mardi 31 mars 2020, par
Alors que le pic de la pandémie est proche en France et que la totalité de la population est impactée, il n’est pas inintéressant d’aller voir comment cette situation est gérée ailleurs et quel est son impact pour nos congénères étrangers. Leighton Kille, Rédacteur en chef, coordination internationale et technique de « The Conversation France », et Lionel Cavicchioli, Chef de rubrique Santé de ce même web magazine, font le point sur l’évolution de l’épidémie, les éventuels traitements, ou les répercussions sur l’environnement naturel et socio-économique.
De New York à Moscou en passant par Johannesburg ou Buenos Aires, le coronavirus SARS-CoV-2 poursuit son voyage planétaire. Le 30 mars, soit près de trois mois après l’annonce de sa découverte par la Chine, il a officiellement contaminé plus de 720 000 personnes, et fait au moins 34 000 morts. Alors que l’épidémie paraît maîtrisée en Chine, les États-Unis sont désormais le pays le plus touché. En Europe, il semblerait que le confinement commence à porter ses fruits : les chiffres italiens indiquent un ralentissement des hausses des contaminations.
L’OMS a salué ces efforts, tandis que partout sur la planète les pays se verrouillent les uns après les autres, fermant leurs frontières et confinant leur population de plus en plus drastiquement. Le monde tourne au ralenti et retient son souffle. Pour combien de temps ? Origine de la pandémie, effets du confinement, impact socio-économique, évolution de la maladie… Les universitaires continuent à décrypter tous azimuts les conséquences de cette situation inédite et à chercher des solutions à la crise.
Le réseau international de The Conversation poursuit sa collaboration avec eux pour vous informer au mieux, en puisant à la source de leurs travaux.
Voici quelques-uns des thèmes couverts par nos différentes éditions, pour cette quatrième chronique hebdomadaire.
Le devenir de l’épidémie
Combien de temps devrons-nous côtoyer le Covid-19 ? Faudra-t-il s’attendre à le voir revenir ?
- Pour en avoir une idée, Adam Kleczkowski (University of Strathclyde) et Rowland Raymond Kao (University of Edinburgh) se sont intéressés aux modélisations des grandes épidémies passées ;
- Christian Yates (University of Bath) nous explique comment s’y prennent les épidémiologistes pour créer les modèles mathématiques qui permettent de prévoir l’évolution d’une épidémie, des outils indispensables pour éclairer l’action des autorités.
Le devenir de la pandémie dépendra évidemment des armes à notre disposition pour lutter contre le coronavirus.
- Parastou Donyai (University of Reading) nous explique que même si la chloroquine a fait couler beaucoup d’encre, il n’existe pour l’instant pas de preuve de son efficacité pour prévenir le Covid-19 ;
- Ignacio López-Goñi (Universidad de Navarra) a pris le temps de lister les différents essais thérapeutiques actuellement en cours. Autant d’espoirs de thérapies pour traiter les malades ou de vaccins préventifs pour empêcher l’infection.
La pandémie de Covid-19 ne doit pas faire oublier les autres fléaux.
- Emily Wong (University of KwaZulu-Natal) attire notre attention sur le fait qu’en Afrique du Sud, le Covid-19 s’ajoute aux épidémies de tuberculose et de sida. Les experts s’inquiètent que ces malades soient plus à risque de développer des formes sévères ;
- Selon Éric Muraille (Université Libre de Bruxelles), notre histoire nous apprend que les épidémies sont inéluctables. C’est la raison pour laquelle il est primordial de savoir les anticiper.
Une maladie de la biodiversité
Comme bon nombre de maladies infectieuses qui affectent l’être humain, la pandémie de Covid-19 est une zoonose : le virus qui l’a engendrée provient des animaux.
- Tout aurait commencé chez la chauve-souris, un « suspect habituel » qui n’en est pas à son coup d’essai, nous explique Éric Leroy (IRD) ;
- Malgré tout, il ne faut pas blâmer ces mammifères volants, car ils nous rendent d’importants services et doivent être protégés, rappelle Peter Alagona (University of California, Santa Barbara).
Plutôt que de s’en prendre à la chauve-souris, nous ferions mieux de nous interroger sur notre rapport à la nature et à la biodiversité.
- Cette crise pourrait bien être le symptôme d’une crise environnementale globale, selon Philippe Grandcolas (MNHN) et Jean‑Lou Justine (MNHN) ;
- Cette tragédie n’en est pas une pour tout le monde, et certains de nos voisins se portent mieux depuis que nous nous sommes retirés dans nos appartements, constate Jérôme Sueur (MNHN). Moins d’activité humaine signifie moins de bruit, ce qui n’est pas pour déplaire aux oiseaux de nos villes, notamment.
De quoi le confinement est-il le nom ?
Nous sommes de plus en plus nombreux à nous retrouver confinés, dans l’espoir de limiter la propagation du virus et de relâcher l’insoutenable tension des systèmes de santé. Mais nous ne sommes pas tous égaux devant le confinement.
- Dans les établissements médicaux-sociaux, personnes âgées ou personnes handicapées déjà fragilisées sont les grandes perdantes des mesures de confinement, s’inquiète Emmanuelle Fillion (EHESP) ;
- C’est également le cas des prisonniers, dont le sort inquiète l’administration pénitentiaire, en raison de la proximité carcérale ;
Il est d’autant plus difficile de définir des mesures de santé publique génériques que tous les citoyens ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.
- Alex Broadbent (University of Johannesburg) et Benjamin Smart (University of Johannesburg) rappellent que certains ne peuvent pas se confiner, ni même mettre en œuvre les mesures de distanciation sociale adéquates.
En plus du risque de contamination, les chefs d’État font face au risque politique : leurs moindres faits et gestes sont scrutés et commentés.
- Le président sud-africain n’y échappe pas, nous explique Richard Calland (University of Cape Town), mais jusqu’ici les mesures de verrouillage du pays prises par son gouvernement semblent adéquates juge Philip Machanick (Rhodes University) ;
- À l’inverse, en Indonésie Iqbal Elyazar (EOCRU), Sudirman Nasir (Universitas Hasanuddin) et Suharyo Sumowidagdo (LIPI) exhortent le gouvernement à durcir les mesures pour éviter le pire, alors que l’épidémie entre à peine en phase exponentielle dans le pays ;
- en France, Catherine Le Bris (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) s’interroge sur la façon de concilier situation d’urgence, limitation des libertés et État de droit. L’équilibre résiderait dans le respect des droits de l’homme.
Enfin, Michael Baker revient sur le point essentiel de tous ces efforts de verrouillage : la maîtrise de l’épidémie. Ce professeur de santé publique est « fou de joie » de le voir porter ses fruits.
Le Covid-19, révélateur des inégalités
La pandémie en cours est loin d’aplanir les inégalités, elle les exacerbe plutôt.
- James Lappeman (University of Cape Town) s’est intéressé aux achats compulsifs déclenchés par la panique provoquée par le coronavirus. Ceux-ci jettent une lumière crue sur les inégalités économiques ;
- La pandémie révèle comme jamais les inégalités, et l’Afrique du Sud est un cas d’école, selon Steven Friedman (University of Johannesburg).
Mais la crise en cours pourrait aussi être l’occasion d’explorer des pistes pour réduire les inégalités, et de tester de nouvelles approches, économiques notamment.
L’« hélicoptère monétaire », théorisé par Milton Friedman dans les années 1970 pourrait être utilisé pour réduire les inégalités en distribuant directement de l’argent à la population, explique Baptiste Massenot (TBS Business School).
Et pour terminer, en hommage aux « héros en blouses blanches », l’édition américaine de The Conversation publie exceptionnellement une série de témoignages de cliniciens et de chercheurs opérant en première ligne de la pandémie.
Leighton Kille, Rédacteur en chef, coordination internationale et technique, The Conversation et Lionel Cavicchioli, Chef de rubrique Santé, The Conversation
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.