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CHU de Toulouse : Marie-Claude Sudre a su imposer son style à la communication

lundi 31 janvier 2011


La communication hospitalière est une profession jeune puisque le 1er service a été créé en 1975 à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. C'est aussi un secteur caractérisé par un fort turn over, principalement du fait du départ des communicants attirés par d'autres horizons. Mais le renouvellement est aussi dû aux changements à la tête de l'établissement - en théorie tous les 5 ans. En effet, l'arrivée d'un nouveau directeur est souvent synonyme de restructuration du service. Celui-ci devant incarner l'idée que le manageur se fait de cette fonction stratégique. Nouvelles priorités, nouveau style qui se traduiront très concrètement par le recrutement de nouveaux responsables et l'orientation plus marketing ou plus institutionnelle de sa mission. Autant de facteurs qui expliquent pourquoi on ne vieillit pas dans ce métier particulièrement exposé. Et pourtant, une exception vient confirmer la règle : Marie-Claude Sudre, déléguée à la communication au CHU de Toulouse qui vient de faire valoir ses droits à la retraite après 25 années de bons et loyaux services au sein d'une institution qui caracole en tête des palmarès. RESEAU CHU salue l'exploit et profite de la disponibilité nouvelle de celle qui a su survivre au passage de 4 directeurs généraux pour prendre du recul et analyser les grandes évolutions qui ont marqué la communication hospitalière ces trente dernières années.

Réseau CHU : Quand avez-vous été recruté et pour quelles missions ?
Marie-Claude Sudre
 : En fait j'ai eu un parcours professionnel un peu particulier. J'ai embrassé la carrière hospitalière par hasard, après un stage effectué dans un service du CHU de Toulouse en 1970. Mais la rencontre avec les équipes soignantes pour lesquelles j'ai éprouvé très vite une grande estime, ma formation en sciences humaines et l'opportunité de construire deux projets professionnels innovants, m'ont conduit à faire le choix d'y effectuer toute ma carrière.
Sous la direction de Roger Méau j'ai en 1971, créé le 1er service de psychologie du travail (conseil en recrutement, études de poste, formation) et en 1987 Yvon Lemarié m'a invitée à installer le service de communication que j'ai eu l'honneur de diriger pendant 25 ans jusqu'à mon départ du CHU. René Rettig et Daniel Moinard, m'ont ensuite reconduite dans cette mission. Ils m'ont permis de renforcer ma démarche en reconnaissant le rôle stratégique de la communication, à laquelle le projet culturel a ensuite été rattaché en 2001. A son arrivée au CHU en 2007, Jean-Jacques Romatet m'a donné l'occasion d'enrichir mon expérience professionnelle en me confiant aux côtés de la communication, la politique clientèle et le droit des malades. Ces deux domaines sont très complémentaires et en parfaite synergie et j'ai donc éprouvé énormément d'intérêt à relever ce dernier défi.
Lors de ma nomination en 1985 à la tête du service de communication que je créais, il faut bien reconnaître que ma mission n'était pas clairement précisée et de surcroît je ne disposais au départ d'aucun budget. C'était le temps où les directeurs de grands CHU commençaient à structurer la communication sans modèle bien défini : les uns s'attachaient aux relations avec la presse qui montait en puissance, les autres voulaient créer des outils, d'autres enfin étaient désireux d'améliorer la politique d'humanisation ou les relations externes. Sans modèle préconçu de la part de la direction générale, j'ai eu donc eu carte blanche pour faire des propositions et je considère avec le recul que c'était une chance car j'ai pu « inventer » le modèle de la communication hospitalière toulousaine.

Réseau CHU : Quelles étaient vos priorités et comment avez-vous réussi à faire prendre la greffe de la communication dans une structure qui vivait très bien sans ?
Marie-Claude Sudre  : Oui en effet à cette époque là, l'hôpital vivait sans communication organisée. Chaque secteur d'activité la gérait de façon empirique et indépendante : médecins, soignants, direction, logisticiens, administratifs... Lorsque j'ai pris mes fonctions j'avais la chance de déjà bien connaître la culture hospitalière, les valeurs auxquelles les personnels étaient attachés mais j'étais aussi consciente des cloisonnements, des corporatismes, des freins liés à une hiérarchie très lourde. C'était un atout important. Je savais que pour construire une politique de communication il ne fallait rien imposer mais au contraire qu'il fallait fédérer et s'appuyer sur tous les acteurs concernés. Ma première priorité a donc été de constituer un comité de pilotage représentatif de tous les professionnels, d'identifier leurs attentes et leurs difficultés, de recenser les multiples cibles et partenaires avec qui ils étaient en relation, d'analyser le positionnement de chacun vis-à-vis d'elles. Le CHU est un univers très complexe de par la diversité des métiers exercés, de ses missions mais aussi de par la richesse des liens entretenus avec l'ensemble des corps sociaux.
Avec le comité de pilotage nous avons fait émerger les valeurs communes, conçu des messages, des plans d'action prioritaires, indiqué les moyens nécessaires et les personnes ressources sur lesquelles s'appuyer. J'ai pour ma part souhaité présenter ce travail collectif, concrétisé par le premier plan de communication du CHU, à toutes les instances. Mais très vite j'ai senti la nécessité d'aller plus loin en faisant évoluer la culture institutionnelle sur cette problématique. J'ai donc proposé de mettre en place des formations à la communication à l'attention de toute l'équipe de direction mais aussi des médecins dont notamment le président de la CME. Cette action a ensuite été complétée par la rédaction de bonnes pratiques en matière de communication dont notamment celles concernant les relations de l'hôpital avec les journalistes. Cette démarche inscrite sur le long terme a permis de constituer un véritable réseau de correspondants qui avaient acquis une culture et des réflexes communs et qui ont constitué le ciment d'une communication organisée et concertée entre tous les acteurs et respectueuse de l'éthique et de la déontologie des professionnels.

Réseau CHU : A cette époque, diriez-vous que la communication était principalement une communication de support ? (création du logo, du journal interne...)
Marie-Claude Sudre  : Oui bien sûr dans les années 80, tout était à faire. Le journal interne, le livret d'accueil les brochures ressemblaient plutôt à une compilation d'informations à caractère administratif, l'identité graphique, lorsqu'elle existait était peu respectée. Ces supports étaient souvent le fruit d'initiatives portées par des personnels de bonne volonté qui les avaient conçus avec les moyens du bord. Il faut avouer que la reconnaissance des responsables de communication passait à cette époque par leur capacité à créer ou professionnaliser tous ces supports ou à organiser des évènements tels que des opérations portes ouvertes très en vogue à cette époque là. En général nous étions appréciés par tous, car nous apportions une véritable plus value aux professionnels et une meilleure lisibilité de nos actions pour les usagers et nos partenaires externes.

Réseau CHU : Avec votre recul, quels ont été les événements ou les évolutions (lois, événements, changements sociétaux...) qui ont influencé votre métier, voire l'organisation même de votre service ?
Marie-Claude Sudre  : Dans le milieu des années 80 les professionnels de santé et la société toute entière ont été frappés par le drame du sang contaminé. Le manque de communication a été pointé du doigt, la sacro sainte loi du silence et le pouvoir médical mis à mal. Et puis à la fin des années 90, la communauté hospitalière a aussi vécu une remise en question avec le choc des premiers classements des hôpitaux, qui l'obligeait sur la demande pressante des journalistes à rendre des comptes sur son fonctionnement. Dans cette continuité la peur du bug de l'an 2000, nous a tous engagés à préparer la sécurisation des dispositifs concernés et à préparer notre communication pour démontrer que nous mettions tout en oeuvre pour gérer ce risque. Je n'oublie pas non plus le rôle que nous avons joué pour accompagner en interne les changements culturels ou sociaux auprès des personnels. Je pense notamment aux restructurations, aux projets d'établissements souvent sources de conflits médico administratifs, à la T2A, aux 35 heures, à la mise en place des pôles ? C'est dans ces périodes de tension ou de lourds changements que la communication a mûri et pris une dimension plus stratégique. Ces phénomènes ont obligé progressivement les directeurs et les professionnels de santé à évoluer dans leurs attitudes et à comprendre l'intérêt d'intégrer en amont le souci d'une communication préparée en concertation avec les acteurs concernés.
Et puis bien évidemment la loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades a totalement bouleversé la culture des professionnels de santé et impacté fortement la communication vis-à-vis des usagers. Je pense enfin à l'explosion des technologies de la communication avec internet, les réseaux sociaux qui nous obligent de plus en plus à l'immédiateté, laissant de moins en moins de place à une communication réfléchie.
L'organisation des services de communication s'est fortement ressentie de tous ces changements et les responsables de communication sont de plus en plus tenus de posséder des compétences nouvelles et d'élargir leurs champs d'intervention. Je pense que nous avons tout intérêt en ce sens à établir une forte synergie entre les services de communication et ceux en charge de la clientèle/droits des malades ou de la qualité et de la gestion des risques notamment. Pour ma part j'ai consacré beaucoup de temps durant ces 10 dernières années de ma carrière à ces sujets.

Réseau CHU : Désormais l'hôpital est confronté à de multiples pressions, quels sont selon vous les enjeux de la communication hospitalière en 2011 ?
Marie-Claude Sudre  : Ces pressions sont de nature variée. Pression de la concurrence, phénomène relativement récent, et qui nous oblige à penser marketing. Pression comme je viens de le dire de l'opinion publique, des journalistes, des représentants des usagers de plus en plus présents au sein de nos instances et qui attendent de nous plus de transparence, plus de dialogue plus d'anticipation. Mais aussi travail en réseau, conventions, alternatives à l'hospitalisation qui nous obligent à partager et transférer les savoirs auprès de professionnels du privé ou du public. Pression économique bien sûr, avec la nécessaire maîtrise des dépenses de santé qui nous engage vers plus d'efficience et des plans sociaux.
La communauté hospitalière, de par sa culture, n'est pas toujours prête à affronter de façon sereine ces nouveaux défis. Dès lors, les dirigeants hospitaliers demandent aux responsables de communication d'expliquer et d'accompagner ces changements, de répondre aux interrogations légitimes de l'opinion publique et des journalistes. L'hôpital est désormais en tension constante et le dialogue avec la société civile désormais permanent. Ceci suppose de notre part une disponibilité de tous les instants et des liens de confiance avec l'ensemble des corps professionnels sans lesquels nous ne pourrions offrir une communication fiable et réactive.
La tâche est lourde ! Aujourd'hui beaucoup de CHU ont intégré les responsables de communication dans les instances stratégiques ou les dispositifs de gestion des risques et de communication crise. C'est un gage de reconnaissance. Mais notre rôle reste souvent ingrat et notre fonction fragile, car la communication se trouve au coeur de nombreux conflits pour lesquels le management n'a pas toujours trouvé d'issue favorable et il arrive quelquefois que nous en fassions les frais.

Réseau CHU : L'hôpital a-t-il encore le temps d'avoir une stratégie de communication ou est-il condamné à être happé par l'actualité ?
Marie-Claude Sudre  : Je répondrai que nous devons nous donner le temps de construire notre stratégie de communication et en même temps que nous devons être prêts à répondre à l'improbable. J'ai vécu pour ma part le drame lié à l'explosion d'AZF en 2001. Avec toute l'équipe de direction nous nous étions préparés et formés à des situations de médecine de catastrophe, sans trop croire à la vertu des exercices de simulation. Et pourtant le jour du drame nous avons pu mesurer à quel point cette stratégie de préparation et d'anticipation de la crise avait été utile. Il faut être capable régulièrement de lever le nez de notre copie quotidienne pour prendre de la distance et écouter les bruissements autour de nous qui nous indiquent nos points de fragilité et les changements de cap à opérer.

Réseau CHU : Enfin, en matière de communication quelles recommandations feriez vous à un nouveau directeur d'hôpital ?
Marie-Claude Sudre  : Quel que soit l'établissement dont il a la charge quels que soient les moyens budgétaires dont il dispose, de ne jamais sacrifier la communication et de ne pas considérer cette fonction à côte du management. La fonction communication doit être au service de la stratégie de l'établissement et la stratégie de l'établissement doit intégrer les enjeux de la communication. Et puis je leur demande d'être prudents dans leur analyse, car souvent les maux dont souffre l'hôpital sont attribués à un problème de communication alors qu'ils sont souvent liés à un problème de management.

Réseau CHU : Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut embrasser une carrière de communication hospitalière ?
Marie-Claude Sudre  : Aux jeunes responsables de communication qui embrassent leur carrière, je leur dis que l'hôpital est un milieu professionnel passionnant par la diversité des métiers et des compétences qu'on y croise et que le sentiment d'appartenance ressenti par ses personnels y est particulièrement fort. Comme les professionnels de santé il faut s'attendre à gérer des paradoxes et promouvoir aujourd'hui la réussite des équipes comme demain gérer la crise engendrée par un scandale ou une erreur thérapeutique. A la fin de ma carrière ce dont je suis le plus fière c'est d'avoir fait en sorte que la délégation à la communication du CHU de Toulouse ait été au service de tous les hospitaliers et de tous les usagers et réponde ainsi tant aux besoins institutionnels qu'à ceux des médecins, des cadres et de chaque personnel sur le terrain. Je pense que nous puiserons notre légitimité dans cette action que nous devons mener au plus près du terrain, au coeur des services aux côtés des soignants et des toutes les équipes qui oeuvrent au quotidien pour maintenir au meilleur niveau le service public hospitalier et le faire évoluer. C'est le message essentiel que je vais désormais transmettre dans le cadre des formations que je vais dispenser dans ma nouvelle vie professionnelle.

Illustration de la démarche pédagogique adoptée par Marie-Claude Sudre le Guide Hôpital et média qu'elle a élaboré en concertation avec les médecins et juristes du CHU de Toulouse et avec le conseil de l'ordre.
 

Télécharger le Guide Hôpital et média    : http://web.reseau-chu.org/docs/2863/guide_hopital_media.pdf




 

Pour plus d'informations, contacter :
Marie-Georges Fayn
Conseil en communication Santé Social
Domaine de Bellevue
36290 Saint-Michel-Brenne
Tél : 02.54.38.06.59
Fax : 02.54.38.19.82
email : resochu@club-internet.fr



 


Voir en ligne : reseau-chu.org


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