lundi 29 mars 2010
Dans certaines régions du monde, un tuberculeux sur quatre développe une forme de la maladie contre laquelle les traitements médicamenteux types sont désormais impuissants. C’est ce qui ressort d’un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Ainsi, 28% de toutes les personnes récemment diagnostiquées comme étant atteintes de tuberculose dans une région du nord-ouest de la Russie présentaient une forme multirésistante de la maladie (tuberculose MR) en 2008. Il s’agit du pourcentage le plus élevé dont l’OMS ait jamais eu connaissance. Avant cela, le niveau record de 22% avait été relevé en 2007 dans la ville de Bakou en Azerbaïdjan.
Dans le nouveau rapport que vient de publier l’OMS, intitulé Multidrug and Extensively Drug-Resistant Tuberculosis : 2010 Global Report on Surveillance and Response, l’OMS estime que 440 000 personnes étaient atteintes de tuberculose MR dans le monde en 2008 et qu’un tiers d’entre elles en sont mortes.
En termes purement quantitatifs, c’est l’Asie qui est la plus durement touchée par l’épidémie. Près de 50% des cas de tuberculose MR dans le monde concerneraient la Chine et l’Inde. En Afrique, l’estimation porte sur environ 69 000 cas, dont la très grande majorité n’auraient pas été diagnostiqués.
Signes encourageants
Les programmes de lutte contre la tuberculose se heurtent à de formidables difficultés dans la réduction des cas de tuberculose MR. Des signes encourageants apparaissent cependant, en ce sens que, même en présence d’une épidémie sévère, les gouvernements et leurs partenaires parviennent à juguler la tuberculose MR en renforçant leurs efforts de lutte contre la maladie et en mettant en œuvre les recommandations de l’OMS.
En à peu près cinq ans, deux régions de la Fédération de Russie – Orel et Tomsk – ont obtenu une régression remarquable de la tuberculose MR. Ces régions rejoignent ainsi deux pays – l’Estonie et la Lettonie – qui ont réussi à infléchir la progression marquée de la tuberculose MR et finalement à la faire reculer. Les États-Unis d’Amérique et la Région administrative spéciale de Hong Kong (Chine) ont obtenu des réussites durables dans leur lutte contre la tuberculose MR.
Peu de patients diagnostiqués
Dans la plupart des autres pays, cependant, les choses n’ont que peu avancé. À l’échelle mondiale, 60% des patients ayant bénéficié d’un traitement seraient à présent guéris. Cependant, on estime que 7% seulement de tous les patients atteints de tuberculose MR ont été diagnostiqués. Des mesures s’imposeraient d’urgence en termes d’améliorations à apporter au niveau des laboratoires, d’accès à un diagnostic rapide et à un traitement à l’aide de médicaments plus efficaces et de schémas thérapeutiques moins longs que les deux années actuelles.
L’OMS est engagée dans un projet en cinq ans visant à renforcer dans près de 30 pays les laboratoires spécialisés dans la tuberculose à l’aide de tests rapides. Davantage de patients bénéficieront ainsi d’un traitement indispensable. Elle collabore en outre étroitement avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et avec la communauté internationale en vue de rendre l’accès au traitement plus facile.
À savoir
La tuberculose multirésistante (tuberculose MR) est causée par des bactéries qui résistent au moins à l’isoniazide et à la rifampicine, qui sont les médicaments les plus efficaces contre la tuberculose. La tuberculose MR résulte soit d’une infection primaire à bacilles résistants soit d’un développement survenu pendant le traitement du patient.
La tuberculose ultrarésistante (tuberculose UR) est une forme de la maladie causée par des bactéries qui résistent à l’isoniazide et à la rifampicine (soit la tuberculose MR), ainsi qu’à toute fluoroquinolone et tout médicament antituberculeux injectable de seconde intention (amikacine, kanamycine ou capréomycine).
Ces formes de tuberculose ne répondent pas au traitement type en six mois faisant appel à des médicaments antituberculeux de première intention et peuvent exiger un traitement de deux ans ou davantage à l’aide de médicaments moins puissants, plus toxiques et beaucoup plus coûteux (entre 50 et 200 fois plus). Alors qu’un traitement à l’aide de médicaments antituberculeux types coûte environ 20 dollars, les médicaments permettant de traiter la tuberculose MR peuvent coûter jusqu’à 5000 dollars, et ceux permettant de traiter la tuberculose UR beaucoup plus encore.
En 2008, le nombre de nouveaux cas de tuberculose était estimé à 9,4 millions, et l’on recensait 1,8 million de décès dus à la maladie. On estime que 440 000 cas de tuberculose MR sont apparus durant la même année, et que 150 000 patients en sont morts. Il n’existe aucune estimation officielle du nombre de cas de tuberculose UR, mais ce nombre pourrait être de l’ordre de 25 000 par an, entraînant dans presque tous les cas une issue fatale. Depuis que la tuberculose UR a pour la première fois été définie en 2006, un total de 58 pays ont signalé au moins un cas de tuberculose UR.
Financement de la la lutte contre la tuberculose ultirésistante
Dans 27 pays à forte charge de morbidité (c’est-à-dire dans lesquels on estime qu’au moins 4000 nouveaux cas de tuberculose MR apparaissent chaque année et/ou présentant au moins 10% de nouveaux cas de tuberculose MR signalés), 1,3 million de cas de tuberculose MR ou UR devront être traités entre 2010 et 2015, pour un coût de16 milliards de dollars pendant six ans, accusant une hausse qui passera de1,3 milliard en 2010 à 4,4 milliards en 2015.
Le budget prévu pour 2010 est très en deçà de ces chiffres puisqu’il s’élève à moins de0 ,5 milliard de dollars pour l’ensemble des 27 pays. Les fonds réellement disponibles pour 2010 s’élevaient à 280 millions de dollars. Les fonds nécessaires pour lutter contre la tuberculose MR en 2015 seront 16 fois supérieurs à ce qui est aujourd’hui disponible en 2010.
Renforcer les laboratoires
Il est urgent d’élargir et d’accélérer dans les pays l’accès à des techniques nouvelles et rapides, permettant de diagnostiquer la tuberculose MR en deux jours, au contraire des méthodes traditionnelles qui peuvent prendre jusqu’à quatre mois. EXPAND TB est un projet en cinq ans ciblant 27 pays, qui a été lancé en 2008 et mis en œuvre par l’OMS, la Fondation pour l’innovation en matière de nouveaux diagnostics (FIND), le Service pharmaceutique mondial (GDF) du Partenariat Halte à la tuberculose et l’Initiative mondiale pour les laboratoires (GLI), avec l’appui financier d’UNITAID.
À ce jour, ce projet a permis de mener un large éventail d’activités dans 12 pays, parmi lesquels la mise à niveau de l’infrastructure et la formation du personnel. Le transfert de technologie a débuté dans certains pays, grâce à quoi davantage de patients peuvent être diagnostiqués avec précision et être rapidement mis au bénéfice d’un traitement. Cet effort d’actualisation devrait conduire en fin de compte à une surveillance régulière de la résistance aux médicaments dans les pays concernés.
Six pays sous la loupe
Six pays dans le rapport font l’objet de sections spéciales. Le Bangladesh (l’un des très rares pays en développement dans lesquels une surveillance continue est effectuée auprès de sujets tuberculeux ayant déjà reçu un traitement dans certaines régions) ; la Chine (où a été effectuée la première enquête sur la pharmacorésistance à l’échelle du pays tout entier) ; l’Éthiopie (l’un des premiers pays à avoir introduit les tests moléculaires rapides en laboratoire) ; le Népal et la Roumanie (traitements fructueux de la tuberculose MR grâce aux programmes relevant de l’initiative du Comité Feu Vert) ; l’Afrique du Sud (changements politiques destinés à améliorer la prise en charge des cas et les soins aux patients atteints de tuberculose UR).
La situation en Afrique
En Afrique, on observe un faible pourcentage de tuberculose MR parmi les nouveaux cas de tuberculose, par comparaison avec des régions comme l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, du fait, en partie, de la capacité limitée des laboratoires à mener des enquêtes sur la pharmacorésistance. Les dernières estimations en date de l’OMS donnent 69 000 cas de tuberculose MR apparus en 2008 en Afrique. Des rapports antérieurs ont trouvé des taux élevés de mortalité chez les personnes vivant avec le VIH et souffrant d’une forme de tuberculose MR ou UR. Au KwaZulu Natal, en Afrique du Sud, une flambée de tuberculose UR a tué 52 des 53 patients en l’espace de trois semaines, la plupart d’entre eux étant séropositifs.
Facteurs de risques : VIH et tuberculose MR
Les études montrent que les patients tuberculeux co-infectés par le VIH dans trois pays d’Europe de l’Est (Estonie, Lettonie et République de Moldova) courent un risque plus grand de développer une forme multirésistante de la tuberculose, par comparaison avec les tuberculeux n’ayant pas contracté le VIH. Des études réalisées en Lituanie, en Ukraine et au Mozambique sont arrivées aux mêmes conclusions.
Le rapport met en lumière plusieurs raisons pour lesquelles la tuberculose pharmacorésistante peut être associée au VIH, notamment dans certains pays d’Europe de l’Est. Cependant, davantage de recherches seront nécessaires pour déterminer si les zones d’épidémie de la tuberculose MR et du VIH se recoupent dans le monde.
Signalement des cas de tuberculose MR dans le monde
Ce rapport contient des données sur la pharmacorésistance en provenance de 114 pays et des informations actualisées fournies par 35 d’entre eux. En dépit de la prise de conscience croissante de l’ampleur et des tendances de la tuberculose pharmacorésistante, des lacunes majeures subsistent dans les zones géographiques couvertes. Depuis 1994, seulement 59% de tous les pays dans le monde ont pu recueillir des données représentatives de grande qualité sur la pharmacorésistance.
Il faut d’urgence obtenir des informations, particulièrement en provenance des pays d’Afrique et autres pays présentant une charge élevée de morbidité liée à la tuberculose MR, où de telles données n’ont jamais été consignées : le Bangladesh, le Bélarus, le Kirghizistan, le Pakistan et le Nigéria. De plus, les pays doivent élargir la portée de leurs enquêtes de manière à couvrir l’intégralité de leur population, répéter ces enquêtes de façon à mieux comprendre les tendances de la pharmacorésistance et adopter une surveillance continue systématique.
Pour plus d'informations :
Glenn Thomas - Chargé de Communication
Halte à la Tuberculose, OMS
Tél. portable : +41 79 509 0677
Courriel : thomasg@who.int
[Pascal]
Voir en ligne : OMS