lundi 24 octobre 2016, par
La table ronde organisée par la Commission des Affaires sociales du parlement sur le thème du Syndrome d’épuisement professionnels le 20 octobre 2016 a fait résonner des sons de cloche dissonants entre les infirmiers et les directeurs d’hôpitaux. Les cadres, eux, n’étaient pas conviés.
Dans le cadre de sa prise en compte de la souffrance des professionnels de santé maintes fois exprimées par les intéressés, notamment dans nos colonnes, la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a organisé, le 20 octobre 2016, une table ronde réunissant l’ensemble des acteurs du domaine hospitalier sur le thème du Syndrome d’épuisement professionnel.
Les professionnels appelés à témoigner devant la Commission parlementaire
Tour à tour, des représentants syndicaux des personnels de santé et des représentants associatifs des médecins hospitalier, des infirmiers, puis des directeurs d’hôpitaux ont été invités à se prononcer sur les raisons qui ont engendré l’augmentation de l’épuisement professionnel dans la pratique du soin devant M. Gérard Sebaoun, Député socialiste du Val d’Oise et rapporteur de cette session. Après un débat animé, mais courtois initié par les syndicats, la parole fut donnée aux représentants des médecins. Au cours de ces échanges, le Pr Max-André Doppia, Président d’Avenir hospitalier, a pu témoigner que les praticiens hospitaliers étaient très nombreux à souffrir de ce syndrome, précisant que l’on ne voyait que la partie émerge de l’iceberg.
Le CNOI lancera une enquête relative à la qualité de vie au travail
Mais la partie qui nous intéresse en particulier est évidemment l’intervention des représentants des infirmiers et, à travers eux, de l’ensemble des professionnels paramédicaux. D’emblée, Didier Borniche, Président de Comité National de l’Ordre des Infirmiers (CNOI) annonçait la mise en place, pour l’ensemble des adhérents au CNOI, d’une enquête relative à la qualité de vie au travail entre autres descriptions de l’état actuel des conditions d’exercice des infirmiers. Nathalie Depoire, Présidente de la Coordination Nationale Infirmière (CNI), quant à elle, interpellait les parlementaires avec des arguments forts comme les injonctions paradoxales auxquelles étaient soumis les personnels paramédicaux, « écartelés entre les actions qu’on leur demande de réaliser et le manque de moyens qui leur sont alloués pour le faire. »
Des cadres de santé en difficulté pour adapter les charges de travail
Parmi les exemples qu’elle a donnés, elle est revenue sur les difficultés rencontrées par les cadres de santé pour adapter une charge de travail toujours croissante instituée par les directions d’hôpitaux pour atteindre des effectifs cibles dans chaque service. Elle a regretté également que les différentes formations dont font l’objet les soignants sur le thème de la bientraitance des patients, quand elles existent, ne soient accompagnées des moyens nécessaires à da mise en place. Il en ressort un sentiment de culpabilité qui accentue encore le mal-être des soignants. Elle a souligné que l« a maltraitance institutionnelle » à leur égard était illustrée par un manque de reconnaissance notamment, dénonçant enfin les déplacements sauvages des infirmiers de service en service.
Pour une révision du rôle des cadres de santé
Pour Thierry Amouroux, Secrétaire national du Syndicat National des Personnels Infirmiers (SNPI), les directions, en imposant ces cadences infernales, poussent les infirmiers à la faute, d’où l’explosion des erreurs de soins et des événements indésirables graves, qui ont, d’après lui, doublé en un an. Il a appelé, d’autre part, à la révision du rôle des cadres de proximité, qui doivent venir plus en soutien des soignants et agir avantage en tant qu’animateurs de groupes. Il souhaite qu’ils aient une plus grande marge de manœuvre et réaffirment leur autorité vis à vis du corps médical. Sur les rythmes de travail, il a lui pointé du doigt les alternances sauvages jour/nuit et les changements de services fréquents des infirmiers, leur polyvalence allant à l’encontre de la spécialisation grandissante des unités de soins.
Un son de cloche différent de la part des directeurs d’hôpitaux
Du côté des directeurs, il semble que le problème ne soit pas si important que veulent bien le dire les représentants infirmiers. Frédéric Boiron, Président de l’Association des Directeurs d’Hôpital (ADH), a reconnu que la T2A, puis l’ambulatoire, ont accéléré le rythme de travail ce qui rejaillit sur les soignants, que l’impératif de continuité des soins génère de nombreux remplacements de personnels et que l’exigence des patients fait progresser le nombre de procédures judiciaires et de réclamations. Mais, lorsque le rapporteur lui a parlé des temps de transmissions désormais trop courts entre les équipes soignantes, il a annoncé qu’elles étaient de 30 minutes, les représentants infirmiers ayant auparavant précisé qu’ils étaient souvent mesurés à 12 minutes pour trente lits !
Les cadres et directeurs de soins, grands absents de la session
Il est regrettable que les managers intermédiaires que sont les cadres de santé et les directeurs de soins n’aient pas été conviés à cette audition parlementaire. Les représentants de l’ANCIM ou de l’AFDS en particulier auraient pu faire la liaison entre les propos quelque peu contradictoires prononcés par les uns et les autres, l’exemple des temps de transmissions reflétant le ressenti différent existant désormais dans les structures hospitalières entre les acteurs de terrain et leurs dirigeants.
Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
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