La crise hospitalière touche de plein fouet les managers de Santé

mardi 7 juin 2022, par Bruno Benque

La crise hospitalière qui secoue notre pays ne touche pas que les professionnels exerçant au plus près des patients. Les managers de Santé sont désormais touchés de plein fouet, décontenancés par le peu de considération dont ils font l’objet de la part des institutions, des populations soignées ou des organismes de tutelle. Et la colère gronde, certains, c’est du jamais vu, se mettant même en grève au nom de la défense de leur profession. Dans ce contexte, l’ANCIM, représentative de tous les cadres de santé, y va de son communiqué pour tenter de leur susciter un peu de reconnaissance.

Alors que de nombreux professionnels du soin, dans le champ médical ou paramédical, donnent des signes inquiétants de fatigue et de lassitude qui les conduisent à descendre dans la rue une nouvelle fois aujourd’hui, la situation des professionnels qui les encadrent n’est désormais pas plus reluisante.

Les Directeurs des soins en crise existentielle

Les Directeurs de soins tout d’abord, traversent une crise existentielle depuis quelques années, cherchant leur place dans des organigrammes dominés par des personnels de Direction de plus en plus nombreux à mesure que l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP) forme des promotions d’étudiants fraîchement diplômées qu’il faut caser. Cette crise a connu dernièrement son apogée, lorsque Martin Hirsch, le Directeur Général de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) a clairement signifié, dans un texte sensé réformer le système de Santé, que cette fonction était dorénavant inutile pour un bon fonctionnement de l’hôpital. Une réflexion qui a fait sortir de leurs gonds plusieurs organisations représentatives de cette fonction essentielle pour la coordination des forces vives - il en reste encore - auprès des patients.

La position stratégique des cadres de santé toujours pas reconnue

Les cadres de santé ensuite - et les cadres supérieurs bien entendu -, qui exercent une fonction des plus stratégiques au sein de l’organisation hospitalière, au carrefour entre les attentes des directions d’établissements - et indirectement des organismes de tutelle -, les besoins des patients et de leurs familles et le maintien des relations sociales pour chaque membre de l’équipe de laquelle ils ont la charge, connaissent un déficit récurrent de reconnaissance. Et ce déficit se traduit par, un manque de valorisation salariale de l’implication qu’ils déploient et des responsabilités qui sont les leurs, des postures de plus en plus soutenables des jeunes générations qui n’ont pas les même valeurs en termes d’appartenance à une institution, ainsi que des comportement souvent au bord de la limite des patients et surtout de leurs familles à qui ont a donné beaucoup de droits et peu de devoirs.

Un début de soulèvement de la part des managers de Santé

Cette situation devient très problématique, d’autant qu’ils n’ont plus aucune influence pour stopper la vague d’absentéisme qui grignote petit à petit les effectifs de soignants épuisés et qui ne se retrouvent plus dans la manière de conduire les affaires de la Santé dans l’hexagone. Un exode qui trouve sa source dans la dégradation des conditions de travail, terme générique qui regroupe divers symptômes liés aux relations sociales, à la Santé des acteurs, au niveau de vie en baisse, ou aux vocations à la dérive. Les cadres sont désormais eux-même au bout de ce qu’ils peuvent faire pour tenter de redresser la situation, puisque les mauvaises conditions de travail entraînent l’absentéisme, qui lui-même provoque des conditions de travail encore dégradées, etc. Le première conséquence à cet enchaînement d’événement est, à notre connaissance, la grève entamée par les managers du Centre Hospitalier d’Alençon lancée le 24 mai 2022. Ce n’est malheureusement que le début, n’en doutons pas.

Et devant la catastrophe qui s’annonce, à l’approche des congés annuels, synonymes de réduction encore plus marquée des effectifs, les messages d’alerte fleurissent. Le dernier en date émane de l’Association Nationale des Cadres de Santé (ANCIM) qui a publié, le 2 juin 2022, un communiqué laconique. Nous avons choisi de le partager en intégralité :

LES CADRES DE SANTE, COLONNE VERTEBRALE DES STRUCTURES HOSPITALIERES ET POURTANT SI INVISIBLES !

Les cadres de santé aujourd’hui sont en colère et inquiets !
Au quotidien, ce sont eux qui organisent et coordonnent les activités de soins, ils managent les équipes paramédicales et gèrent les compétences des équipes. Les cadres de santé sont les maillons utiles, nécessaires et indispensables pour donner du sens et accompagner le changement dans les hôpitaux.
Et pourtant... ils sont bien souvent placés « entre le marteau et l’enclume » traitant sans arrêt des injonctions paradoxales :
Ce sont eux qui doivent expliquer aux professionnels qu’ils doivent revenir sur leurs repos pour pallier l’absentéisme, qu’il faut aménager le temps de travail pour que tous puissent partir en vacances...
Les cadres de santé épuisés sont tiraillés entre le besoin d’assurer la continuité du service la qualité et la sécurité des soins qui leur est chère et qu’ils voient ne plus pouvoir maintenir au regard de la pénurie des personnels.
Ils sont la courroie de transmission des décisions prises bien souvent sans eux et sans leur demander leur avis.
Il faut reconsidérer la situation de l’hôpital par le prisme de la ligne managériale paramédicale.
La coordination des soins doit évoluer pour que la ligne managériale paramédicale ait une part d’autonomie plus grande avec une réelle expression des professionnels et des problématiques qui remontent du terrain.
L’hôpital est au bord de l’effondrement et les cadres essayent de maintenir les murs, c’est pourquoi on a besoin que les équipes paramédicales soient bien encadrées.

Depuis de nombreuses années, le cadre de santé est le traducteur et le facilitateur permanent, accompagnant toutes les réformes du système de santé. Véritable colonne vertébrale des établissements de santé dans la chaine de commandement, les cadres de santé et les cadres supérieurs de santé doivent être soutenus afin de rester debout et d’accompagner les bouleversements à venir.
Ce sont les conditions de travail de tous les acteurs hospitaliers qui font fuir les professionnels ainsi que le manque de reconnaissance d’autant plus criant pour les cadres. Un grand nombre d’entre eux quitte les établissements de santé en Burn-out et récemment quelques-uns en sont venus à des comportements extrêmes !
De nombreux cadres en France commencent à se mobiliser pour faire entendre leur voix (chose rare) pour préserver l’accès aux soins et alléger la surcharge de l’hôpital.
Nous voulons aujourd’hui alerter sur l’état d’urgence de soigner les soignants en leur redonnant leur dignité et leur raison d’être.
Les marques de reconnaissance s’avèrent indispensables pour les cadres de santé afin de revitaliser l’attractivité d’un métier aux lourdes responsabilités. Les cadres représentent une catégorie de professionnels engagés, agiles et compétents pour faire face aux situations de changement radical. Le métier de cadre de santé est au carrefour de plusieurs logiques médico-soignantes et administratives et pourtant si invisibles aux yeux de beaucoup, y compris dans nos établissements !
Ils sont bons à rien mais bons à tous faire !
L’Association que nous représentons alerte sur la nécessité de remettre en débat la place et le rôle des cadres de santé et cadres supérieurs dans le système de santé pour être acteurs des décisions stratégiques et de mettre en adéquation « travail et rémunération ».
Écoutez-nous, c’est nous qui sommes au cœur du réacteur, qui connaissons nos équipes et les besoins des patients !

L’Association nationale des cadres de Santé (ANCIM).

Bruno Benque
Rédacteur en chef www.cadredesante.com
bruno.benque@cadredesante.com
@bbenk34


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