si le cadre participe à l’élaboration du projet dans sa globalité.
Comment réussir à diminuer cette résistance, si l’équipe n’a pas confiance en son cadre ? Il a été mis en évidence que la communication autour du projet était un point essentiel afin de rencontrer le moins de résistance possible. En effet, le fait de parler des avantages mais aussi des inconvénients du projet facilite la mise en œuvre par la diminution des résistances au changement. Cette relation de confiance repose donc sur la fiabilité et l’authenticité des informations délivrées.
Est également ressorti de l’enquête que le cadre de santé doit savoir motiver, communiquer, fédérer, être ferme et tenace. La motivation passe par la valorisation du travail de chacun, et la délégation. Quoi de plus motivant pour un agent que de se voir confier une mission par son supérieur hiérarchique ? La communication doit s’établir dès le début du projet. Certains cadres vont même jusqu’à signifier qu’au début le projet allait être une surcharge de travail. Mais il s’agit là aussi d’être honnête, ce qui contribue à établir un climat de confiance. Le rôle du cadre est également de savoir fédérer son équipe autour du projet. Pour cela le management dit « participatif » est apparu comme un point important. A travers les questionnaires, il est demandé aux cadres, pilotes de projet de savoir être fermes et tenaces pour aller au bout.
L’information est un point important. Les agents revendiquent la nécessité d’être informés tout au long du projet. 82% des enquêtés pensent qu’un projet ne peut aboutir si les échanges sur l’organisation du travail sont insuffisants. Cependant les cadres pensent qu’une information est essentielle au début du projet, mais par la suite ils estiment que l’information ne doit être délivrée qu’aux grandes étapes du projet. Selon les cadres interrogés, « Trop d’infos tuent l’info ».
Très peu de cadres ont parlé d’évaluation. Cependant un cadre m’a parlé d’autoévaluation. En envoyant les agents en formation, dès leur retour ces derniers vont mettre des choses en place. Puis comme tous les agents ne partent pas en même temps en formation les sessions suivantes vont évaluer ce qui a été mis en place par leurs collègues et ainsi de suite. Cette façon d’évaluer semble intéressante, car ce n’est pas la hiérarchie qui évalue. De plus le travail de chacun est valorisé.
Au travers de cette enquête, nous percevons que le cadre a bien d’autres actions que celles citées dans le PODEM. Le manager qu’est le cadre doit savoir prévoir, organiser, décider, évaluer et motiver, mais pour le management du projet cela ne suffit pas. L’information dont parle MINTZBERG est aussi essentielle. Mais l’enquête montre que pour mener à bien un projet, la confiance, la ténacité, la fermeté, la relation d’aide, la communication et la participation sont des points importants. On peut alors se demander quelle évaluation aura l’HAS, au moment de l’évaluation du management des cadres dans la deuxième version de l’accréditation ?
[1] Fayol H., Administration industrielle et générale, DUNOD, 1918
[2] H. MINTZBERG, Le management, voyage au centre des organisations, Editions d’organisation, Paris, 2001, pp 21 à 45.
[3] Lire IDE : Infirmiers(ières) diplômé(e)s d’Etat, AS : Aides soignant(e)s, ASH : Agents des Services Hospitaliers