lundi 6 février 2023, par
La réforme des retraites bat son plein et le débat parlementaire sur ce dossier durera une vingtaine de jours. Dans ce contexte, qu’attendre des milliers d’amendements déposés par les députés et sénateurs pour y apporter les ajustements semblant nécessaires, selon la situation des travailleurs, la longueur de leur carrière ou la pénibilité de leur activité ? Malgré la large mobilisation organisée durant cette période par les syndicats, il semble que la pénibilité des métiers passera au second plan. Surtout pour les soignants...
La réforme des retraites occupe, ces jours-ci, une bonne partie de l’antenne audio-visuelle. Le contenu de la réforme elle-même, le débat parlementaire qui tente de lui donner une version définitive, ainsi que les manifestations organisées par les syndicats pour contester les possibles évolutions qu’elle tente d’imposer, font les choux gras de la presse quotidienne et des journaux télévisés.
La réforme des retraites prévoit un allongement des carrières
Alors, à quelle sauce allons-nous être mangés ? Le gouvernement a annoncé, le 10 janvier 2023, son intention de faire progressivement croître l’âge légal de départ à la retraite de 3 mois par année de naissance, à compter du 1er septembre 2023, de telle façon que le départ à la retraite, en 2027 se fera à 63 ans et 3 mois et en 2030 à 64 ans, après 43 années de cotisation minimum pour pouvoir bénéficier d’une pension à taux plein. Il s’est, d’autre part, attaqué aux principaux régimes spéciaux qui octroient des départs anticipés, par exemple à la RATP, au sein de la branche industries électriques et gazières (EDF), à la Banque de France ou chez les clercs de notaires, mais seulement pour tous les nouveaux embauchés.
Des milliers d’amendements que le débat parlementaire devra traiter
Ces mesures ne sont évidemment pas du goût des syndicats, des plus virulents aux plus modérés, qui battent le pavé ensemble, pour l’instant, afin de montrer leur désaccord et appeler à plus de clémence pour nos séniors. Ils ont ainsi organisé de grandes manifestations le 19 et le 31 janvier 2023, qui ont enregistré une belle participation, et appellent une nouvelle mobilisation les 7 et 11 février 2023. Pendant ce temps, les parlementaires étudient à partir d’aujourd’hui, 5 février, les milliers d’amendements que leurs collègues leur proposent et qui traitent de sujets pour certains farfelus et irrecevables, pour d’autres plus pragmatiques.
Quel sort sera réservé à la pénibilité des métiers soignants ?
Mais quid des aménagements qui concerneraient les carrières longues ou la pénibilité ? Pour les premiers, le Gouvernement a déjà fait des propositions pour un départ à 60 ans ou à 62 ans, respectivement pour les personnes ayant débuté leur carrière entre 16 et 18 ans ou entre 18 et 20 ans. Pour les seconds, un flou artistique semble couvrir les propositions parlementaires. Comment définir un seuil de pénibilité ? Qui pourra bénéficier d’un raccourcissement de carrière à cause d’un métier pénible ? Quels métiers seront qualifiés de pénibles ? Les activités liées aux travaux publics ou au bâtiment, par exemple, doivent-ils être mis au même niveau que les métiers soignants de nuit ? Et si l’on ne considère que les soignants de nuit, ne crée-t-on pas une discrimination des professionnels exerçant uniquement de jour ?
Une situation à comparer avec des métiers très exposés
Sur ce dossier, le Syndicat National des Personnels Infirmiers (SNPI) a tranché : les infirmiers ne veulent pas des deux années supplémentaires de carrière. « La pénibilité se mesure de manière objective : 7 ans de vie en moins sacrifiée par les infirmières », affirme Thierry Amouroux, son porte-parole, qui compare leur espérance de vie à celle des françaises dans leur globalité. Une situation à mettre en regard de celle des ripeurs qui, selon deux chercheurs de l’Université de Grenoble Alpes qui utilisent le coût cardiaque – défini comme la différence entre la fréquence cardiaque au travail et celle au repos – comme indicateur, devraient se trouver en tête des candidats à une carrière plus courte.
Cet indicateur, reconnaissons-le, ne prend en compte que l’usure physique du professionnel. Et les métiers soignants sont aussi et largement soumis à des contraintes psychologiques à mettre en cause dans la pénibilité de leur carrière. Mais est-ce une bonne raison pour les positionner en dehors de la réforme ? Les parlementaires et le Gouvernement donneront leur réponse dans vingt jours, à l’issue de leurs débats. Elle sera sans nul doute négative...
Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@gpsante.fr
@bbenk34.