Quel avenir pour Farid Benyettou ?

lundi 2 février 2015, par Bruno Benque

L’avenir professionnel de Farid Benyettou, lorsqu’il aura obtenu son DE d’infirmier, semble plus que délicat sur le territoire français. La législation, l’environnement professionnel, ainsi que la vindicte populaire l’obligeront certainement à « s’exiler » là où sa présence ne se ferait pas remarquer.

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Les événements dramatiques de ce début d’année ont soulevé un élan collectif national comme rarement dans l’Histoire de la France contemporaine. Ils ont entraîné des réactions, à chaud, empreintes d’émotion, de violence, ou d’abattement, selon le caractère de chacun. Maintenant que le soufflet est un peu retombé, nous souhaitions revenir sur le cas de cet étudiant infirmier au passé chargé d’activités religieuses répréhensibles.

Interdit d’exercer dans la fonction publique

Farid Benyettou, pour rappeler brièvement les faits, a réussi le concours d’entrée en IFSI en 2011, alors qu’il sortait de prison. Jugé et condamné en 2008 à 6 ans de prison pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, il était connu pour prêcher, dans une mosquée du XIXème arrondissement de Paris, des paroles radicales aux fidèles, incitant les plus faibles d’entre aux à épouser la cause djihadiste. Cet étudiant infirmier sans histoire apparente dans l’exercice de son apprentissage s’est soudainement retrouvé sous les projecteurs de l’« actualité circus » au lendemain des attentats perpétrés dans la première quinzaine de janvier. Et la première réaction des instances de l’AP-HP a été de rappeler que la réglementation en vigueur interdisait toute personne au casier judiciaire non vierge à intégrer la fonction publique.

Réponses complexes à une question simple

Cette situation semble tout d’abord contradictoire. Car en effet, si l’on essaie d’y réfléchir un peu, un employé repris de justice serait donc susceptible de nuire à l’institution, mais un pas un stagiaire sortant de prison. C’est comme si un ancien pilote de karting avait le droit de circuler sur la voie publique avec son moniteur d’auto-école mais se voyait refuser de conduire seul à cause de son passé de chauffard des circuits ! Cela dit, le cas qui nous intéresse se place plus sur le plan de l’éthique que sur celui du droit. Ce jeune homme est-il apte aujourd’hui, ou du moins lorsqu’il obtiendra son DE, d’intégrer la communauté des soigants ? Je vous renvoie à l’excellent texte de mon collègue Christophe Pacific dans infirmiers.com pour son angle philosophique. Mais sur le plan pratique, cette question simple appelle plusieurs réponses complexes.

Imprégné des valeurs laïques et humanistes enseignées dans les IFSI ?

Tout d’abord, il semble que, au vu d’une interview télévisée qu’il a accordée après avoir été « démasqué », il se soit « rangé », comme on dit, et avoir pris de la distance avec ses activités lui ayant valu d’être condamné. D’aucuns diront que la prison n’est pas le meilleur endroit pour rompre avec des pensées extrémistes, et enfonceront le clou en rappelant que c’est l’endroit où les plus tendres des athés deviennent les djihadistes les plus féroces. Mais prenons-le au mot, considérons qu’il dit vrai, qu’il a embrassé les valeurs humanistes et laïques enseignées dans les IFSI. Que va-t-il se passer pour lui à son entrée dans la vie active ? Les établissements publics ne voulant pas de lui, il se tournera vers le privé.

Une situation inextricable

Il arrivera obligatoirement avec ce lourd passé, et ce malgré lui et ses meilleures intentions, ce qui ne manquera pas de créer quelques tensions avec certains de ses collègues moins dociles, ou plus touchés que d’autres par les événements récents. Et quel management pour ce type de professionnel ? S’il doit, en général, s’adapter autant faire que peut aux caractéristiques de ses collaborateurs, le cadre qui en aura la charge devra redoubler d’attention afin de le mettre dans de bonnes conditions, mais aura certainement aussi un œil plus aiguisé sur son comportement, en prévision d’une éventuelle rechute djihadiste. Sans compter que sa présence dans un établissement sera forcément connue de tous, y compris des patients. Le risque, alors, serait de voir cette information se répandre comme une trainée de poudre et faire fuir la plupart d’entre eux, mettant à mal la réputation même de la structure.

Oui, ce cas est très compliqué, il n’a, à vrai dire qu’une issue très incertaine, tout du moins en France... Une affaire à suivre attentivement.

Bruno Benque
Rédacteur en chef cadredesante.com
bruno.benque@cadredesante.com


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